Peu d’hommes en notre monde de paraître ont le privilège d’être doté d’une élégance naturelle faite de grande simplicité souriante, avenante, d’intelligence vive, en alerte, attentive, rien chez eux n’est apprêté, convenu, ostentatoire, ils sont tels qu’en eux-mêmes prêt à écouter, à comprendre, à rechercher, auprès de ceux qui ont la chance de les croiser, le meilleur. Lorsque j’arrive au Macéo, Paul Draper est assis, tranquille, l’œil pétillant, il converse avec un journaliste, sa poignée de mains est ferme, directe et je me dis que cet homme va me faire passer une belle paire d’heures de qualité. Je vais écouter, l’écouter. M’instruire. Voyez-vous, paradoxalement, c’est tout à la fois reposant et excitant. J’aime beaucoup le temps de la table lorsqu’il s’ordonnance autour d’une conversation entre hommes de bonne volonté, car alors tout coule de source, sans effort, on se nourrit l’âme et le corps en harmonie. Par surcroît lorsque les vins sont d’authentiques merveilles le temps s’écoule en une forme de douce volupté.
Comme vous vous en doutez Paul Draper m’a séduit sans avoir déployé une seule arme de séduction massive. Paul, j’ai envie de l’appeler par son prénom, s’exprime aussi bien en anglais qu’en français avec un naturel déconcertant. Grâce à ma longue expérience des tables officielles j’ai développé une forte acuité auditive qui me permet de suivre une conversation tout en entretenant une autre avec mes voisins. Je me suis donc beaucoup imprégné de ce que Paul a échangé avec Michel. Ma petite pelote culturelle s’est enrichie. Il n’y a pas d’âge pour apprendre mais, pour autant, je ne vais pas vous faire accroire qu’après ce bref moment passé avec Paul je sois en mesure de vous restituer la substantifique moelle des nectars qui se sont succédés.
D’autres que moi, bien plus qualifiés et cultivés, pourront vous décrire la genèse et le potentiel des merveilleux vins, tout en finesse et complexité, que nous avons dégustés. Ce que je peux vous restituer, parce que c’est ce que je sais le mieux faire, c’est la pâte humaine de Paul. Homme curieux, homme qui cherche, homme qui lit, homme qui se confronte. Dans les années 60 il s’imprègne de la culture italienne en roulant à moto dans la campagne italienne sur une moto, apprentissage de la culture, la cuisine locale et du vin. Après sa libération par l'armée, il passe du côté de la Sorbonne, étudie la cuisine française et la nutrition. Diplômé de philosophie à Stanford, Paul n’est pas œnologue, il s’est construit autour de l’expérience des hommes et de leur pratique : en 1968, il est à Bordeaux et c’est dans les chais du Château Latour qu’il puise son savoir-faire.
Paul est aussi de ceux qui savent aller au bout de leurs intuitions. Ainsi avec le Zinfandel, aussi décrié en Californie que le carignan dans le Midi, il en a senti tout le potentiel si les vignobles étaient implantés dans les bons terroirs et cultivés avec des petits rendements. Paul, fort de son expérience européenne a su dénicher de « vieilles vignes » du début du XXe siècle qui répondaient à ses recherches de petits rendements pour tirer la quintessence de ce cépage décrié. Dans les assemblages de Paul et de son équipe le Zinfandel est toujours accompagné de Petite Syrah (autour de 20%) et de Carignan (4 à 6%)
Reste enfin la philosophie tranquille de Paul : « récolter des raisins avec la plus grande intensité aromatique et en tirer le plus naturellement possible les aromes. Paul est le vivant exemple d’une viticulture et d’une vinification qui se veut et se vit au plus près de la nature sans en faire une religion. Paul fait des vins d’une grande complexité car il laisse aux raisins leur expression naturelle, leur richesse. Il n’utilise que les levures indigènes pour la fermentation. « Pour obtenir les nuances amenant la complexité, les raisins et le vin sont accompagnés en douceur. Comme pour l’éducation d’un enfant, il n’y a aucune recette, seulement de l’attention et de la sensibilité. » J’adhère d’autant plus facilement à cette philosophie sereine que j’ai écrit la même chose à propos de la démarche de Claire Naudin.
Merci Paul pour ce merveilleux moment passé en ta compagnie et celle de tes grands vins. Pour ceux qui seraient intéressés ils sont disponibles chez Vins du Monde www.vinsdumonde.com