J’avoue que j’ai longuement hésité avant d’écrire cette chronique tellement j’étais sidéré de la vacuité de ce que je venais de lire, tout à fait par hasard, sur Face de Bouc. J’étais dans le métro car il pleuvait sur Paris et comme dans le métro je m’ennuie alors je consulte le fil d’actualité de FB qui devient, de plus en plus, pour certains, le bassin déversoir de l’ennui de leur vie.
En ce haut lieu de l’insignifiance la notion même de débat constitue souvent une insulte à l’intelligence. Pour faire genre sur la blogosphère du vin il faut commencer par s’interroger gravement sur des sujets dont la futilité réjouirait les pires piliers de bar adeptes des brèves de comptoir, puis, dans la foulée du buzz ainsi provoqué, échanger des horions avec les clampins du camp d’en face. Ça n’atteint même pas le comique de répétition tellement la plupart des protagonistes de ce genre de pugilat sont dépourvus de talent de plume.
C’est indigent, consternant, à jeter à l’évier !
Comment peut-on consacrer la plus petite parcelle de son temps à s’empailler sur un fait de la plus haute importance : « être allé vite fait cracher à l’évier un « vinaigre » raté (ndlr un vin nature bien évidemment) ?
Ça me rappelle une mode très en vogue dans le cinéma réaliste : des séquences dans les chiottes…
Cuvette ou évier tout va à l’égout, ce qui permet d’élever bien sûr le débat très au-dessous de la ceinture…
Vous me direz que ce n’est pas plus con que de passer son temps à pêcher à la ligne ou à jouer aux dominos. Piquer un sprint vers l’évier permet de faire de l’exercice pour les gens très sédentaires que sont les gouteurs professionnels de vin.
Quand on n’a que cela à foutre ce n’est qu’une manière comme une autre de se détendre et puis se foutre de la gueule des gens du camp d’en face ça évite de se remettre soi-même en question.
Attention, je ne mets pas en question ici l’utilité de la critique, bien au contraire, en ce domaine, puisque je suis un vieux con, je suis de la tendance Charensol-Bory aux riches heures du « Masque et la Plume » : je l’ai écrit ce matin j’aime la castagne et même la mauvaise foi.
En revanche, j’ai du mal avec ceux qui nous resservent à longueur de temps les mêmes plats réchauffés. Chacun est libre d’aimer ou d’exécrer, même de tailler en pièces, de se moquer de la prétention, d’écrire ce qu’ils ont envie d’écrire, c’est le principe même de l’espace de liberté qu’est un blog, mais de grâce qu’ils nous épargnent la même mise en scène, leur explication de texte sur le pourquoi du comment.
C’est lassant !
Moi ça me fait chier.
Je fuis.
Alors pourquoi écrire cette chronique ?
Ce qui m’a poussé à la commettre c’est que, comme je l’ai écrit ce matin, Jonathan Nossiter qui m’avait remis à ma petite place, car j’osais immiscer mon petit grain de sel dans sa nouvelle croisade pour promouvoir la résistance des vignerons naturistes, est le Dieu vivant de l'adepte du cracher dégoût vers l'égout.
Comme une histoire de l'arroseur arrosé, quoi !
J'avoue que ça me fait bien rire...
Ce n'est pas très charitable mais ça me fait du bien...
Voilà pour le prétexte de cette chronique ironique, mais revenons au fond de ma chronique de ce matin afin de satisfaire votre curiosité.
Qu’ai-je osé dire me demande-t-on pour faire sortir Nossiter de ses gonds ?
Rien de très original, j’ai seulement émis des doutes sur la désobéissance civile nouvel outil de résistance de l’avant-garde des vignerons naturistes italiens et défendu le retour au combat collectif des vignerons.
Le plus drôle c’est que, hier au soir, je suis allé au cinéma voir le nouvel opus de Jonathan Nossiter : « Natural Resistance » du côté de la porte des Lilas dans une superbe salle et que, au fur et à mesure que sur l’écran je contemplais les images, je m’imaginais la tête que ferais le coureur-cracheur s’il se tenait à mes côtés. Je ne pouvais m’empêcher de rire dans ma petite Ford d’intérieur.
Pourquoi ?
Ça je ne vous le dirai pas car j’ai juré devant Isabelle Saporta de ne plus jamais proférer une quelconque critique à l’endroit de Jonathan Nossiter car c’est péché mortel et je ne veux pas brûler dans les flammes de l'Enfer !
Je plaisante à peine mais, dans la mesure où « Natural Resistance » ne sortira en salle qu’au mois de juin, j’estime qu’il est prématuré de lancer le débat.
De débat il n’y en a pas eu après la projection et, en dépit des « provocations » d’Isabelle Saporta j’ai fermé ma grande gueule ?
Sage comme une image votre taulier, concentré, souriant, se contentant de consommer l’excellent sandwich de Claire et de boire un génial vin de Sicile en papotant avec les filles et quelques garçons. Ce ne m’a pas empêché d’entendre ce que disaient ces jeunes gens sur le film. Très intéressant, mais là encore, eu égard à la notoriété d’Isabelle Saporta, à l’influence d’Ophélie Neiman, de la grande pertinence de mes jeunes et brillants amis de Socialter et du jugement très professionnel de Jean-Christophe Clément dit « ça goûte bien », j’estime que ce sont des quasi-secrets de confession. Bien évidemment, mon espace de liberté leur est ouvert si l’une d’elle ou l’un d’eux souhaitaient libérer sa conscience lourdement chargée. Amen.
En live, pour Alain Leygnier, le débat auquel je fais référence dans ma chronique de ce matin a eu lieu le dimanche 27 avril en ouverture du salon des Vins de rue 89 à la Bellevilloise à Paris. Son thème était « Désobéissance civile dans le vignoble : résistance ou délit ? ».
En conclusion, permettez-moi de trouver certains d’entre vous bien exigeant pour ma pauvre petite personne : « il n’est pas écrit sur mon front : agent d’ambiance pour débat entre soi… » j’ai beaucoup mieux à faire… Vous devriez vous adresser au lévrier de l’évier, il adore ça…
Dernière indication nul besoin de me demander le nom du lévrier de l’évier je resterai bouché à l’émeri sur lui…
* photo : l'urinoir de Marcel Duchamp qui est la destination naturelle des vins naturels selon le lévrier de l'évier