Savoir recevoir ce n’est pas forcément mettre les petits plats dans les grands pour les grandes circonstances, où celles jugées telles par la vie en société, c’est aussi, au débotté, savoir retenir des amis de passage, comme ça, à la bonne franquette, à la fortune du pot. En de telles circonstances, l’inventivité, l’art d’accommoder les restes, mais aussi la présence d’un bon garde-manger ou d’un cellier bien garni pour ceux de la campagne – désolé le congélateur ne fait pas parti de ma culture – révèlent ceux qui savent faire bien avec presque rien en trois coups de cuillère à pots. L’important dans ce type d’impromptu c’est à la fois de mettre à l’aise ceux que l’on retient en ne passant pas trop de temps à préparer le repas tout en les régalant pour qu’ils sentent tout le plaisir qu’on a eu de les retenir. C’est tout un art, fait de vivacité, de doigté et de légèreté et pour moi le summum du savoir-vivre.
Quoi de plus chaleureux qu’une belle omelette aux oignons bien confits dans du beurre ou de l’huile d’olive, accompagnée d’une salade – toujours avoir dans son bac un petit assortiment de salade, de grâce pas de sachets – précédée de belles sardines à l’huile millésimée (voir ma chronique Sardines et millésimes http://www.berthomeau.com/article-15658750.html ) ou s’il fait frisquet d’une bonne soupe melotte (pain rassis, ajouté au bouillon, rendu velouté ou mitonné par une cuisson à feu doux) à la cébette (petite oignon très goûteux) ou s’il fait beau un patchwork de tomates, poivrons de toutes les couleurs, haricots rouges et verts, cœur de palmier ou d’artichauts... Du fromage ensuite parce qu’il y en a toujours dans une bonne maison. Pour le dessert si l’on est en saison des fruits frais de saison ou alors des pommes cuites à la canelle ou si vous êtes un ou une Paganini des œufs à la neige : un petit soufflet au Grand-Marnier. Bien évidemment toutes les variations sont possibles mais toujours avec un impératif catégorique : passer plus de temps avec ses invités qu’à la cuisine. Dans cette optique, moi qui suis un fondu de pasta, la palette des spaghettis à la... permet de contenter les estomacs en un tour de main (voir chronique Manger des spaghettis comme Alberto Sordi avec un petit coup de Frascati http://www.berthomeau.com/article-23526072.html) Reste à avoir du pain, donc de belles miches – François le Débonnaire va encore me vanner – qui permettent d’en disposer en suffisance. Pour le liquide qui va avec la bonne franquette, comme dit la jeunesse d’aujourd’hui :« pas de souci ! »
Certains d’entre vous vont peut-être se demander pourquoi ce matin je disserte, « avec élégance » certes - chez les types du Milieu de l’époque de pépé le Moko ou des Tontons Flingueurs y’avait toujours un type surnommé l’élégant - sur un sujet aussi insignifiant. Ils n’auront pas tort, mais ma réponse va les stupéfier, les ébranler même, les mettre en état d’attrition : « tout bêtement c’est le peu de cas qu’on fait de nous les organisateurs de Vinisud en négligeant les bases de l’élémentaire savoir recevoir. En effet, lundi, alors que le temps était redevenu clément et que je roulais à bicyclette, j’ai repensé à maman qui me disait toujours que c’était dans l’art des choses simples qu’on reconnaissait les vrais seigneurs. À cet instant le souvenir de maman c’était le souvenir de ma Vendée aux dunes vierges, indemnes des ravages touristiques, pas encore massacrées par Merlin-plage et des élus locaux adeptes de la maisonnette à deux balles en n’importe quel lieu. Pardonnez-moi cette digression que vous trouverez peut-être malvenue alors que de braves gens ont perdu la vie ou tout ce qui faisait leur vie mais, quand j’entends ce que j’entends, j’ai mal à ma Vendée.
Oui nous allions le dimanche sur la plage du côté de la Faute s/Mer, de Longeville dans la C4 du pépé Gravouil le père de maman. Nous pique-niquions sous les pins puis nous allions faire trempette 3 heures après, pas une seconde de plus pas une de moins car maman était intraitable. Les villages n’étaient que des villages, les lotissements et les résidents secondaires nous ne connaissions pas. Et puis les centres des bourgs ont dépéri et ce fut le règne des petites maisons partout, si laides, si mal foutues, si peu vendéennes. Jamais de ma vie je n’irai passer des vacances en Vendée car ils l’ont défiguré.(lire l'excellent d'article du Monde du 3 mars signé de Brigitte Perruca La Faute-sur-Mer et L’Aiguillon, victimes d’une urbanisation galopante) http://abonnes.lemonde.fr/planete/article/2010/03/02/la-faute-sur-mer-et-l-aiguillon-victimes-d-une-urbanisation-galopante-depuis-trente-ans_1313210_3244.html
Pardonnez-moi, je vais en rester là ! Les morts ont le droit au silence et au recueillement.
Pour revenir à mes propos badins de ce matin, la « morale » de mon histoire de bonne franquette c’est, qu’en toute circonstance, il faut choisir son parti et s’y tenir. Vinisud n’a rien à gagner à singer Vinexpo, qui d’ailleurs lui-même aurait intérêt à se remettre en question, à ne pas jouer le quantitatif pour meubler des m2, alors qu’une approche plus simple, plus qualitative, plus conviviale, une forme de bonne franquette de bon goût, j’ose l’écrire « poussonienne » avec un zeste du sens du détail qui fait la différence de Miren de L, c’est-à-dire un service impeccable et efficace sans les fioritures qu'adorent les communicants et les squatters de tribune. Savoir recevoir c’est le premier geste du bien vivre, du savoir vivre ensemble. Mais je sais que je parle en pure perte, dans le vide et ça me rappelle les remarques que j'avais faite sur les Bacchus au président de cette manifestation se déroulant du côté de Perpignan. A propos qui préside aux destinées de Vinisud ?