Les purs buveurs d’eau tout comme les hydrophobes militants me saoulent grave car je déteste les poseurs d’oukases. Pourquoi se priver d’un bon verre de vin pour faire couler la miette ou d’un bon verre d’eau fraîche pour se rafraîchir ? Rien ne le justifie sauf des raisons médicales ou une forme de crétinisme militant. L’interprétation favorable au vin de la célèbre phrase de Louis Pasteur « Le vin est la plus saine et la plus hygiénique des boissons » est à relativiser car elle ne vaut que parce qu’à l’époque l’eau potable était rare. À trop vouloir prouver on s’expose à des prises de manche de râteau dans la gueule du type de celle que nous balance la Mireille Matthieu du coaching télévisuel : j’ai nommé Christelle Ballestrero qui a de nouveau sévit au cours de l'émission Télématin en empruntant le versant médical de la consommation : boire du vin ferait grossir? Débat inepte puisqu’en effet comme me le faisait remarquer un grand prof de médecine, qui pouvait se le permettre car il y était passé : « Il n’y avait pas d’obèse à Mauthausen ». En effet, manger et boire au-delà des calories nécessaires fait grossir. Dans ma Vendée profonde les vieux pochtrons étaient aussi secs que des sarments de vigne.
Tout ça pour vous dire que ce matin je vais vous offrir un bel hommage à l’eau par le truchement d’un érudit des champs : Elisée Reclus (1830-1905) géographe anarchiste internationalement reconnu qui, dans son petit livre Histoire d’un ruisseau, glisse de la poésie dans la géographie. Comme le fait remarquer Jean Cornuault dans son Introduction le choix par Elisée Reclus du ruisseau pour nous parler de l’eau répond aux qualités de celui-ci. Il en retient trois qui me plaisent énormément :
- le ruisseau permet de faire de la géographie près de chez soi,
- le « simple » ruisseau ne paie pas de mine,
- le ruisseau isolé, l’ »humble courant » se joignant à d’autres fait de grandes rivières.
Et puisque l’origine d’un ruisseau c’est sa SOURCE je vous propose de lire le premier paragraphe du livre d’Elisée Reclus chez Infolio www.infolio.ch
« L’histoire d’un ruisseau, même de celui qui naît et se perd dans la mousse, est l’histoire de l’infini. Ces gouttelettes qui scintillent ont traversé le granit, le calcaire et l’argile ; elles ont été neige sur la froide montagne, molécule de vapeur dans la nuée, blanche écume sur la crête des flots ; le soleil dans sa course journalière, les a fait resplendir des reflets les plus éclatants ; la pâle lumière de la lune les a vaguement irisées ; la foudre en a fait de l’hydrogène et de l’oxygène, puis d’un nouveau choc a fait ruisseler en eau ces éléments primitifs. Tous les agents de l’atmosphère et de l’espace, toutes les forces cosmiques ont travaillé de concert à modifier incessamment l’aspect et la position de la gouttelette imperceptible ; elle aussi est un monde comme les astres énormes qui roulent dans les cieux, et son orbite se développe de cycle en cycle par un mouvement sans repos. »