Ce vendredi matin, jour de Toussaint, au réveil, sur France Inter, j’entends causer de chasse d’eau et d’euro…crate mais, encore dans les brumes du sommeil, je ne saisis pas très bien le rapport entre les tinettes et les exécrés de l’Europe à 27. Mais, en début d’après-midi lorsque je lis dans le très sérieux journal Le Monde, sous la plume de Claire Gatinois, que les experts bruxellois se penchent sur les W-C je me dis qu’ils risquent de tomber dans la cuvette et que cette histoire de chiottes est vraiment une affaire sérieuse. Bien plus sérieuse que toutes ces histoires en Syrie ou à Lampedusa.
Donc, nos petits gars drivés par le génial Barroso veulent « Développer des réflexes sur les chasses d'eau et les urinoirs » un groupe d'experts mandatés par la Commission de l’UE s'est plongé pendant trois ans dans une étude minutieuse des toilettes, urinoirs et chasse d'eau de la Communauté européenne.
Grand bien leur fasse moi j’adore lire aux cabinets et leur rapport de 63 pages 414 annexes comprises ça peut toujours servir. Bien sûr, ça coûte plus cher que le PQ ordinaire : 89 300 € mais ce serait un excellent recyclage pour cette somme.
Pourquoi ces gens-là, sans doute inspiré par Marcel Duchamp, se sont-ils réunis en un lieu si porteur de sens ?
Tout simplement parce qu’ils ont de grands desseins dont celui de créer un «écolabel» visant à réduire la consommation d'eau. Les Etats membres seront saisis de cet important projet « visant à faire fabriquer des chasses d'eau de 3,5 litres en moyenne. Un chiffre obtenu par un calcul fondé sur l'hypothèse de huit chasses d'eau tirées en moyenne par jour, en comptant deux chasses d'eau à plein tube et six tirées à moitié. » le 8 novembre prochain.
C’est beau une « chasse d’eau » !
Quand à Paris, par chance, un édicule que l’on ne peut plus baptiser pissotière ni vespasienne (lire ma lettre au maire de mon village en défense de la liberté de pisser gratuitement à Paris ICI link) est en fonctionnement et que j’y entre avec ma flèche d’argent – c’est spacieux – j’adore dès que j’ai appuyé sur l’un des deux boutons de la chasse d’eau entendre une voix impérieuse me remercier de mon choix économique avant de m’intimer de décamper.
J’adore les Khmers verts !
Et comme j’ai de mauvaises idées j’espère que nos experts communautaires ont consacrés un chapitre aux pissotières à la turque qui sont un des fleurons de certains cafés de Paris.
Bien sûr, comme ces gens-là n’aiment le petit personnel c’est sûr qu’ils ne vont pas préconiser le retour des dames pipis.
Le lièvre eurocrate a été levé par un journaliste du Times qui, en bon rosbif toujours prompt à se payer la tronche des bureaucrates européens, dans un article daté du 31 octobre « L'idéal de l'Union européenne en matière de chasse d'eau » s’esbaudit des brillantes conclusions de l’étude : « Deux facteurs-clés semblent affecter la consommation de chasse d'eau des toilettes et urinoirs : leur design et le comportement des utilisateurs. » avant de conclure que si les Britanniques consomment beaucoup d'eau, Bruxelles utilise beaucoup de papier.
Claire Gatinois enfonce le clou avec brio, mais comme vous n’êtes pas forcément abonnés au Monde électronique je la cite :
« Evidemment puisque ça parle de toilettes, c'est drôle », soupire une porte-parole au sein de la Commission, inquiète des récupérations malveillantes. Et de rappeler qu'en appliquant l'écolabel on pourrait économiser en Europe de l'ordre de 6 600 litres d'eau par foyer, par an.
Parmi les différentes activités hygiéniques, la chasse d'eau est en effet l'une des plus consommatrices d'eau (25 % du total) après la douche ou le bain (35 %). Et puis, insiste la porte-parole, « la Commission travaille aussi sur d'autres labels pour les aspirateurs, les machines à laver... sur à peu près tous les produits de la vie courant ». Très rassurant, de fait, de savoir que les eurocrates ne dépensent pas uniquement leur énergie dans les urinoirs et W-C.
Il faut reconnaître aussi que ce rapport est une bible pour l'anthropologie. On y découvre que le Luxembourgeois tire beaucoup la chasse quand le Finlandais appuie mollement sur le bouton (14 % seulement de sa consommation d'eau domestique contre 33 %). Qu'en France, on dispose en moyenne d'une cuvette par foyer alors que les Espagnols en ont deux et les Allemands 1,7. A noter aussi que les Portugais semblent préférer les W-C en céramique.
Enfin, on apprend que l'Union européenne à Vingt-Sept disposait en 2011 d'un stock de 392 millions de toilettes et de 44,3 millions d'urinoirs. Des stocks qui, selon les experts, devraient augmenter respectivement de 6,3 % et 5,7 % d'ici à 2030. »