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3 février 2011 4 03 /02 /février /2011 00:00

Comme promis dans ma précédente chronique « Moi, je suis vigneron » link mois après mois je suis pas à pas sous la plume d’André Lagrange la vie du Toine dans ses gestes de vigneron qui vit au hameau le Pavé près du mont Juillet, le géant protecteur du vaste cirque de Vinzelles. Une seule route goudronnée qui va de Sacy, le chef-lieu de canton, au sud, à Mercœur, au nord, en passant par le Pavé. Il y a encore deux chemins, mais seulement cylindrées, tout le reste c’est des sentiers : peu de chemins, peu de maisons : des vignes, des vignes partout, sauf le long de la Couramble où s’étendent des prairies : il faut bien nourrir les chevaux, et, si l’on peut, des vaches pour le laitage. »   photo Marionnet

Nous sommes en février, comme j’ai commencé la semaine avec Henry Marionnet et sa vigne préphylloxérique j’ai choisi l’épisode où il est question du provignage. C’est Le Toine qui parle au cours d’une partie de tarots animée, au café du village entre le Dodille, le Bénévent, le Baptiste Duveau, et le facteur de Mercœur, le José, célèbre pour ses chutes de bicyclette, dues à d’inexplicables ruptures d’équilibre, inexplicables, à ce qu’il prétend, tout au moins.

 

« C’était en plein phylloxéra. Tu sais ce que c’est ?

- Oui, quand même.

- Le phylloxéra ? Un insecte tout petit, atomique, pour me servir d’un mot d’à présent.

Y suce les racines jusqu’au sang, et leur brûle la gueule : quand tu as plus de dents, plus de mâchoires, plus de lèvres, tu peux plus te nourrir ? Non !

Alors tu as plus qu’à crever !

C’est ce qu’a fait la vigne, de quatre-vingt-huit à quatre-vingt-douze : pire que de la chlorose ; ça sèche tout ; la gelée, ça frille, mais c’est rien à côté.

Ah ! Il fallait être là, pour voir ça !

Vous boiriez plus de vin, si les vieux avaient pas travaillé pour vous.

(...)

- Alors, Qu’est-ce qu’y fallait donc faire ? s’inquiète le Dodille.

- Ce qu’on a fait, réplique le Toine. On s’est modelé sur le Midi, que le phylloxéra avait ravagé bien avant nous.

Alors, on a greffé nos plants sur du sauvage américain, un bois qui résiste à cette saloperie de bestiole.

(...)

Mais c’est tout de même grâce à ça que le vignoble a été sauvé, grâce qux partisans du greffage sur bois américain, aux Américanistes.

(...)

- Les vieux ont jamais pu se consoler de la disparition du plant direct français ; ils ont continuellement soutenu que l’américain, ça flanquait un goût de lavasse ou de bonbon.

Question alcool ? Pas de différence, mais ça tue le bouquet.

Avant, la qualité restait à peu près égale partout.

- Vous n’allez pas nous faire croire que dans les vieilles vignes... insinue le Bénévent.

- Les vieilles vignes ? Y en avait point.

Y avait des pièces de cent ans, mille ans, peut-être plus, mais les ceps dépassaient jamais vingt-cinq ans.

- Ça c’est un coup de Voronoff !

- Aussi vrai que te dis, et plus que te crois.

La vigne se rajeunissait par elle-même ; on creusait un trou ; on couchait dans la terre un cep pas trop mauvais ; on tirait deux, trois, quatre sarments, les saillies, et on les dirigeait sur des places vides, les pieds qu’on avait arrachés, parce qu’ils étaient crevés, ou qu’y ne rendaient plus guère ; on rebouchait les fosses, pis, l’année d’après, ça formait, tout ça, des ceps nouveaux.

- Alors, pas besoin de planter ? demande le Baptiste.

- Si, dans les fonds où la vigne n’avait jamais existé...

Un enclos, on le divisait en vingt-cinq parties.

Tous les ans on en provignait on en preulait, un vingt-cinquième, des fois plus, des fois moins, ça dépendait de la nature du terrain et de l’exposition.

Dans un terrain fort, la vigne résiste mieux dans un terrain faible, y fallait la renouveler plus souvent par des preus, sans ça, elle aurait dégénéré et donné des grumes grosses comme des têtes d’épingles.

Pis, dans les vignes au Nord, qui craignent davantage les gelées, on opérait plus souvent : un cep qui vieillit, c’est comme un homme qui prend de l’âge, plus sujet aux coups de froid.

Pis, avec les pieds du temps, qui poussaient des fois jusqu’à des sept mètres hors de terre, la glace avait bien plus de prise.

Le provignage ça occupait bien, du mois de janvier au mois de mars, à condition que ça soit pas trop gelé, et de préférence, en vieille lune, parce que c’est plus de fruit.

Un vigneron à moitié, une supposition, c’était son plan de preuler le plus possible : y a ben plu de marchandises à récolter, pour le patron, ben sûr, mais par le fait, pour lui aussi.

Les gagés, eux, se cassaient pas la tête.

Les Môssieus, étaient obligés de les payer en supplément, pour les preus... Oui, mais les vrais vignerons se levaient bien avant jour, trempaient un bout de pain sans un demi-verre de goutte ou de riquiqui, et trottaient jusqu’à leur vigne, hotte au dos. »

 

Petit questionnaire pour parisien tête de vin

 

1-     les preus qu’est-ce ? et preuler ? Quel est le terme dont est dérivé ce nom de la langue vulgaire ?

2-    un vigneron à moitié est-il un demi-vigneron ou un vigneron entier ?

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