Je dois vous faire un aveu : s’il est une personne qui aurait pu me convaincre de me convertir à la dégustation c’est bien Jacques Vivet. Le mot conversion n’est pas trop fort à l’endroit du païen que je suis allergique à toute forme de rituel codifié.
Je ne parle pas en l’air j’ai pratiqué, l’espace d’une soirée, la méthode Vivet et voici ce que j’avais écrit.
« Jacques Vivet rime avec discret, et pourtant avec sa carrure et sa prestance il pourrait en imposer à la République des dégustateurs autoproclamés. Il m’a fait récemment le plaisir un soir de me convier à son centre de dégustation situé face au jardin du Luxembourg à deux pas de Saint-Germain des Prés. Derrière la lourde porte cochère un autre monde où, sur les pavés de la cour, j’imagine le bruit sourd des tonneaux que l’on roule.
Mais laissant ma folle du logis au cellier je me suis sagement assis à la table où se tenaient déjà les « élèves » de Jacques Vivet. Séance à l’aveugle, bien rythmée, sans pathos ni faux-semblants. L’homme est précis, pédagogue avec humour, il pratique le fleuret moucheté, taquine, met en scène avec sobriété la dégustation. J’y reviendrai en une future chronique mais ce soir-là moi, qui fut marchand de vins donc soucieux de mes clients, je retrouvais les fondamentaux du métier. Ainsi dans la République des Jacques nous serions 3, le Dupont lui et moi. »
Je n’ai rien à ajouter ni à retrancher et si je reviens vers vous c’est que Jacques Vivet, le précurseur, le défricheur, pour ouvrir son « petit traité de dégustation », ne fait rien moins que « l’éloge de la dégustation »
Mon front devrait se couvrir de honte face au très convaincant exorde de Jacques Vivet qui ne se la joue pas monsieur je sais tout. Et pourtant, en dépit de ce qu’il écrit, le 48 de la rue de Vaugirard, face au Sénat, ne sera jamais mon chemin de Damas mais restera tout bêtement celle de mon bureau bien en amont au 251, face à l’UMP. Il faut que vous sachiez que la rue de Vaugirard, qui traverse les 6e et 15e arrondissements, est la plus longue voie de Paris intra-muros, avec 4 km 360 mètre de longueur.
Mais je ne suis pas là pour vous raconter ma vie de cycliste parisien mais pour vous dire que « Le VIN petit traité de dégustation » chez Bartillat 20€ de Jacques Vivet est à son image précis, complet, sans chichis.
En dépit de mon peu de goût pour la dégustation j’ai parcouru le traité de Jacques Vivet et ce qui s’en dégage c’est que son auteur est un parfait honnête homme au sens du XVIIe, alliant culture, bon goût n’excluant pas l’éclectisme, et surtout la politesse des manières. « Savoir, converser et vivre » notait Boileau.
Jacques Vivet, tout en étant classique n’est pas homme de chapelle, quand il aime il l’écrit, la preuve en 3 vignerons :
« Viticulteur passionné et passionnant, Jean-Pierre Rietsch élabore de superbes blancs pédagogiques, notamment sur le grand cru zotzenberg qui s’étend au pied du château d’Andlau. Son art inspiré lui a permis d’obtenir ce pinot noir nature sans la moindre déviance. Nous en avions rêvé, Jean-Pierre l’a fait »
« La vigne est conduite en biodynamie. Quand Jocelyne et Michel Gendrier reprennent l’exploitation du domaine familial, la vigne est certes plantée, mais tout reste à faire pour trouver un style. Trente ans de travail, d’imagination et de bons choix vont hisser le cour-cheverny, sans tambour ni trompette au sommet des vins de la Vallée de la Loire. Avec Maxime, le fils de la maison, la relève semble aujourd’hui assurée. »
« Alice et Olivier de Moor, tous les deux œnologues de formation se sont empressés, leurs études tout justes terminées, de cultiver la vigne en oubliant d’emblée les dogmes des bons maîtres. Un tel refus de respecter les normes œnologiques n’emprunte pas le chemin le plus facile. Souvent difficiles à goûter dans leur jeunesse, leurs vins révèlent une grande personnalité si l’on attend comme ils le méritent. »
Merci Jacques Vivet et j’aime bien votre proverbe russe des prohibitionnistes « Le vin est innocent, seul l’ivrogne est coupable »