« La municipalité de Dijon vient de sacrifier la moitié de sa cave à vin ! La ville a ainsi vendu aux enchères 3.500 bouteilles de crus de Bourgogne, ce qui lui a permis d'engranger 150.000 euros. Cette somme a été versée au profit du Centre communal d'action sociale pour des aides d'urgence aux plus démunis... Très médiatisée, l'opération était orchestrée par le sénateur-maire (PS) de la ville, François Rebsamen, qui a assuré qu'on « n'a pas besoin de ça pour le budget de la ville, mais je trouvais que ça faisait une belle opération ! »... De fait, il s'agissait surtout d'une « opération de communication pour rappeler que Dijon est une ville de vins », a-t-il précisé.
« Les controverses qui conduisirent au refus définitif de classer le Dijonnais viticole n’ont probablement guère ému l’opinion de la capitale de la Bourgogne qui voulait tirer un trait définitif sur un passé viticole pourtant prestigieux qui ne l’intéressait guère. En adoptant l’attitude qui fut toujours la sienne depuis lors, d’un véritable « déni œnologique » face à la Côte vineuse, elle signifiait qu’au rebours de ce qui s’est fait à Reims et surtout à Bordeaux, elle voulait couper les ponts avec une tradition mondiale de la Province dont elle était la capitale […]
« quand fut votée entre les deux guerres la loi des appellations, le fait accompli de la disparition du Dijonnais fut entériné par les décrets de délimitation. Au moment de la mise en vigueur de la loi des appellations, l’existence d’une communauté vigneronne active et sûre de ses droits était le préalable indispensable à toute demande de protection légale. Quand elle n’existait plus, en conséquence d’une totale décadence, les revendications cadastrales n’étant plus portées par personne étaient purement et simplement annulées. C’est ainsi que le clos de Chenôve cessa à cette époque d’être un vignoble illustre… pour devenir un terrain à bâtir. L’amoindrissement, puis la disparition totale des superficies plantées en vignes fines au nord de la Côte, est l’illustration d’une décadence « objective », au sens que nous avons donné à ce mot. Plus rien ne subsiste à Dijon, à Chenôve des traditions anciennes qui donnaient au Dijonnais une physionomie vigneronne aussi marquée que celle des autres villages de la Côte. L’extinction totale du vignoble est expliquée a posteriori par une fatalité qui semble irrésistible. Il est entendu que la corruption de la grande ville et la tentation des vignerons pour les profits immédiats du vin commun, ont conduit ici à l’éradication du pinot, remplacé par les espèces productives du gamet. Le grand chamboulement provoqué dans le vignoble français par l’arrivée des vins du Midi transportés par chemin de fer, puis la catastrophe du phylloxérique et enfin l’urbanisation diffuse, puis totale, de tous les terroirs viticoles s’imposent ici comme un principe explicatif sans réplique et nulle étude de ce passé si récent, ne laisse entrevoir qu’une issue différente eût été envisageable. »
Louis Latour La disparition définitive du Dijonnais, pages 767-768 dans Vin de Bourgogne Le parcours de la qualité aux éditions de l’Armançon.