Sans tomber dans l’image facile il est incontestable que dans le petit monde du vin « la biodynamie » sent le soufre, elle déchaîne les passions, provoque des jugements péremptoires et définitifs, clive bien plus que le bios, fait voler des noms d’oiseaux au-dessus de la tête de ceux qui la pratiquent, ses adeptes dit-on pour bien leur coller une étiquette de secte.
J’avoue que moi je ne mange pas de ce pain-là pétri trop souvent dans les fiches techniques des grandes firmes de l’agrochimie et de l’agrofourniture. Loin des rubans lisses et impeccablement goudronnés j’aime les chemins de traverse profonds, secrets et mystérieux, façonnés par les pas des hommes et des bêtes de leur charroi, car ils me permettent de redonner au temps sa dimension humaine.
« Au village sans prétention, j'ai mauvaise réputation
Qu' je me démène ou qu' je reste coi, je passe pour un je-ne-sais-quoi.
Je ne fais pourtant de tort à personne, en suivant mon chemin de petit bonhomme
Mais les braves gens n'aiment pas que l'on suive une autre route qu'eux... » chantait Brassens.
La semaine passée mon village était Courgis et mes vignes celles d’Alice et Olivier de Moor, de Thomas Pico et des Brocard père&fils… Bio, biodynamique et même pour les derniers une partie non reconvertie. Qu’importe ! L’important c’est de revenir à des pratiques plus respectueuses de l’environnement, des sols, des vignes et des vignerons eux-mêmes.
Loin de moi les batailles de chapelles mais il y a longtemps que j’ai choisi le labour contre le round up, les vignerons qui doutent et cherchent, sans oukases mais avec ténacité et une capacité inépuisable à se remettre en question. Allez donc passer, comme moi, une journée entière dans les vignes et dans le chai d’Alice et Olivier de Moor et je suis persuadé que beaucoup de vos préventions seront levées.
Mais ce matin je ne suis pas là pour tresser des couronnes de lauriers à mes amis, ça ferait jaser : copinage dira-t-on. J’assume bien sûr et je n’ai pas besoin, comme certains, de m’affubler de faux-nez pour le faire.
Ce qui m’amène à tourner autour du pot du bio c’est le loup.
En effet, dans mes lectures matinales j’ai découvert ce titre « Délicieuses aubaines en biodynamie » par David Santerre qui déclare « Quelques-uns des meilleurs vins à moins de 25 $ disponibles en SAQ depuis quelques années sont l’œuvre d’un Montréalais. Qui est-il? »
« Alain Rochard, propriétaire du vénérable restaurant Continental, depuis plus de 20 ans dans le Plateau-Mont-Royal, est depuis le début des années 2000 propriétaire d’un chouette domaine de 18 hectares dans le Minervois, dans le Languedoc. Une propriété qu’il a rachetée après quelques années de formation en viticulture et de patiente recherche de l’endroit idéal où il irait bichonner sa vigne. Avec ses associés, il a jeté son dévolu sur ce lopin de terre qu’il a baptisé le domaine du Loup Blanc.
Ses vins, aux étiquettes rappelant les contes de notre enfance, Mère grand, Méchant loup ou Petit chaperon rose, sont faits de raisins cultivés en agriculture biologique et biodynamique et Alain n’hésite pas à parfois délaisser l’appellation Minervois pour produire des vins plus singuliers, issus de cépages non traditionnels de l’appellation. Ils porteront les mentions d'Indication géographique protégée Aude Val de Cesse, ou de vin de France, selon le cas. »link
Et dans ma tête un peu folâtre me revenait ce texte signé JMG dans le Rouge&Blanc « au milieu d’un océan de vignes désherbées chimiquement c’est presque un jeu d’enfant de retrouver celles de Thomas Pico : géranium sauvage, mouron, cardamine, séneçon, liseron, coquelicot, vesce et autres muscari et boutons d’or cohabitent entre les ceps. Le domaine de Pattes de Loup compte 2,40 ha en appellation Chablis, dont 40 ares plantés sur le 1er Cru Montmain (ici sans s) dans les années 60 par Gilbert Race le grand-père maternel. »
Et de titrer « un jeune loup qui épate ! ».
Thomas, l’enfant de Courgis, sensibilité à fleur de peau, est tout sauf un jeune loup, c’est un jeune homme qui a fait des choix courageux, les défends bec et ongles face à un écosystème Chablisien bien installé dans ses certitudes. Rien ne vaut le regard d’un autre jeune, Egmont Labadie, qui a recueilli dans Terres de Vins en mars 2013 les propos de Thomas Pico « Un club de dégustation m’a dit que mon Chablis n’est pas typique, que c’est du Jurançon ! », raconte Thomas Pico. « Mais est-ce qu’ils sont faciles à boire, les pinards qu’ils ont bien notés?» Teigne au cœur tendre, qui a su imposer à son père l’odyssée vers le naturel, Thomas revendique « des vignes en bio, vendangées à la main, des raisins récoltés mûrs, un vin pas levuré, pas collé, pas filtré, et ce serait moins typique qu’un Chablis pâle, vert, sulfité et filtré à mort, récolté en sous maturité pour faire croire qu’il est minéral ? »
Pour ce matin je n’irai pas au-delà sur Thomas. Je reviendrai, à tête reposée, vers ses vins dans une prochaine chronique.
Je reviens à notre Québécois Alain Rochard et à ses associés link
C’est un biodynamique « Pour préserver la nature qui nous entoure, le bon sens et l’observation nous guident. Notre priorité est accordée à la vigne pour que la matière première soit de la plus haute qualité possible. Le vin de terroir est le produit de 3 éléments indissociables que sont le sol, le climat et le cépage. Pour faire parler ce terroir il est essentiel que les sols soient vivants.
Nous nous sommes logiquement orientés vers l'Agriculture Biologique et une vinification la plus naturelle possible. Les vendanges sont entièrement manuelles. A la vigne comme à la cave, aucun produit chimique de synthèse n’est utilisé et le désherbage est mécanique.
Nous pratiquons l’Agriculture Biologique depuis 2005 et nous sommes contrôlés depuis 2007 par Ecocert.
Pour aller encore plus loin dans notre recherche du vivant et du lien de la vigne à son environnement, nous pratiquons la biodynamie pour choisir au mieux les périodes correspondantes aux interventions sur le sol (labours, plantation, buttage, binage) et sur la plante (pulvérisation, taille, récolte). Toutes nos mises en bouteille se font en jours fruits.
La Biodiversité fait également partie de nos engagements : nous sommes heureux d’accueillir sur nos terres 50 ruches et nous participons à la réintégration de l’Aigle de Bonnelli dans son environnement Méditerranéen. »
J’en reviens au choix de notre Québécois que je remercie du coup de main :
« La cuvée Les trois p’tits C 2011, toute chaudement arrivée sur les tablettes de nombreuses succursales de notre monopole cette semaine, en est un bel exemple.
Je me souviens de mes premières dégustations de ce vin populaire, fait du singulier assemblage des cépages espagnols carignan, grenache, tempranillo et alicante bouchet. Il y a cinq ou six ans, je le considérais comme un vin délicieux, charmeur, mais plus charnu que raffiné.
Force est d’admettre qu’avec le 2011, on est ailleurs. On a considérablement évolué vers un vin toujours d’une belle amplitude mais au fruit noir (cassis, mure) plus pur et croquant, plus frais et plus délicat dans lequel on décèle même une certaine minéralité. Les tannins sont soyeux. Bref, un vin complexe certes, mais surtout facile d’approche, gouleyant à souhait, sans lourdeur, dont on ne se lasse pas. À boire sur des filets d’agneau aux herbes.
Aussi parmi les nouveaux arrivages du Loup, la «petite» cuvée, Soif de loup, issue d’un assemblage différent. Généralement plus floral, épicé, pimpant, c’est le vin de soif de la maison. Pour les plateaux de charcuteries et à peu près toutes les viandes et légumes qui sortent de votre BBQ. À ce prix, votre vin de tous les jours ! »