Qui n’a pas de failles, de fêlures, d’invisibles plis pourtant béants, de plaies cachées mais ouvertes, des petits vides ou des abyssaux « Nous naissons tous fous. Quelques-uns le demeurent. » écrivait Samuel Beckett et pouvons-nous soutenir que ceux qui ne tiennent pas d’une main ferme le gouvernail de leur vie sur le cap tracé pour les gens sans histoire, les couleurs de muraille, le tout-venant, les gens normaux, sont ceux qui font avancer le monde ?
Je ne le crois pas !
Me suis toujours trouvé trop normal, trop lisse : sur mon lisse tout glisse, trop terne : sans doute est-ce pour cela que j’arbore des chèches de couleurs vives, trop distant : toujours me protéger, ne pas me commettre, trop cérébral : convaincre, expliquer, chiant, si raisonnable quoi !
Heureux, bienheureux… les Béatitudes ce n’est vraiment plus dans l’air du temps… où les gagnants sont ceux qui ne s’embarrassent guère de sentiments. C’est cul-cul la praline, ça fait ricaner tous nos nouveaux puissants qui nous font de l’ombre avec leur stature en carton-pâte. Je me fous des ricaneurs : « Heureux sont les fêlés car ils laisseront passer la lumière »
La lumière c’est la vie, elle nous a tiré des ténèbres extérieurs, elle nous a mis debout, fait lever le nez vers le ciel et les étoiles. Penser !
Pourquoi diable d’ailleurs ?
Aimer alors ?
Que voulez-vous, je n’aime rien tant que celles et ceux qui prennent bien la lumière, rayonnent, transcendent ma petite vie… Grâce à eux mes folies intérieures et bien ordinaires prennent du relief, des angles, des aspérités qui suffisent à me garder en vie.
Par bonheur restent encore quelques fous qui m’aident à vivre, nous aident à vivre, par leurs écrits, par leurs tableaux, par leur musique… leur génie… leur talent…
« Un peintre c’est quelqu’un qui essuie la vitre entre le monde et nous avec de la lumière, avec un chiffon de lumière imbibé de silence. » Christian Bobin L’inespérée
Cinglé, insensé, sonné, timbré, toqué, avoir un grain de folie, être légèrement ou totalement à l’Ouest, sujet au débord, adepte du dévers, faire du vélo sans casque à Paris : là on me dit que je suis fou, aimer les filles du bord de mer avec leur teint si clair : chauffe Arno, citer Louis Scutenaire « J’écris pour des raisons qui poussent les autres à dévaliser un bureau de poste, abattre un gendarme ou son maître, détruire un ordre social. », penser comme Jean-Michel Ribes qu’ « il est tout à fait désolant que des mots qui servent à désigner des parties du corps participant le plus souvent à la mise en incandescence de l’érotisme servent à articuler un article sur des crétins ou des imbéciles. »
Le petit chroniqueur du quotidien que je suis, pour cette bonne et excellente raison, et parce que c’est Noël dont le message originel est, je le rappelle à ceux qui disent régner sur notre terre, « Paix aux hommes de bonne volonté », ne criera donc pas « Mort aux … » même s’ils sont légion… hormis les habitués accrochés comme les moules sur leur rocher, les véreux au-delà et en deçà des Pyrénées, un prétentieux du côté de la Vendée, un avocat ridicule qui jacte comme un huissier, et bien d’autres qui se pavanent, se rengorgent, s’épandent et se répandent, jamais la moisson n’avait été aussi abondante que cette année.
Pas gai le Taulier me direz-vous les amis, certes, mais en cette fin d’année je ne me trouve aucune bonne ou mauvaise raison de l’être alors oui pour ce Noël 2012 « Heureux sont les fêlés car ils laisseront passer la lumière » c’est signé Michel Audiard.
La semaine dernière, lundi, j’ai ressorti de la naphtaline un petit texte écrit dans les années 90 : la Fuite en Belgique link et je viens de découvrir sur la Toile une chronique de David Abiker publiée sur le VIF be le mercredi 19 décembre dont le titre me va bien : « Et si la France était devenue un pays détestable ? » link Sans forcément tout partager, mais m’y retrouver pour l’essentiel, je me rallie à l’envie exprimée par Abiker de prendre la tangente de mon vieux pays. Partir n’est pas abandonner la terre que j’ai à mes souliers mais aller voir ailleurs, respirer un autre air, vivre avec d’autres gens. La Belgique est bien trop proche, et je ne comprends pas Gégé d’être allé se planter à la frontière, même pour me saouler d’Arno et avec Arno je n’y ferai que passer. Ne plus se poser, être un apatride ou un citoyen du monde, qu’importe ne plus avoir de liens, sauf ceux de l’amitié ancienne ou nouvelle. « Avoir envie de mettre les bouts… les poètes ont-ils disparu ou est-ce que l’on ne les entend plus ? » link
Nul besoin d’adieu au bout d’un quai de gare ou d’un port, pas d’avion : je veux rester sur Terre, partir c’est aussi revenir, ça n’est pas triste et comme la vérité reste et restera toujours au fond des verres et que pour la trouver mieux vaut les vider, je continuerai de vous abreuver de mes foutues chroniques.