Que les âmes prudes se rassurent le Taulier ne se vautre en rien dans le stupre et la fornication, il se contente de faire la promotion d’un loisir simple : le déjeuner sur l’herbe qui, bien plus que le pique-nique, permet d’allier tous les plaisirs de bouche. Ses ingrédients : une grasse et verte prairie naturelle au bord d’une rivière, où vous pourrez plonger vos bouteilles, l’ombre légère d’un bouquet d’arbres afin de ne pas déjeuner sous le feu du soleil, une grande nappe blanche pour y poser vos victuailles, un panier de pique-nique et, pour la beauté du tableau et la partie de jambes en l’air, une vêture légère pour les femmes et de lin pour les hommes.
Le déjeuner sur l’herbe le plus célèbre est bien sûr celui d’Édouard Manet mais savez-vous qu’i fut d'abord baptisé Le Bain, puis La Partie carrée, provoquant un scandale et controverse lorsque l'œuvre a été exposée pour la première fois au Salon des Refusés en 1863. Et pourtant, ce thème de deux couples se reposant dans un parc ou dans un décor champêtre était un sujet classique de la peinture galante, tel La Partie carrée (1713) d'Antoine Watteau et celle de James Tissot, contemporain et ami de Manet, a peint sa propre version du thème en 1870. Si vous souhaitez visionner une rétrospective de Parties carrées et autres déjeuners sur l'herbe allez ICI link
Puisque mon propos est avant tout culturel je vous propose de lire le texte d’Émile Zola, à propos du déjeuner sur l’herbe (Édouard Manet, 1867)
« Le Déjeuner sur l'herbe est la plus grande toile d'Édouard Manet, celle où il a réalisé le rêve que font tous les peintres : mettre des figures de grandeur nature dans un paysage. On sait avec quelle puissance il a vaincu cette difficulté. Il y a là quelques feuillages, quelques troncs d'arbres, et, au fond, une rivière dans laquelle se baigne une femme en chemise ; sur le premier plan, deux jeunes gens sont assis en face d'une seconde femme qui vient de sortir de l'eau et qui sèche sa peau nue au grand air. Cette femme nue a scandalisé le public, qui n'a vu qu'elle dans la toile.
Bon Dieu ! Quelle indécence : une femme sans le moindre voile entre deux hommes habillés ! Cela ne s'était jamais vu. Et cette croyance était une grossière erreur, car il y a au musée du Louvre plus de cinquante tableaux dans lesquels se trouvent mêlés des personnages habillés et des personnages nus. Mais personne ne va chercher à se scandaliser au musée du Louvre. La foule s'est bien gardée d'ailleurs de juger Le Déjeuner sur l'herbe comme doit être jugée une véritable œuvre d'art ; elle y a vu seulement des gens qui mangeaient sur l'herbe, au sortir du bain, et elle a cru que l'artiste avait mis une intention obscène et tapageuse dans la disposition du sujet, lorsque l'artiste avait simplement cherché à obtenir des oppositions vives et des masses franches.
Les peintres, surtout Édouard Manet, qui est un peintre analyste, n'ont pas cette préoccupation du sujet qui tourmente la foule avant tout ; le sujet pour eux est un prétexte à peindre tandis que pour la foule le sujet seul existe. Ainsi, assurément, la femme nue du Déjeuner sur l’herbe n’est là que pour fournir à l'artiste l'occasion de peindre un peu de chair. Ce qu'il faut voir dans le tableau, ce n’est pas un déjeuner sur l'herbe, c'est le paysage entier, avec ses vigueurs et ses finesses, avec ses premiers plans si larges, si solides, et ses fonds d'une délicatesse si légère ; c'est cette chair ferme modelée à grands pans de lumière, ces étoffes souples et fortes, et surtout cette délicieuse silhouette de femme en chemise qui fait dans le fond, une adorable tache blanche au milieu des feuilles vertes, c’est enfin cet ensemble vaste, plein d'air, ce coin de la nature rendu avec une simplicité si juste, toute cette page admirable dans laquelle un artiste a mis tous les éléments particuliers et rares qui étaient en lui. »
Mais que boit-on pour un déjeuner sur l’herbe ? Pour moi, sans contestation, du léger, du vif, du frais afin d’accompagner tous les plaisirs de chair sans les annihiler. J’exclus totalement le rouge même l’un des chenapans de la Loire, ça tache ; je tolère à peine les rosés, trop communs ; je suis 100% blanc frizzante… en flacon à vis… (S’il faut que je vous fasse un dessin j’y suis prêt)… c’est coquin, ça émoustille, c’est moins convenu que le champagne même si un extra-brut, pour les âmes ardentes, peut convenir. Mon choix pour un déjeuner sur l’herbe, et plus si affinités, se porte sans aucune hésitation sur ZE BULLE ZérO Pointé www.latourgrise.com peu alcoolisé 9,5%, tendre et acidulé (du chenin biodynamique) gaz naturel de fermentation. Cerise sur le gâteau la bouteille est belle…
John Seward Johnson (artiste américain né en 1930) "Deja Vu" - 1994. Il s'agit en fait d'une sculpture monumentale installée dans un parc à Hamilton (New Jersey)