J’ai lu ça sous la plume d’un gars intelligent et j’avoue que j’ai du mal à le suivre. Je suis demandeur d’explications.
Les données sont simples :
1- Soit les hérauts des petits vins de propriétaires qui, depuis la nuit des temps, n’ont cessé de gerber sur le gros rouge qui tache fait par les coopés, ce que je comprends parfaitement.
2- Soit les mêmes qui aujourd’hui déplorent, la main sur le cœur, des larmes plein les yeux, les arrachages de nos vignes dans le vieux monde : -11% en France, -15% en Italie, - 16% en Espagne depuis 2000.
3- Puis-je me permettre de signaler à ces brillants économistes de café du commerce que les vignes arrachées étaient très majoritairement celles qui produisaient l’affreux jaja qu’ils raillaient ?
4- Dans le même temps où nous nous amputions les affreux, sales et méchants du Nouveau Monde plantaient à tour de bras : Australie + 24%, +168% Nouvelle-Zélande, +16% au Chili, +5% en Afrique du sud, + 87% en Chine depuis 2000.
5- Puis-je me permettre de faire à nouveau remarquer à ces esprits éclairés que nos grands concurrents ne font que dépoussiérer notre bon vieux modèle industriel productiviste des Vins de Consommation Courante avec marques, certes maintenant ringardes : Préfontaines, Gévéor, Vin des Rochers, Vin du Postillon… Marketing quand tu nous tiens : de la monnaie sous chaque bouteille et le moins de vin possible.
6- Donc je m’interroge : pourquoi diable geindre, pleurer sur l’arrachage d’un vignoble qui pissait l’hecto à plein tuyau ?
7- Dans ce même temps de haute déploration de la perte de notre substance viticole nos vaillants partisans du « boire moins mais boire mieux » ajoutent à celle-ci, pour la regretter aussi, la chute vertigineuse de la consommation par tête dans nos vieux pays consommateurs. C’est l’horreur ! Putain d’Evin !
8- Puis-je me permettre encore de questionner ces ardents défenseurs de la veuve et de l’orphelin sur ce qui, dans les temps anciens, permettait de faire faire de la gonflette à notre consommation par tête ?
9- Faut pas être sorti de Polytechnique pour savoir que c’était essentiellement les gros buveurs de jaja 6 étoiles pas les becs fins de vins bouchés. J’espère tout de même que ça vous en bouche un coin et que vous allez faire vos comptes de consommateurs !
10- Ceci écrit, de grâce messieurs les raconteurs de tout et tout le contraire de tout arrêtez de nous faire chier avec vos analyses qui feraient se gondoler un élève de CM2 à peu près raccord en arithmétique.
11- Oui, nous avons arraché les vignes de Vin de table car nous en buvions de moins en moins. Les VDPCE n’étaient pas les fers de lance de la conquête du marché mondial que je sache.
12- Oui nous avons plantés des ha et des ha d’AOC, pas toujours à bon escient, sous le sacro-saint régime des droits de plantation ce qui n’a pas empêché la surproduction de vins inadaptés aux demandes du marché, disons des consommateurs. Je ne crois, chers amis des petites quilles bichonnées à la main que le modèle Bordeaux vous fasse bander !
13- Dites-moi tout de même était-ce un bon plan de tout jouer sur les AOC ? Sans vouloir vous offenser il faudra que vous m’expliquiez votre contradiction : vous luttez à juste titre contre le productivisme mais dans le même temps vous déplorez que nos grands concurrents augmentent leur potentiel de production pendant que nous diminuons le nôtre ? Vous devriez au contraire vous en réjouir. Nous laissons la grosse cavalerie aux libéraux et nous nous replions gentiment sur nos vins d’artisans. C’est beau les réserves d’Indiens, non !
14- Oui je sais, je me laisse emporter, je pousse le bouchon un peu loin. Votre choix est un choix tout à fait défendable, qui vaut ce qu’il vaut, et je serais prêt à comprendre que vous nous bassiniez avec vos couplets qui rejoignent ceux de Robert Pitte : laissons donc la production de ces vins indignes à « ces pays où les salariés sont payés avec des coups de pieds au cul »
15- Tel n’est pas le cas. Vous hurler aux loups. Les barbares sont à nos portes. Ils vont nous dépouiller de notre vieux patrimoine. Sortez-nous lpendant que vous y êtes le principe de précaution. Replions-nous en bon ordre. Franchement, les tartes à la crème sont bonnes pour entarter, les rideaux de fumée à enfumer, la donne du marché mondial du vin reste la même : y’a d’un côté des vins commodités et de l’autre des vins tout court. Alors à force de mélanger les torchons et les serviettes, de vouloir toujours prédire le pire, au lieu de faire des choix, vous nous exposez à la « délocalisation » quel que soit le régime des plantations.
16- Les tendances amorcées à partir de 2000 se sont renforcées, amplifiées et je sens que vous avez changé de pied pour ne pas concéder que vous vous étiez trompés. Vous n’êtes pas les seuls, mais que n’ai-je entendu du front des conservateurs de toute obédience, la vôtre y compris. Nous avons encore toute notre place, et, si nous sommes enfin capables d’assumer notre vocation d’encore grand vignoble généraliste en capacité de faire vivre, à chaque étage les vignerons, en tenant compte du couple quantité x prix selon le vin produit pour un marché donné, nous la garderons. Certains ont baptisé cela la segmentation.
17- Ou bien allons-nous continuer de nous la péter grave en méprisant la réalité. Cette attitude est largement partagée par les caciques accrochés à leur vision obsolète comme par vous qui refaite le monde à l’échelle des quelques quilles vendues souvent au prix du caviar.
18- Je les adore, car pour ne rien vous cacher je ne bois que des petites quilles et mon propos n’est en rien un plaidoyer pour l’extension du domaine des vins industriels ni pour leur bannissement d’ailleurs. Quand je bosse je mets un mouchoir sur mon affect. Choisir et assumer ses choix, tel est mon propos. Le débat me fait penser à ceux qui pestent contre les bagnoles et qui s’offusquent de la fermeture de l’usine de PSA à Aulnay-Sous-Bois. Je me contente ici de poser la question à celles et ceux qui refont le monde dans une cabine téléphonique désaffectée, qui rebâtissent la viticulture dans leur loft ou autour d’une belle table du dernier resto-chic : donnez-moi votre mode d’emploi pour que nous gardions nos hectares ? Pour les consommateurs même motif, même punition : faites-moi un croquis.
Merci.
PS : comme je vais avoir du temps je suis preneur d’un job de conservateur du « c’était mieux avant ». C’est un excellent plan car, comme l’a fait justement remarquer Houellebecq, notre avenir est dans les conservatoires que viendront visiter ceux qui nous aurons dépouillés de notre ancienne gloire.