Ils sont venus, ils sont tous là, des contrées les plus reculées de notre monde globalisé : « Australia, Austria, Brazil, China, Croatia, Egypt, Hong Kong, India, Ireland, Israel, Italy, France, Germany, Japan, Korea, Luxembourg, Norway, South Africa, Spain, Switzerland, United States, United Kingdom. » Dès demain 6 juin 200 Pères de l’Eglise, des moines, des chanoines, des nonnes, de mères supérieures, des frères convers, des évêques, des monsignores, des pasteurs de l’Eglise anglican (beaucoup) des garçons et des filles tendant vers des âges qui, sans être canoniques, n’en restent pas moins assez peu représentatifs des générations d’avenir, assemblés, au domaine de la Verrière, au Crestet, en un chapitre baptisé : 1ier Symposium du Grenache.
Que du beau linge, pensez-donc même François le Débonnaire, avec sa barbe fleurie, quittant ses Rives bordelaises bénies, y posera ses malles de la Compagnie des Indes, pour concélébrer avec le Pape français du Vin, Michel Bettane, et Steven Spurrier, flanqués de la Grande Prêtresse anglaise Jancis Robinson, et une foultitude de noms connus : Michel Chapoutier, le couple Bourguignon, Hervé Bizeul, Philippe Faure-Brac, Vincent Avril, Pierre Perrin, Bernard Burtschy, la cérémonie de la béatification du Grenache. À dessein je ne vous cite que les patronymes des têtes françaises. Je m’en expliquerai un peu plus tard.
Afin qu’il n’y ai aucune ambigüité dans mes propos, je vous signale de suite que j’ai été invité nominativement, relancé à 3 reprises, pour aller poser mes « célèbres fesses » au Symposium afin que je puisse, de ma plume vive et insolente, vous narrez les actes de bravoure oratoires et gustatives des Pères de l’Eglise du Grenache. Pourquoi n’y suis-je pas allé me direz-vous ? La réponse est simple : qu’irait faire un mécréant de mon espèce en ce Conclave de hautes huiles ? S’emmerder ! Oui, j’avoue mon incorrection totale : je préfère le samedi et le dimanche, surtout maintenant que le soleil est de retour, la compagnie de gentes damoiselles papillonnant autour de beaux verres emplis du nectar du cépage susdit. Bien évidemment, j’ai le plus grand respect pour les messes chantées avec surplis amidonnés mais que pourrais-je extraire des minutes de ce Symposium qui puisse vous passionner ? À mon avis rien car je n’y comprendrais goutte.
Mais ce n’est là que la première raison que j’ai d’ailleurs plus poliment indiquée pour décliner l’invitation. La seconde est plus culturelle, liée à la fois à mes origines papistes et à mes racines paysannes. Je m’explique. Tout d’abord, un seul lieu s’imposait pour une telle béatification : le Palais des Papes à Avignon. Bien sûr, le domaine de la Verrière doit être plus bucolique mais les symboles sont toujours plus frappants que le simple confort. Ensuite, comme vous le savez, je suis anglophile mais dans le cas présent, j’estime que le calice a un goût par trop britannique. L’Eglise anglicane est « hérétique », je plaisante bien sûr, et je trouve assez discourtois que sous le prétexte, justifié, que ce colloque est d’amplitude internationale, seule la langue anglaise y soit pratiquée. Cette révérence me gonfle. Cette absence de fierté m’irrite. Que dans les actes du commerce la langue véhicule fut l’anglais je l’admets mais là, dans une concélébration en terre Avignonnaise, j’aurais apprécié que le programme fusse au moins rédigé dans notre belle langue www.grenachesymposium.com . Je suis profondément européen, ce que ne sont pas la majorité de nos amis anglais – c’est leur droit – le Traité de Rome est un acte majeur que trop de baragouineurs semblent bien facilement passer par pertes et profits. Résultat : alors que la langue française est une langue officielle les grisouilloux de la Commission ne se donnent même plus la peine de publier leurs torchons en français. Ça me fâche. Je suis pour la stricte égalité de traitement.
Voilà, pour moi la messe est dite. D’ailleurs, pourquoi le colloque n’a-t-il pas adopté le « latin de cuisine » comme langue officielle, c’eut été plus classieux, non ! Bon Symposium aux chanoines et chanoinesses, et avant de vous laissez à vos travaux de canonisation je ne résiste pas au plaisir de vous offrir le seul morceau de bravoure écrit en français sur le programme de présentation du Symposium. Il est signé de notre Pape Michel Bettane. J’avoue, comme je suis espiègle, qu’il m’a fait beaucoup rire. Vive la libre-circulation des Hommes, des Idées et des Cépages : Libérez nos cépages !
« Du temps où les cépages circulaient librement, sans être prisonniers de régions viticoles xénophobes, le grenache a su faire son chemin de Compostelle à l’envers et arriver au cœur de la Provence, où il s’est mis au service, de façon peut être encore plus spectaculaire que dans son Espagne natale, de terroirs parfaitement adaptés à lui.
Il est juste qu’en remerciement, la Provence accueille un symposium international qui s’annonce passionnant sur le plus étonnant des cépages du sud de l’Europe et d’autres vignobles de soleil de la planète. Je souhaite vivement qu’il contribue à montrer l’étonnante qualité et diversité de ses expressions, du rosé puissant de table aux vins rouges somptueux qu’il produit au cœur de l’Australie, de la Californie, dignes de se mesurer aux grands crus de Catalogne, du Rhône et des îles de Méditerranée, sans oublier les vins fortifiés si étonnants du Roussillon. »