Ce sage précepte que me serinait ma mémé Marie lorsque ma vivacité à river le clou de mes petits camarades ou des grands dépassait ce que dans ma bonne Vendée, assez portée pour la génuflexion et la révérence, on se devait de garder pour soi, permet de dire ou d’écrire le fond de sa pensée sans utiliser les mots qui font plaisir, bien tranchants, bien saignants, mais qui blessent inutilement. Réfléchir avant de parler, ici en l’occurrence d’écrire, ne vaut pas censure de ses propos. Ce temps de réflexion distille la fureur du premier mouvement, évite le plaisir carnassier de river le clou à celui qui vient de vous porter un coup, un peu bas, que vous n’attendiez pas. Comme le soulignait l’ami Jérôme, rompre des lances, même vivement, se fait dans le respect de son interlocuteur.
Même si ça insupporte certains, mon expérience de ce qu’on appelle d’une expression un peu galvaudée les relations humaines, tant dans l’entreprise en gérant par exemple un plan social avec pour interlocuteur majeur la CGT, que dans mes fonctions dites officielles avec le dialogue omniprésent rue de Varenne avec les blocs syndicaux professionnels rugueux, mais aussi dans mes fonctions de médiateur sur des dossiers difficiles, m’a rendu peu sensible aux coups. J’ai le cuir très tanné mais un seul procédé me fait voir rouge : la disqualification de son interlocuteur. C’est un grand classique : dit-donc toi t’es qui pour te permettre de ramener ta fraise ? Tu sors d’où ? Tes propos sont ceux d’un envieux, d’un aigri, d’un représentant de la France ranci ! J’ai été le témoin de cette morgue lorsque François Guillaume, au Congrès de la FNSEA de Narbonne, plaçait Michel Rocard plus bas que terre parce que son extraction urbaine le disqualifiait en tant que Ministre de l’Agriculture. Toute proportion gardée bien sûr c’est le procédé utilisé, d’une façon qui se voulait pateline, à mon endroit pour soi-disant défendre Michel Rolland.
Tout ça pour mettre un point final à une escarmouche bien dérisoire mais qui révèle tout de même une forme d’esprit de clan, celle qu’on reproche tant à la classe politique. Cependant, rassurez-vous, si tant est que vous eussiez besoin de l’être, lorsque j’ai écrit : « à l'avenir je prendrai le temps avant de riposter, ça m'évitera de déraper mais bonne parole n'est point parole molle... et bien sûr je serai plus circonspect de là où je mets les pieds. » je ne changerai rien à ma ligne de conduite. Ma seule requête c’est que chacun assume ses écrits dans le respect de son interlocuteur, moi y compris. C’est tout mais c’est beaucoup même si mon Espace de Liberté est qualifié de cour de récréation. Après tout la cour récréation c’est plutôt sympa, on y joue, on y cause, on s’y crêpe le chignon, et c’est un lieu qui en vaut bien d’autres dont le sérieux cache souvent la vacuité.