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18 janvier 2014 6 18 /01 /janvier /2014 00:09

 

Comme promis, un morceau glané dans mes écrits du dimanche...


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« Condamnée le 10 juillet dernier à douze mois de prison avec sursis et à 500 F d’amende pour détournement de mineur, Mme Gabrielle Russier, trente-deux ans, professeur de lettres, a été trouvée morte, lundi soir, dans son appartement marseillais de la résidence Nord : elle s’était suicidée en s’intoxiquant par le gaz. L’aventure vécue pendant plusieurs mois par la jeune femme avec l’un de ses jeunes élèves trouve ainsi un épilogue tragique.»


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La suicidée par le gaz, avait trente-deux ans, Christian Strossi son élève en seconde au lycée Saint-Exupéry de Marseille, juste la moitié. Dans l’effervescence du mois de mai 68, ils se sont aimés et, les imprudents, devenus amants.


Gabrielle est divorcée, mère de deux enfants, promise à un bel avenir à l’université d’Aix, où la mère de Christian est titulaire d’une chaire, elle a craqué pour ce beau jeune homme bien plus mûr que les autres.


En ces temps obscurs, que tout le monde a oublié, pour être majeur il fallait passer le cap des 21 ans, les parents de Christian, de « gauche », libéraux, ont porté plainte pour détournement de mineur.


Qu’était-ce pays qui pouvait me faire conscrit à 18 ans, m’envoyer à la guerre – moi j’avais échappé au djebel, mon frère non – me laisser entrer à l’Université à l’âge de Christian et m’interdire d’aimer, de faire l’amour avec qui bon me semble ?


Quel crime avait commis Gabrielle pour être jetée, pour 8 semaines, à la fin du printemps 69, dans une cellule sordide de la prison des Baumettes ?


Aimer un grand jeune homme, qui aurait pu être moi, c’est tout, alors qu’en ces temps gris, Papon fut, lui, le préfet de police de Paris, le Ministre du Budget du madré de Montboudif, avec du sang sur ses belles mains d’administrateur impitoyable.


Crime suprême, leurs corps s’étaient mêlés, enflammés, Christian avait empli cette « vieille » femme de sa jeune sève. Ils avaient jouis. Condamnée, le 12 juillet – mon jour anniversaire – à 12 mois de prison avec sursis et 500 francs d’amende, le Parquet jugeait la condamnation trop faible et faisait appel a minima, et Gabrielle ouvrait le 1er septembre le robinet du gaz. Exit la femme de mauvaise vie, celle qui avait détourné l’innocence vers les infâmes plaisirs de la chair. Bouclé dans une maison de repos par les psychiatres de service, Christian, lui, grâce à la protection de ses parents, allait enfin voir s’ouvrir une sacré belle vie.


Repmed00284.jpg

 

Lorsque le 22 septembre, notre normalien de Président, questionné par Jean-Michel Royer, sur ce qu’il était maintenant de bon ton d’appeler « l’affaire Russier », allait convoquer Paul Eluard pour jeter un étrange voile sur Gabrielle, délivrer, une brève et ambiguë, oraison funèbre : « Comprenne qui voudra… » lance-t-il.


En exergue de son poème, Eluard avait écrit : «  En ce temps-là pour ne pas châtier les coupables, on maltraitait les filles. On allait jusqu’à les tondre. »


Pompidou était prévenu, du poème d’Eluard filtre une émotion poignante :


Comprenne qui voudra

Moi mon remords ce fut

La malheureuse qui resta

Sur le pavé

La victime raisonnable

A la robe déchirée

Au regard d’enfant perdue

Découronnée défigurée

Celle qui ressemble aux morts

Qui sont des morts pour être aimés                

Une fille faite pour un bouquet

Et couverte

Du noir crachat des ténèbres

Une fille galante

Comme une aurore de premier mai

La plus aimable bête

Souillée et qui n’a pas compris

Qu’elle est souillée

Une bête prise au piège

Des amateurs de beauté

Et ma mère la femme

Voudrait bien dorloter

Cette image idéale

De son malheur sur terre.


 

Christian Rossi attendra ses vingt et un ans pour donner un unique entretien au Nouvel Observateur, le 1er septembre 1971, avant de disparaître : "Les [deux ans] de souvenirs qu'elle m'a laissés, elle me les a laissés à moi, je n'ai pas à les raconter. Je les sens. Je les ai vécus, moi seul" , raconte-t-il à l'hebdomadaire. "Le reste, les gens le savent : c'est une femme qui s'appelait Gabrielle Russier. On s'aimait, on l'a mise en prison, elle s'est tuée. C'est simple". Simple comme comme une histoire d'amour, "pas du tout une passion", selon Christian Rossi qui expliquera : "La passion, ce n'est pas lucide. Or, c'était lucide".



Le cinéaste André Cayatte rendra un hommage à cette histoire en 1971, dans le film Mourir d'aimer, avec Annie Girardot. Charles Aznavour signera la bande originale. Film controversé, ce sera un grand succès public avec 4,5 millions d'entrées.


-Qui a tendu la main à Gabrielle


 Lorsque les loups, se sont jetés sur elle ?


 Pour la punir d’avoir aimé l’amour


 En quel pays, vivons nous aujourd’hui


 Pour qu’une rose soit mêlée aux orties


 Sans un regard, et sans un geste ami ?


Serge Reggiani 

 

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commentaires

A
<br /> Oui, je leur ai fait parvenir un mail, j'attends réponse. <br /> <br /> <br /> Merci.<br /> <br /> <br /> A.C.<br />
Répondre
A
<br /> Bonjour, <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> j'aimerais retrouvé l'entretien de Christian Rossi du 1er septembre 1971 pour le Nouvel Observateur. Auriez vous des informations susceptibles de m'aider ? <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Bien à vous,<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> A.C.<br />
Répondre
J
<br /> <br /> il vous faut demander aux archives du NO ils ont bien sûr un exemplaire de ce n°<br /> <br /> <br /> <br />
P
<br /> Les loves story ne sont accéptées que reformatées par Hollywood.Le bourgeois frustré semble jaloux du bonheur d'autrui."Il ne suffit pas d'être heureux, il faut encore que les autres ne le<br /> soient pas" - Jules Renard . Quand ,en plus, le bonheur est des plus simple : l'amour,c'est encore moins supportable que le pouvoir, l'argent, les titres;en effet l'amour est accessible à<br /> tous alors c'est inadmissible :le bonheur qui illumine et rayonne des amants comblés est " indécent " au yeux des " Biens pensant " Qu'aurait dit BERNANOS qui bien que royaliste,un temps<br /> maurrassiens , chrétien absolument de droite,n'a jamais hésité à penser contre lui même tant immense et radicale était son humanité et sa compassion  à l'égard de tous et de chacun.<br />
Répondre
J
Qui etait le ministre de la jusrice ? Elle avait mon age il etait consentant et les parents aller deposer une plainte! 16 ans ! Vraiment ils on du le regretter,une prof aggregee! Le plus haut grade de prof! Lamentable,

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