Ce matin ai-je été, dans mon billet d’humeur, « un peu dur avec Cyril Alonso », je ne le pense pas, j’ai trouvé en effet ses écrits trop intégristes » dans leur formulation et j’ai expliqué pourquoi. Je trouvais qu’ils cadraient mal avec le côté border line annoncé par ses étiquettes. Qu’il ait les idées larges, pourquoi pas, et son air avenant sur la photo semble le confirmer. Partager le pain et le sel avec lui, même après mes écrits, je suis partant. J’aime la diversité, la confrontation des idées, et je n’ai en aucun cas contesté ni son savoir-faire, ni son droit de suivre des chemins de traverse. Mes écrits antérieurs prouvent largement mon goût immodéré pour ceux-ci.
Le commentaire ci-dessous, signé beaujolaislyonnais, donc anonyme, mais c’est si courant sur le Net, m’interroge vraiment car j’y sens sous le beau manteau de la liberté un cocktail d’intolérance et une volonté de censure quand mon interlocuteur me reproche d’avoir « pillé » le site de Cyril Alonso. Ai-je mis en doute son altruisme, sa passion, son honnêteté, son amour du vin, et même son engagement ? En aucun cas, je n’ai jamais parlé de supercherie. Je me suis contenté de dire que je n’appréciais pas l’approche écrite du site. C’est mon droit même si je ne suis que derrière mon clavier. C’est de l’intolérance anti-intello et je ne vais pas étaler mes états de service pour « sauver la viticulture française » ce serait ridicule tout autant que de prétendre que le combat de Cyril Alonso y contribuera. Si la rébellion ne doit susciter que de la révérence et des louanges ça me paraît paradoxal quand même.
« Je trouve vos propos injustes, de plus je m'étonne de voir sur votre site la copie du site de Cyril. Quand à la démarche PUR, elle s'inscrit dans une volonté altruiste d'une personne passionnée et foncièrement honnête. Savez-vous que Monsieur Alonso vinifie lui-même, il ne s'agit pas chez d'écrire un mémo à destination d'un vigneron, non il est bel et bien là en période de vendange (pigeage, remontage, pressurés pas de sulfitages c'est vrai), c'est une personne engagée qui connait et aime le vin, les vins , ses trouvailles sont le reflet de sa personnalité, si pur était une supercherie, croyez vous qu'autant de grands noms de la restauration lui accorderaient leur confiance, oui le vin n’est pas qu’une étiquette d’un grand château, il doit être disponible pour tous, oui dans le vin il y a des produits qui sont tout sauf le reflet des terroirs de notre pays..Ce n’est pas derrière un clavier que la viticulture française s’en sortira, mais bien grâce à des personnes passionnées comme Cyril Alonzo, permettant à de jeunes vignerons militant de distribuer le fruit de leur labeur sans être bradés. »
Alors sans clore le débat je propose à votre lecture d’un texte de Jacques Ellul Exégèse des nouveaux lieux communs, « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté » (1966) (Paris, éditions de la Table Ronde, 2004, p. 165-168)
« Liberté n’est pas licence », « la liberté de chacun a pour limites la liberté des autres », « liberté et pain cuit », « sans argent, pas de liberté », « la liberté est toujours sous caution ». Du mélange de ces expressions du XIXème siècle, surgit notre lieu commun au milieu du XXème siècle. Il va de soi que si nous voulons garder la liberté, il ne faut pas la risquer. Il faut la conserver soigneusement à l’abri. Il ne faut pas la livrer à tous les vents, car c’est, hélas ! Une plante fragile, nous ne le savons que trop. Un peu de vent, un coup de soleil, et il n’y a plus de liberté. Il va de soi que, la liberté étant le plus précieux de tous les biens (c’est encore un lieu commun de l’inépuisable Voltaire), il s’agit de ne pas la gaspiller. (...) Comment ne voyez-vous pas que cette pauvre petite fille liberté, on va vous la prostituer, vous la salir, elle sera tripotée par n’importe qui... Non, non, il ne faut pas la livrer ainsi ! Et surtout à des gens qui se proclament ouvertement ses assassins. Il est bien évident qu’il faut les empêcher. Tout le monde sera aisément d’accord : chacun doit profiter d’une liberté raisonnable, mesurée, principalement intérieure, mais il faut supprimer toute liberté à celui qui veut enlever la liberté d’autrui. Comme ces vérités sont reposantes et rassurantes !
Mais si nous avons le malheur de regarder d’un peu trop près, ah ! Quelle déconvenue ! D’abord sont bien rares ceux qui disent tout haut qu’ils sont ennemis de la liberté ! Prenez les nazis par exemple, tout ce qu’ils ont fait, c’était au nom de la liberté. Vous l’avez oublié, déjà ? Reprenez les déclarations et les textes depuis 1933 vous y trouverez tout net notre lieu commun actuel : « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté », je crois bien que c’est Hitler qui fut l’inventeur de cette belle formule ! Car il s’agissait pour lui, avant tout, de délivrer son peuple des gens qui le réduisaient en esclavage, les banquiers, les Juifs, les intellectuels qui l’infectaient de leurs mensonges. (...) Puis élargissant sa mission, il s’agissait de délivrer les peuples, tous, opprimés par une clique affreuse d’exploiteurs et de menteurs. Et, s’il y avait des camps de concentration, c’était pour les ennemis de la liberté. (...)
(...) Qui sont les ennemis de la liberté, puisqu’en définitive personne n’avoue l’être ? Il faut bien que l’étiquette soit fixée du dehors, rédigée, objective. On ne peut laisser ce soin au premier venu ! En définitive évidemment seul l’État offre des garanties suffisantes pour nous dire ce qu’est la liberté (là-dessus on était d’accord depuis 1789 et les immortels principes), et par conséquent aussi pour établir qui menace cette liberté, qui en est l’ennemi. (...) Et à partir de là, tout marche très bien. Puisque c’est l’État qui est chargé de défendre la liberté, il convient que ce soit lui qui sache contre qui il doit la défendre. (...) Autrement dit, forcément, quelle que soit sa doctrine, l’ennemi de la liberté, c’est l’Autre : celui qui n’est pas d’accord avec cette forme d’État, avec ce type de société ! (...)
Autrement dit, l’ennemi de la liberté, c’est celui qui use de la liberté (après tout, comme nous le disions en commençant, si on en use, elle s’use, et le premier devoir pour conserver la liberté, c’est de la mettre au musée et de nommer un conservateur des libertés publiques), si la logique des choses nous amène au point où nous en sommes arrivés, elle nous amène du même coup à considérer que la liberté, c’est la liberté d’être d’accord avec le gouvernement. (...) »
Allez buvons un bon coup en allant chez Baraou www.baraou.fr qui me propose ce matin au courrier : un Nicolas Testard (et Cyril Alonso) - Gérard Menbussa 2009 Beaujolais Nouveau 75 cl : 8,50 €.
Un peu de légèreté et d’humour nuit jamais à la santé, surtout celle des neurones.
Si ça vous dit écoutez PIERRE OVERNOY : ça remet les choses en place avec humilité et honnêteté :