Un jour gris, en feuilletant vaguement les feuilles mortes du web, je suis tombé sur une envolée d’un grappilleur bien connu à propos d’un projet visant à créer « un site en chinois qui reprenne les principaux textes de nos meilleurs critiques » qui m’a laissé songeur. En effet, ce saint homme, en une tournure d’esprit qui m’étonnera toujours, s’emportait avant même d’avoir tenté d’agir : « Mais on n'aime pas les idées simples, et on va avoir 40 fonctionnaires sur le dos qui exigeront 50 réunions totalement improductives pour nous lister des arguments byzantins et n'avoir qu'un regard suspicieux sur ce qui devrait enthousiasmer tout le monde du vin ! » J’adore les on, c’est rond et c’est d’un vide très pratique qui enveloppe tout et rien.
Moi qui me suis vu accoler, après mes écrits iconoclastes, l’étiquette infamante de « haut-fonctionnaire parisien », solidaire de tous les sans-grades enfournés dans le même sac d’infamie, je me suis interrogé pourquoi tant de haine chez certaines gens du vin contre les fonctionnaires de ce vieux Ministère de l’Agriculture ? De plus, fort de ce qu’écrivait à mon propos nos amis de Harpers dans « First Berthomeau, now it’s plan B ... Cependant, une décennie plus tard, alors que la période visée par le rapport touche à sa fin, Berthomeau doit se demander pourquoi il a consacré presque une année de sa vie pour écrire ce plan. La plupart des perspectives font de 2009 l’annus horibilis du vin Français dans ce qui a déjà été une décennie châtiment. » je me sens investi d’un droit de réponse en défense de leur honneur outragé.
En effet, quelle est la responsabilité de ces fonctionnaires dans l’émergence puis le développement de cette « décennie châtiment » ? Bien sûr, comme toutes les machines administratives, lourdes, paperassières, tatillonnes, le petit monde des fonctionnaires porte sa part de responsabilité. Mais, rapporté à ce qui s’est passé pendant 10 ans, elle me semble dérisoire et peu décisive. Alors faire d’eux des étouffeurs d’initiatives privées, des fossoyeurs du dynamisme des entrepreneurs, des ratiocineurs, des emmerdeurs, des empêcheurs de décider, ceux par qui l’immobilisme arrive, c’est leur faire trop d’honneur. Que certains trouvassent commode de les installer dans la position de boucs-émissaires je le comprends aisément car ça les dédouane – sans jeu de mots – de leur propre responsabilité. En écrivant ce que j’écris je ne défends pas ma « corporation » – où je suis, si je puis m’exprimer ainsi, un corps étranger – mais je me permets de remettre les pendules des ouvriers de la 25ième heure à l’heure. C’est trop facile de charger la mule – voir plus bas – lorsqu’on se contente du pur magistère des mots. Gonflé certes mais surtout enflé comme des bulles éphèmères.
À ce stade je pourrais entonner mon petit couplet sur les Nouveaux Fermiers Généraux collecteurs de CVO mais je m’abstiendrai car je ne vais pas prendre des coups pour le compte de gens dont les propos me gonflent. Parker n’est pas allé demander des subventions pour faire du Parker. Il a fait du Parker. Alors, au lieu de chouiner, de couiner, de taper à bras raccourci sur ces « cons » de fonctionnaires qui ont la vue basse et l’esprit tordu, prenez-vous par la main mes petits loups, allez frapper aux bonnes portes, présentez vos projets, défendez-les auprès des responsables professionnels qui détiennent les beaux euros. Ce ne devrait pas être très difficile pour des gens qui ont autant d’entregent que vous. Cependant permettez-moi de sourire un instant sur ce beau sujet de l’influence, où je serai sans aucune indulgence, pour constater que le temps des banquets est depuis longtemps terminé. Certes se congratuler entre soi en des lieux idylliques, faire comme si le monde tournait autour de vous alors que tout le monde s’en fout, est fort sympathique mais sans aucune efficacité. Personne ne vous attend, ne nous attend, alors continuons gaiement notre chemin.
Pour ne rien vous cacher cette chronique, dans sa forme initiale, avait pris la forme d’une opérette leste. Cependant, la nuit portant conseil le matin je me suis dit mon petit, certains vont se reconnaître et tu vas te faire une foule d’ennemis. Au panier mon livret mais je ne puis m’empêcher d’en extraire une seule réplique : celle de la baronne des exclus bien connue qui ironisait, seule au milieu d’un monde viril, sur le comique de la situation et lançait à la cantonade – sacré Cantona – « vous devriez aller faire la manche dans le métro ça vous rapporterait gros... » Pour vous dédommager de ce manque à gagner je vous offre cet extrait de la Périchole d’Offenbach avec le célèbre duo « En avant, vite, vite... Ma mule va grand train... Mais n'allons pas si vite... N'allons pas si grand train...» Tout un symbole ne trouvez-vous pas. Après cela vous vous imaginez bien que je n’aurai pas l’audace d’aller offrir mes services à l’érecteur du projet. J’ai déjà beaucoup donné sur plein de sujet avec que de belles paroles en réponse...