L’actualité prime sur le farniente : Hervé Bizeul a un fichu caractère, car il en a beaucoup de caractère le bougre, et nos passes d’armes sur mon espace de liberté ont parfois pris des allures de combats au sabre d’abordage. J’adore la belle castagne, sans coups bas, loyale, où tout à la fin les protagonistes déposent les gants et se serrent la main. Avec Hervé il en a toujours été ainsi et, celles et ceux qui nous croyaient fâchés après nos prises de bec en ont toujours été pour leurs frais. J’ai de l’estime et du respect pour son travail car Hervé est de ceux qui font et, croyez un vieil expert des Pyrénées-Orientales, il fallait de la moëlle et de la pugnacité pour s’implanter et réussir dans ce département en pleine décadence post-vdn.
En revanche, je l’avoue, pendant tout un temps, celui où j’étais sous le feu, la RVF, ne m’a jamais paru briller pour son avant-gardisme, sa capacité à capter les nouvelles tendances et à mettre en avant des vignerons border line, son courage dans les débats professionnels où ses rédacteurs étaient le plus souvent aux abonnés absents. Surtout ne pas choquer l’establishment, rester engoncé dans une conception très grands vins prout, prout ma chère, ignorer les vins roturiers, bref une vieille dame digne avec permanente, napperons sous les vases, guéridons enjuponnés et gâteaux secs incorporés. Bref, tout ça était bel et beau mais ne s’adressait plus qu’à un lectorat vieillissant alors, avec la foi des nouveaux convertis, la vaillance des ouvriers de la vingt-cinquième heure, la RVF s’est mise à la mode avec plus ou moins de bonheur. Tant mieux pour la cause du vin même si les gloses de Denis Saverot sur la loi Evin frisent souvent la bonne démagogie et que les blogueurs ne sont guère appréciés de la vieille dame rafraîchie.
Alors, je dois avouer que la lecture de l’article d’Antoine Gerbelle m’a laissé un sale petit goût de règlement de comptes à OK organisateurs de salons en tout genre. Son titre « Peut-on juger en toute sérénité les vins du Roussillon ? » laisserait augurer d’une profonde réflexion de ce cher Antoine sur les évolutions qu’ont connu les vins du Roussillon. Mais tel n’est pas l’objectif du papier, il s’agit essentiellement de river le clou à Hervé, le renvoyer dans ses 18 mètres, lui brandir sous le nez un carton rouge : « Trublion de la blogosphère et figure du Roussillon, le vigneron Hervé Bizeul s’en prend aux commentaires de l’édition 2013 du Guide Vert de La RVF dans sa région. A-t-il raison ou pousse-t-il un peu trop loin le bouchon ? » Est-ce vraiment la bonne question ? J’en doute vraiment à la lecture du papier de ce cher Gerbelle qui après l’évocation des bisbilles avec Hervé se clôt par une bordée de méchancetés. Je cite :
« Mais l’inventeur de La Petite Sibérie vendue à plus de 200 euros la bouteille a suivi depuis une trajectoire difficilement lisible : un temps négociant soit disant équitable pour la grande distribution avec sa marque Walden, puis égaré sur les collines ventées du domaine de La Chique avec de gros volumes de petit vin à vendre, il a fini par manquer d’oxygène au point de céder une large part du capital de son Clos des Fées. Toutes ces péripéties ont fait de lui un homme pressé, qui ne voit dans les critiques qui lui sont adressées que des obstacles à son rêve de devenir le premier golden vigneron catalan. Il le confiait d’ailleurs à La RVF, en mars 2011 : « Il y a trois secrets pour réaliser un grand vin : l’argent, l’argent et l’argent », ajoutant un peu plus loin : « Si je ne bouge pas, je vais vivre pauvrement et mourir riche, comme un paysan. » Espérons pour lui qu’il a fait le bon calcul... »
Désolé Gerbelle moi je ne mange pas de ce pain-là. Comment un plumitif, dont je suis moi aussi, peut-il se permettre de juger la trajectoire d’Hervé ? Si elle n’est pas lisible Antoine Gerbelle c’est que tu ne sais pas lire et, qui plus est, de quel droit la qualifies-tu ainsi en alignant des qualifications outrageantes et désobligeantes ? Pour sûr, quand on a simplement le cul assis sur une chaise, ce que je suis moi aussi, on ne risque pas de s’égarer sur des sentiers difficiles. C’est plus pépère pour tailler un petit costar à un gars certes doté d’un sale caractère qui entreprend, se bat et cherche la réussite et la reconnaissance. À chacun sa philosophe mais, que je sache, le groupe Marie-Claire, actionnaire de la RVF, n’est pas à classer dans les tenants d’une économie solidaire pour petits vignerons en sandales : pas vrai le sieur Lubot grand maître du club de la Vendée entreprenante ! Bref, sans prendre parti, car je n’ai aucun parti à prendre dans l’histoire des échantillons du Guide Vert, cette façon de faire me déplaît et je l’écris. Oui, entre la RVF et Hervé Bizeul, en l’espèce j’ai choisi. Ce qui ne m’empêchera pas bien évidemment de titiller Hervé si l’occasion se présente. Du côté de la RVF, ce dont je suis certain, c’est que mes petits bruissements ne les troubleront guère : ils ont mieux à faire !
Je pars me baigner !