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3 septembre 2022 6 03 /09 /septembre /2022 06:00

- Avant ou après la baise ?

Daquin à Vincent son ami  avocat.

 

Or noir

Or Noir est un très bon millésime pour Dominique Manotti.

 

Dès les premières lignes on est dans le bain. Le bain d’huile plus précisément car ce qui se cache derrière ses meurtres commandités c’est la nouvelle répartition des cartes autour du business du pétrole qui se joue quelques jours avant le 1er choc pétrolier.

 

Mars 1973, le jeune commissaire Daquin débarque à Marseille en pleine succession sanglante pour le contrôle du milieu marseillais entre Zampa et Francis le Belge, après la chute des frères Guérini et le démantèlement de la French Connection, la filière de l’héroïne qui approvisionnait les Etats-Unis depuis la France, en particulier depuis la cité phocéenne.

 

Lorsque Maxime Pieri, un ancien lieutenant des Guérini devenu un homme d’affaires en vue de Marseille, est abattu par un tireur d’élite en sortant d’un casino de Nice, l’enquête est confiée à Daquin et à sa nouvelle équipe. Pieri était accompagné ce soir-là d’Emily Frickx, petite-fille d’un magnat des mines d’Afrique du Sud mariée à un important trader de minerais, et qui reste introuvable.

 

Remarquablement documenté et efficace, entremêlant trafics et coups tordus de toutes nature et origines, Or noir éclaire un moment fondamental de basculement vers un nouveau monde, et le cynisme et les ambitions sans limites qui vont naître de la libéralisation du commerce du pétrole et de l’économie.

 

signé MarianneL dans Sens Critique ICI 

 

Mars 73, c’est aussi la veille du choc pétrolier.  Le commissaire Théodore Daquin descendu de Paris pour occuper son premier poste a 27 ans. Il est intelligent, sensible, homosexuel et patient. Il débute par cette enquête. Mais quand après à l’ancien caïd de la drogue, son associé, vétéran des services secrets, est abattu, la piste du règlement de compte lié au banditisme est très vite écartée par cet anti-héros. D’autant qu’un autre cadavre liés à la Somar, entreprise que dirigeait Pieri, s’ajoute à la liste. La French Connection est tombée à Marseille. Et si la guerre de succession entre clans a fait rage, l’ancien monde bascule vers un nouveau monde de « cols blancs ». « L’avenir, ce n’est ni l’héroïne ni la cocaïne, c’est le pétrole. » Ce monde voit l’émergence de traders cyniques, sans foi ni loi, avides d’argent et de pouvoir.

 

Comme souvent, chez Manotti, tout est documenté. Entre les faits, les relations complexes entre les acteurs, les tensions entre les services de police héritées de leurs collusions avec le Milieu, le SAC ou la franc-maçonnerie, on se retrouve très vite dans les sombres arcanes des jeux de pouvoir. Daquin, nous ouvre les portes pour décrypter cette économie pas si parallèle que cela, cet aspect de la finance et de la politique, où blanchir l’argent sale n’est pas suffisant tant l’appât du gain est fort.

 

Jalonné de phrases courtes, ce roman noir nous berce dans une écriture fluide et rythmée entre le JE et le IL. Il n’y a aucune place pour le moindre temps mort. Certes c’est ce roman peut paraître minimaliste tant l’écriture est sans fioriture, mais Dominique rehausse la saveur à travers Daquin qui au fil de cet Or Noir, devient un personnage qui gagne.

 

YANNICK P. ICI 

 

  • Et pour vous, jeune homme, qu’est-ce sera?

 

  • Daquin hésite : des tomates… et pourquoi pas laisser faire la vieille : 

 

  • Donnez-moi de quoi faire une ratatouille pour deux.

 

  • Ah ! Une soirée en amoureux ?

 

 

  • Sourire. Si vous le dites

 

  • Je vais vous arranger ça.

 

Elle lui prépare tomates, poivrons, courgettes, oignons, aubergines soigneusement rangs dans un sac, puis le regarde d’un air suspicieux :

 

  • C’est vous qui cuisinez ? Vous savez la faire, au moins, la ratatouille ?

 

  • Pas de souci, j’ai ma recette…

 

 

  • Pas d’originalité surtout, la meilleure recette, c’est celle de  votre mère.

 

[…]

 

Plaisir de retrouver le contact des légumes frais dans les paumes de ses mains. Resurgit le souvenir de Beyrouth, et Beyrouth a un nom : Paul Sawiri, son amant plus âgé que lui et bien plus sage qui lui a appris à aimer cuisiner. La cuisine, lui disait-il, on ne la fait pas pour soi, mais pour un autre, ou des autres, amis, amants.

 

  • Chaque plat est un acte d’amour…

 

[…]

 

Il se met au travail. D’abord monder les tomates, quelques secondes dans l’eau bouillante pour enlever la peau. Couper les légumes en brunoise. Couteau affûté, gestes minutieux, précis, qui évacuent peu à peu les tensions de la journée. Puis faire revenir les légumes dans l’huile séparément en commençant par les aubergines, qu’on réserve ensuite sur du papier absorbant, pour éponger le surplus d’huile. Après les aubergines, faire revenir les oignons, les courgettes, les poivrons, le travail est moins prenant, la pensée vagabonde.

 

[…]

 

Maintenant, courgettes, oignons, poivrons sont revenus, l’essentiel est fait. Il n’y a plus qu’à mettre tous les légumes sauté dans la cocotte, y ajouter les tomates coupés en dés,, un bouquet garni, vérifier le sel, le sel, le poivre. Et laisser cuire, le temps nécessaire. Il s’allonge sur le canapé, met un disque de Count Basie. Il respire l’odeur des légumes qui mijotent, et pour la première fois, il se sent chez  lui dans cet appartement.

 

[…]

 

Quand Daquin revient avec un plateau, Vincent contemple le voilier du maire amarré dans le Vieux-Port à quelques dizaines de mètres de là, il se retourne, lui fait face, silencieux, offert,  Daquin pose le plateau, se penche vers lui.

 

  • Comme tu as changé. Il effleure de la main son visage : tu as maigri, les joues ont fondu, la charpente est enfin visible, libérée. Il caresse du bout des doigts le saillant de la pommette : j’aime toucher la force de ton visage. Il suit l’arcade sourcilière, l’arête du nez : l’œil s’est enfoncé, j’aime ce regard gris sombre. La main effleure la bouche, les lèvres s’entrouvrent, Daquin se penche, les embrasse dans un souffle.

 

Vincent demande :

 

  • Avant ou après l’apéro ?

 

  • Après le champagne et avant le foie gras.

L'Evêché à Marseille, c'est un peu comme le 36 quai des Orfèvres à Paris. A la fois hôtel de police et mythe. L'Evêché est le symbole d'une ville qui a été la capitale du crime organisé et qui continue à briller par "sa forte activité policière", dirons-nous. L'institution va déménager. ICI 

 

L'Evêché : drôle de nom pour un hôtel de police, lieu où l'on ne prie pas tellement a priori. L'Evêché était la résidence des évêques de Marseille. Depuis 1908, le bâtiment est la résidence des policiers. Le vieil immeuble n'étant plus aux normes, il se dit qu'un déménagement se déroulerait en 2028, délai ultime pour rejoindre le quartier Saint-Pierre.   

LES GUÉRINI (PARTIE I) - Le Milieu du Grand Banditisme FrançaisLes frères Guérini, Antoine & Mémé, French Connection, Marseille

Le clan Guérini et ses défaillances

 

Marseille, 1er février. - Barthélémy Guérini, dit " Mémé " et cinq membres de sa bande - de sa " milice privée ", dira M. Perfetti. substitut - ont comparu vendredi devant la septième chambre correctionnelle du tribunal de Marseille, présidée par M. Trousselot. Une foule grave et respectueuse était venue pour l'occasion apporter son soutien à ce chef de la pègre admis et admiré, craint et respecté, pitoyable dans le " malheur " qui le frappe.

 

Par JEAN-PIERRE QUÉLIN

Publié le 03 février 1969

 

Tous les six ont des noms qui chantent, des réponses à tout et l'explication nonchalante; s'ils ont été surpris un soir dans un cabaret marseillais en possession de pistolets, c'est, à les en croire, qu'ils avaient les plus solides raisons de se tenir sur leurs gardes, une balle engagée dans le canon. Pour Pascal Mariant, c'est l'esprit de famille qui a armé son bras : " On avait tué oncle Antoine, je ne voulais pas qu'il arrive la même chose à Mémé. " Direct, Mimi Gérôme Sarola déclarait lors de l'instruction : " Quand je suis avec eux, je risque à chaque instant de prendre une balle dans la tête. " Dominique Poli, lui, explique : " C'était pour ma sécurité personnelle. " Henri Rossi : " C'était une précaution morale et bien entendu physique. " Michel Santarelli : " Je me suis armé pour la défensive en cas de quoi que ce soit. " Leur patron, Barthélémy Guérini, soixante et un ans - qui manie le truisme avec moins de facilité, - touche à l'essentiel dans l'explication qu'il donne sur la nervosité qui régnait au sein de ses troupes : " Us ont tué mon frère devant son petit (son fils), je ne voulais pas subir le même sort. " Bref, depuis que la chance avait tourné pour les Guérini, le " clan " devait perdre jour après jour de sa légendaire prudence, jusqu'à l'arrestation de la bande à Marseille, le 4 août 1967, dans le cabaret de Barthélémy Guérini, " le Méditerranée ".

 

Les faits qui conduisent à ce " désastre " s'étaient enchaînés très vite. Le 23 juin 1967, Antoine Guérini est assassiné par deux tueurs, qui déchargent sur lui leurs deux pistolets de calibre 11,43. Au retour de l'enterrement, dans le village natal de Calenzana, en Corse, la veuve, Alice Guérini, constate le vol de ses bijoux survenu dans la villa de la famille à Marseille. Le 22 juillet, le corps d'un jeune malfaiteur, Claude Mondroyan, est découvert près de Cassis, dans le massif du cap Canaille. L'homme a été tué à coups de pistolet, méthodiquement, sans qu'on lui ait laissé un chance. Très vite, les policiers font le rapprochement entre le vol des bijoux et Mondroyan. Le propriétaire d'un bar, Marcel Fillot, parle. Dès lors, les enquêteurs ont la certitude que les Guérini sont impliqués dans le meurtre du jeune bandit. Le 4 août, une descente de police permet d'interpeller Barthélémy Guérini et cinq de ses hommes, tous trouvés porteurs d'armes à feu.

 

Trois chefs d'inculpation seront finalement retenus par la chambre d'accusation d'Aix-en-Provence : assassinat, complicité d'assassinat et infraction à la législation sur les armes. L'inculpation pour port d'arme prohibée fut disjointe des deux précédentes, c'est la raison pour laquelle le tribunal correctionnel de Marseille fut saisi d'un des volets de cette affaire, qui ne trouvera son véritable éclairage que lors du procès d'assises, dont la date et le lieu n'ont pas encore été fixés.

 

Les débats de vendredi allaient donc laisser la part belle au pittoresque. Un pittoresque au demeurant triste et gênant venant de personnages sans envergure. Ils ont été pris en flagrant délit, tous le reconnaissent hormis Barthélémy Guérini, qui a trouvé une bonne âme en la personne de son neveu Pascal Mariani, qui, avec dévouement, soutient que " Mémé " ne portait pas d'arme sur lui ce soir-là. L'oncle le maintiendra malgré les témoignages accablants des policiers. Si on l'a vu, ou cru le voir, avec une arme, c'est un malentendu : il se portait vers Mariani au moment de l'entrée des enquêteurs pour l'empêcher de " faire une bêtise ". Le président va résumer la démarche : " C'est ça, vous craigniez que la jeunesse n'aille à la catastrophe. " Barthélémy acquiesce...

 

Pour M. Perfetli, substitut, " le dénominateur commun de tous ces hommes c'est leur appartenance au milieu, à un clan parfaitement structuré qui a choisi de vivre en marge de la société, dans ce monde secret, enfoui sous la " loi du silence ". Ils s'y sont parfaitement intégrés et peuvent être considérés comme des truands. "

 

" Pour les faits, poursuit-il, il y a la constatation flagrante des fonctionnaires de police, dont un seul point demeure contesté par Guérini ; celui de la répartition des armes, qui correspond pourtant au nombre de personnes. Mais Guérini s'est évertué à rejeter la responsabilité sur un autre : son neveu. Toutefois, il apparaît comme le véritable responsable, et les faits ne souffrent aucune discussion. "

 

Il demande des peines de prison ferme pour les cinq complices et six ans pour leur chef.

 

Il restait aux avocats - une douzaine, - dont Mes Pollak et Paul Lombard, à plaider. On retiendra cette phrase de l'un d'eux, qui demandera au tribunal de " se calfeutrer pour échapper à l'ambiance qui entoure Je mythe des Guérini et juger sereinement ".

 

L'affaire a été mise en délibéré. Jugement le 14 février.

 

JEAN-PIERRE QUÉLIN

MANOTTI Dominique

 

Se définissant elle-même comme "une romancière par désespoir et non par vocation", Dominique Manotti, en quelques titres, est devenue une auteure incontournable de romans noirs. Chercheuse et spécialiste de l’histoire économique du XIXe siècle, elle s’intéresse aux événements marquants de l’actualité et ancre ses œuvres dans ces contextes socio-politiques.

 

Agrégée en histoire économique contemporaine, elle enseigne au lycée, puis à l’université en tant que maître de conférences à Paris-VIII Saint-Denis à partir de 1968. Dès l’adolescence, Dominique Manotti s’implique corps et âme dans le militantisme politique, d’abord pour l’indépendance de l’Algérie, ensuite au sein de différents mouvements et syndicats des années 60 aux années 80, notamment à l’Union des étudiants communistes et syndicalistes à la CFDT. Considérant que l’arrivée de François Mitterrand au pouvoir sonne le glas des espoirs de transformation radicale de la société, le roman noir lui apparaît alors, comme la forme la plus appropriée pour raconter ce que fut l’expérience de sa génération.

 

Elle se convertit à l’écriture sur le tard en se démarquant de ses confrères du néo-polar, car même si elle revendique ses engagements avec force, ils ne couvrent pas toute son œuvre. Par ailleurs, elle insiste beaucoup sur son absence de vocation, car elle n’écrit pas pour obtenir le statut social de l’écrivain, mais "c’est une manière de survivre à travers le chaos et de témoigner." Cette « absence de vocation » explique que ses ouvrages soient écrits dans un style plutôt sec, voire cinématographique, sans fioriture.

 

La suite ICI

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commentaires

M
Tsss, la ratatouille sans ail... faute pardonnable... :)
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P
Le choix du "c" ou du "s" est laissé à l'appréciation du vigilant chef correcteur...
Répondre
P
Paris a aussi quelques drôles de noms pour ces bâtiments.<br /> Une prison qui s'appelle " La Santé " une hôpital " La Salpêtrière "...
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