Certains, les bons, les bien coiffés avec de beaux souliers, font salon dans le XVIe, c’est chic et bien porté, ça permet de se congratuler, d’autres, les gars comme le Taulier, arpentent les travées du Salon de l’Agriculture où ça sent la graille et la bouse de vache. Samedi ça caillait dur dans la grande allée goudronnée qui me menait au Pavillon des Provinces, un sale petit vent coupant qui ne désarmait pas deux groupes de survivants chiliens qui, imperturbables, rejouaient pour la nième fois El Condor Passa ; même pas eu le courage d’enlever mes gants pour les photographier. Putain, Allende et le MIR, ça ne me rajeuni pas.
Foule en rang serrée à l’entrée, des familles avec des gamins en grappes, des profs avec leur ribambelle agitée, des pépés et des mémés, des jeunes aussi, un beau panel de la France un peu profonde qui monte à Paris et de celle de la banlieue de Paris. Si je me suis extrait de la quiétude douillette de mon appartement c’est pour effectuer un reportage : écrire des chroniques ça ne demande pas que de l’huile de coude, il faut aussi avoir des jambes. Vous me direz normal, le Taulier écrit comme un pied. Je sais c’est un peu démago comme le dit l’autre pas très rigolo. La signalétique n’étant pas le fort des salons hexagonaux je me fiais plus à mes souvenirs qu’au fléchage. Bien m’en pris je me retrouvais sans me paumer aux lisières du stand de l’Auvergne.
Et Sonia était là prête à officier. Sagement je m’asseyais à la table où j’étais rejoint par une poignée de jeunes des deux sexes et deux couples plutôt retraités. Doté d’un verre que nos amis auvergnats nous ont ensuite offerts (qui osera dire qu’ils sont rats nos auvergnats ?) nous pouvions être tout ouïe pour entreprendre une dégustation de deux blancs d’Auvergne. Quelques fondamentaux sur le vignoble et les vins défilent sur l’écran commentés avec justesse et précision par une Sonia très à l’aise. De la belle ouvrage, dans le brouhaha du hall l’attention de la tablée est excellente. Je fais des photos de l’officiante.
Arrive ensuite les travaux pratiques dégustatifs. Sonia fait le service au verre puis donne la marche à suivre, l’enchaînement des gestes, je passe car vous, bien sûr, vous savez tout ça par cœur. Sans passer la brosse à reluire à Sonia c’est nickel chrome. Tout le petit monde goûte, je suis le seul à cracher. Ils sont un peu gauche, me jettent des petits regards en coin, mon jeune voisin me demande même mon avis. Je lui souris en lui disant que c’est le sien qui compte et, lorsque Sonia, en fin de parcours leur demandera, il le donnera. Bravo !
Même si le railleur de service, le bien dans le moule, va me taxer de démagogie, il ne m’empêchera pas d’affirmer que c’est auprès de ces consommateurs qui trainent leurs godasses dans un Salon grand public, tout le contraire de grands amateurs, qu’il faut faire le travail, aller au-devant d’eux, ne pas les effaroucher, faire du Sonia tout simplement. Elle m’a vraiment bluffé la Sonia et je n’ai pas regretté d’avoir affronté les éléments réfrigérants. Merci Sonia, tu portes bien ton nom de Sonia Dégustation.
Me restait plus qu’à baguenauder dans les allées. C’est alors que je suis tombé nez à nez, sur le stand du Limousin, avec Pierre Chevalier président de la Fédération Nationale Bovine. Normal, Pierre est Corrézien. Nous parlons viande bien sûr, puis nous trinquons en attendant le Président de la République. Une charmante francilienne tient dans ses bras deux plateaux de Brie de Melun pour les offrir à François Hollande. Et puis arrive le grand barnum de la meute des cameramen, des perchmen, des photographes, tel une grosse vague précédée des agents de la sécurité avec leurs oreilles. Un grand qui se prend pour Arnold Schwarzenegger me pince par le gars du bras pour me faire évacuer le plateau. Je toise sa sale gueule. Il s’agite. La vague déboule et cette fois-ci c’est une petite poulette qui me pousse. Je reste imperturbable en serrant la main de Le Foll au passage : ça la calme. C’est le grand cirque du Salon. Pendant ce temps les plateaux de Brie de Melun volent de mains en mains, celles des agents de sécurité : faut bien qu’ils servent à quelque chose ces excités.
Bon tout ça pour dire au Philippe Tesson du vin que le matin, selon La Vigne « 11h30, ce samedi 23 février. François Hollande quitte le pavillon des vins dans le hall 2 du salon de l'agriculture. Jean-Louis Salies, président du Cniv et Jérôme Despey, président du conseil des vins de FranceAgrimer, sont ravis. Le président de la République s'est arrêté un quart d'heure sur le stand de la filière viticole. Ils se rappellent que l'an dernier, ils avaient dû se mettre en travers de la route de Nicolas Sarkozy pour pouvoir lui parler à la dérobée dans une allée du salon.
Avec François Hollande, rien de tel. Les responsables de la filière viticole avaient prévu de lui faire déguster trois accords mets et vins : un Saint-Aubin premier cru (bourgogne blanc) avec une bouchée de bar agrémenté d'un copeau de truffe, un côtes-de-provence Lalonde rosé avec des légumes grillés, et un grenache côtes catalanes rouge avec une brochette d'agneau. Le président s'est volontiers prêté au jeu, s'asseyant au bar du pavillon des vins. » link
(AFP PHOTO / POOL / KENZO TRIBOUILLARD)