Les débordements verbaux du maire de Cholet, qui ne sont à mon avis que l’expression de sa pensée profonde, la parole se libère, ont mis au grand jour un groupuscule politique : le CNIP, centre National des Indépendants et Paysans, membre de l’UDI du sémillant Jean-Louis Borloo, dont cet élu est le Président. Ça m’a rajeuni mais tout de même pourquoi garder le « et Paysans » ?
Petit zoom arrière puis un brin d’histoire sur le plus ancien parti de la droite française :
Lors de la grande crise mondiale des années 20, dans un monde paysan pesant encore très lourd dans la population active française, deux mouvements de pensée s’affrontèrent : les « néo-physiocrates », partisans d’industrialiser l’agriculture, et les conservateurs « paysannistes » qui défendaient un groupe social, les paysans, comme un facteur d’équilibre de la Nation. Cette césure, amplifiée par Pétain et sa Corporation Paysanne, marquera très profondément les équilibres politiques de la IVe République et elle sera détruite par l’orientation prise par la Ve sous l’impulsion des jeunes paysans, tel Michel Debatisse, et des technocrates emmenés par Edgard Pisani. Ce sera la fameuse « Révolution Silencieuse » puis la naissance et la domination de la fameuse PAC.
Aussi bizarre que ça puisse paraître, du moins pour ceux qui l’ont connu à la fin de sa vie où il fut l’un des précurseurs du mouvement écologiste, le représentant le plus énergique et le plus persévérant de la doctrine néo-physiocrate fut René Dumont, jeune et brillant professeur à l’Institut National Agronomique de Paris (Misère ou Prospérité paysanne ? 1936). Pour eux les terres médiocres devaient cesser d’être cultivées, les produits peu rentables devaient être abandonnés et la disparition des petites exploitations accélérées. La plus forte production possible au moindre coût possible.
Face à eux, les conservateurs qui empruntaient au romancier suisse CF. Ramuz leur slogan « Etre paysan n’est pas un métier, mais une façon de vivre. ». Pour eux la protection ou la restauration de l’exploitation paysanne valaient bien des sacrifices à la productivité économique « Le monde paysan d’aujourd’hui est comme une grande île qui serait la dernière à ne pas être une société de masse. » L’exode rural était pour eux une tragique trahison du véritable héritage de la France, le but essentiel d’une juste politique agricole aurait dû tendre à enraciner le petit propriétaire dans son sol. Tout l’échiquier politique, y compris les socialistes, défendaient l’exploitation familiale.
La référence « à la terre qui ne ment pas » ne mettra pas à mal cette belle unanimité mais les modernistes de la Ve, qui inscriront l’exploitation à 2 UTH dans la nouvelle loi d’orientation de l’agriculture de 1960, lui assigneront un pur objectif de productivité. Le seul mouvement de défense de l’exploitation familiale traditionnelle fut, paradoxalement, le MODEF (comme son intitulé l’indique) lié au parti de la classe ouvrière le PCF. La vieille droite « paysanniste » ne sut jamais tirer parti du poids électoral, même affaibli, des paysans. Les héritiers du gaullisme, Jacques Chirac en plus fort symbole, sûre cultiver avec un soin constant l’orientation « conservatrice » du monde paysan. La cogestion entre la FNSEA et le pouvoir fut une constante de la Ve République, Edith Cresson qui voulut rompre l’appris à ses dépens.
« Plus ancien des partis de la droite française, le Centre National des Indépendants et Paysans (CNI) a été créé le 6 janvier 1949 par René Coty et Roger Duchet maire de Beaune en 1949. Outre ces deux personnalités celui qui a le mieux personnalisé cette branche de la droite est Antoine Pinay, maire de Saint-Chamond, ancien Président du Conseil et Ministre des Finances du général assisté de Valéry Giscard d'Estaing, secrétaire d'Etat.
Lors des élections de Novembre 1958, le CNI compta dans la première Assemblée de la Ve République 118 députés, devenant ainsi le deuxième parti de France derrière l'UNR gaulliste (209 élus)
La politique algérienne du Général de Gaulle, le départ d'Antoine Pinay en janvier 1960, s'ajoutant à des désaccords sur le plan européen et constitutionnel, amenèrent la majorité des Indépendants à voter la censure. Lors de la dissolution de l'automne 1962, une trentaine d'élus CNI conduits par Valéry Giscard d'Estaing, Raymond Marcellin et Raymond Mondon, provoquèrent une scission qui aboutit à la création des Républicains Indépendants et n’être qu’un petit parti croupion qui depuis cette date a naviguée entre plusieurs eaux. Celles de Debout la République, du Parti Chrétien démocrate de Christine Boutin en 2010 et 2011 notamment. Et si l'on remonte dans le temps, le CNIP a, lors des législatives de 1986, présenté plusieurs listes avec le Front national. L'ancien président du FN, Jean-Marie Le Pen se présenta même sous son étiquette en 1958. Enfin, détail anecdotique en 1998, Gérard Bourgoin maire de Chailley dans l’Yonne, l’homme de l’AJA de Guy Roux et de la dinde industrielle la Chaillotine, est élu président. »