Tous les jours, chaque jour je pose des mots sur mon écran blanc.
Tous les jours, chaque jour je les poste.
Au petit matin ils s’alignent sous vos yeux.
Vous si loin, si proches, vous êtes, au fil des années, devenus mon horizon, une belle part de ma vie, pour certains des amis.
Petit artisan des mots, plus maçon qu’architecte, je bâtis des cités éphémères sur la trame invisible de la Toile pour vous y accueillir, échanger, tisser des liens.
Chaque jour recommencer, c’est ça la vie, notre vie, l’héroïsme du quotidien.
Alors ce matin je vous propose un texte extrait de lignes enfouies, jamais publiées, nichées dans un grand classeur baptisé « Accrocs de Vie »
Lire ou relire « La fuite en Belgique » link ou « Ceci est la lamentable histoire de Marcel Cœurdeveau boucher de son état au 223 bis rue Froidevaux… » link tirés du même opus.
Poseur de mots
Je suis un poseur de mots
Petit artisan sis aux confins d’un hameau
Où j’amasse des fagots de mots.
Des simples, des durs,
Des mal foutus,
Des tendres, des purs,
Des repus,
Des crottés,
Des raffinés,
Des secs,
Des sales,
Des qui font mal,
Des impecs.
J’en fais des tas
Que je couronne tel un moissonneur
D’un bouquet de fleurs.
Et le chant des oiseaux nichés au sommet
Sème des notes
Dans mes copeaux de mots
Que je rabote.
Étendus sur la plage de la page
Assemblés un à un
Chevillés au corps du récit
Ils vivent une nouvelle vie
Tels des baladins aux habits de lumière
Qui arpentent le dos de la terre.
Au son de leur son
Ils saisissent l’aubaine
D’une nouvelle maison
Pour s’envoyer en l’air
L’air de dire
Mieux vaut rire
Que d’être serf sous la plume d’un pisse-vinaigre
Accoucheur d’aigre.
Les plus coquins se nichent
En des lieux incertains
Je leur dis chiche
Pour qu’ils prennent le train
Des plaisirs défendus
Escaladant le mont de Vénus
Tétant le suc du sexe de femmes fleurs
Attisant leurs ardeurs
En folles rixes
Se saoulant d’effluves salés
De corps enflammés
Chavirant sur les rives illimitées du plaisir.
D’un geste les saisir
Les étendre
Tendres
En faire la trame d’un drame.
Les prendre debout
Fiers
Acteurs fous
D’un conte
Leur musique claque la honte
De notre assoupissement
Des massacres d’enfants
Troublant
Chassant
Le rideau de fumée
De nos aveuglements quiets.
Mots dérisoires
Misérables miettes d’espoir
De nos poubelles replètes.