Comme tout le monde le sait, la France n’a pas de pétrole mais des éditorialistes et un éditorialiste ça doit pondre des éditoriaux qui, pour les plus prolifiques sont journaliers, pour d’autres à la petite semaine. Avec l’irruption de l’info en continu l’éditorialiste parisien court les plateaux de télé pour s’empailler avec la concurrence et faire monter sa cote d’audience comme Christophe Barbier ou ne pas sombrer dans l’oubli comme Philippe Tesson qu’a de la bouteille. Dans notre monde bien peu médiatisé du vin éditorialiser n’est point chose aisée alors mieux vaut se raccrocher aux marronniers, aux mots valises dont raffolent les confrères parigots tête de veaux.
Alors, avec l’arrivée des socialos aux manettes et la publication du rapport Gallois, le mot bien chantourné qui plaît aux éditorialistes c’est la COMPÉTIVITÉ, plus précisément la perte de compétitivité. Comme l’invocation de saint Antoine de Padoue pour la retrouver n’est plus de saison alors les plumitifs se contentent d’encenser le modèle allemand paré de toutes les vertus. Méfie te disent les normands, la vérité d’aujourd’hui ne sera pas celle de demain : un jour chantre de la rigueur, le lendemain des pleurs sur l’encéphalogramme plat de l’activité. Tout ça pour vous dire qu’il faudrait tout de même que tout ce petit monde lève son nez d’au-dessus de l’actualité.
Je m’en tiens à la célèbre formule de Mendès-France : GOUVERNER C’EST CHOISIR et si les choix, forcément douloureux, ne sont pas faits au moment où il serait pertinent de les faire, alors arrive le jour où il faut payer l’addition. Alors, lorsque l’éditorialiste de Vitisphère titre : Export : Sous le verni, se cache la perte de compétitivité de la viticulture française alors j’aurais tendance à sortir mon révolver.
Une fois placé le couplet militaire Rafale, qui comme chacun sait est un énorme succès commercial, « Pour la première fois de leur histoire, les exportations de vins et spiritueux français ont dépassé les 11 milliards d'euros. L'équivalent de 150 avions Rafale ! » (Je préférais le couplet AIRBUS nous en avons vendu tout de même un peu plus) et proclamé notre légitime fierté le constat tombe, incontestable :
- Le milliard d'euros supplémentaire (par rapport à 2011) est à 90% dû aux cognacs, bordeaux, champagnes et bourgognes, en comparaison les vins de France avec cépage n'ont contribué que pour 4 % de ce milliard...
- Pour les seuls vins : les deux tiers des volumes représentent le tiers de la valeur !
- « En 10 ans, les exportations de vins ont perdu 10 % en volume et progressé en valeur de 30 % alors que les échanges internationaux de vins ont doublé en l'espace de 30 ans. La France a vu sa part dans ces échanges diminuer de moitié. » Louis-Fabrice LATOUR Président de la FEVS.
- « Les exportations de notre pays stagnent autour de 13,5 millions d’hl de vin, soit à peine 28% de la production moyenne. Pour maintenir son vignoble (environ 800 000ha), la France devrait exporter 35% à 40% de sa production »
Tombe le diagnostic sans appel, lourd comme un missile balancé d’un Rafale : « À part quelques exceptions, les entreprises viticoles françaises comme leurs consœurs des autres industries, sont en manque de compétitivité. »
Vous comprendrez aisément que votre Taulier en apprenant une telle nouvelle en fut tout bouleversifié mais, comme vous le connaissez, il s’est tout de suite dit c’est bien beau de constater, de diagnostiquer, il faut soigner le mal « aux grands maux, les grands remèdes ! ». Et c’est là qu’est arrivé notre encore jeune Jérôme Despey, un gars que certains ne connaissent peut-être pas mais qu’est le président du zinzin vin d’un grand bouzin baptisé FranceAgrimer.
Que dit-il à l’agence AGRA notre Jérôme de l’Hérault ?
« Le segment des vins de table risque de ne pas être au rendez-vous cette année. L’absence d’un segment sur un marché est toujours préjudiciable à la constance de la demande. Cette situation est en partie due à la « petite récolte », mais surtout à un manque d’organisation du marché : on n’a jamais pu avoir de vraie politique contractuelle et produire spécifiquement pour ce segment. Le créneau des vins de tables (vins sans Indication Géographique de Provenance) est aléatoire, car il est le résultat des excédents des segments encadrés sur le plan des volumes, des cahiers des charges et des encépagements (AOP et IGP). » Jérôme Despey a appelé à une « réflexion stratégique » de l’ensemble de la filière.
Nous y voilà : faut réfléchir, réfléchir ensemble bien sûr. À quoi : à la compétitivité, à l’organisation, à la contractualisation… etc. ? Moi je n’en sais fichtre rien mais ce que je sais c’est qu’à forcer de botter en touche, de ne pas se situer sur le vrai terrain des opérations, de renvoyer les choix à la définition d’une hypothétique stratégie commune, au mieux on amuse la galerie, au pire on n’a rien compris. Agir plutôt que réagir ! Mais à quoi servent donc les grandes bassines où barbotent les soi-disant acteurs de la filière ? À faire joli ! Qu’est-ce qu’y fichent les Préfets de région et leurs administrations ? Je ne sais, mais j’attends avec gourmandise les fruits de cette grande réflexion stratégique de l’ensemble de la filière.