Avec un patronyme pareil, se faire le chantre du vin, relève de la consubstantialité la plus intime. Coluche, avec qui il a fondé en 1968 le célèbre Café de la Gare, disait de lui « Ce qu'il ne m'a pas appris, je le lui ai piqué » Avec ses grosses lunettes rondes, sa voix de héros de dessin animé, ses réparties au vitriol et sa poétique déjantée, Romain Bouteille, qui ne s’est jamais mis en avant, est grand découvreur de talents / Miou-Miou, Jugnot, Lhermitte, Balasko et même le Gégé Depardiou qui n’aime rien tant que les Leader Maximo. Bref, notre Bouteille, a commis une Postface, dans son style si particulier, au livre cité par Michel Polac dans l’émission « Les Vignes du Seigneur » publié par Glénat au titre sans équivalent : LE VIN. Je vous la livre toute chaude, engagée, tout le contraire d’un filet d’eau tiède, du corps et du caractère. C’est grinçant et totalement incorrect.
Blachon©
« Ce qui est le fléau des sociétés de l’ennui, ce n’est pas le vin. C’est l’ennui. Il faut fêter le vin. Sans dégoût. Avec un grand cynisme. Parce que c’est mal. Parce que le bien est dans les campagnes antialcooliques faite pour les téléspectateurs béats par des imbéciles payés en ligne.
Le vin ne fait pas de l’homme un déchet. Il fait, d’un déchet discret, un déchet indécent dans le paysage publicitaire.
Il y a des déchets alcooliques, non convenables, et des déchets sobres.
Convenables. Entre deux déchets, l’un alcoolique l’autre non, tous deux vendeurs de mèches à bois au Brico-Décor de Brives-Charensac, la différence de santé n’est qu’apparente. Ce sont des martyrs certifiés, donc des lyncheurs éventuels. Surtout le sobre.
L’argument de la santé est rendu terriblement équivoque par cette horreur maladive de la mort du consommateur qui est le cheval de bataille des sociétés de l’ennui.
On ne peut pas se fonder là-dessus pour jeter l’anathème sur un produit capable de fournir aux humains sociaux ce qui leur manque le plus : l’imagination (En leur ôtant, d’ailleurs, cet altruisme indispensable aux grands massacres).
Toutefois, Dieu lui-même n’a pas exactement mis la vérité dans l’alcool (faute de savoir au juste en quoi elle consistait). Du moins, pas la vraie. Il voulait remplacer un type de mensonge par un autre et faire jaillir de la comparaison entre les deux une étincelle de réalisme.
Il devient fou furieux quand un humain se fait gloire de sa sobriété, puis vient pleurnicher sur la dureté de son sort. « J’ai pris la peine, hurle-t-il, de farcir ma nature de toutes sortes d’anesthésiques, hallucinogènes, analgésiques, optimisants, calmants, embellisseurs de situations, pour cigales, lapins, limaces, et ces messieurs-dames décrètent que mes bonnes tisanes ôtent sa dignité à l’ouvrier ! Malfaisants, ce n’est pas le vin de l’ouvrier qui fait ça ! C’est son travail ! Vous confondez les effets de la maladie à ceux du remède !
Ce n’est pas le jus de fruit fermenté qui abrutit, mais les mélanges du genre « pinard plus compétition » ou « cognac plus fierté nationale » ou « vin plus mess » ou « pastis plus lepénisme » etc !
Pas de mélanges !
Rien de ma nature ne peut ôter leur dignité à des hordes de menteurs commerçants, obéisseurs de carrière, écraseurs de faibles déjà complètement hiérarchisés dans l’âme en épaisses couches sociales, et que j’enverrai tranquillement, pour l’éternité, nettoyer à jeun des kilomètres de tranchées façon 1914 ! »
Michel Bridenne ©