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13 mars 2010 6 13 /03 /mars /2010 00:09

Lorsque mon ami d’enfance Dominique Remaud rejoignit Strasbourg pour y terminer ses études de pharmacie nous étions persuadés à la Mothe-Achard qu’il quittait la douceur océanique, certes un peu pluvieuse, pour les froidures d’un rigoureux et austère climat continental. Il nous décrivit Strasbourg comme une ville universitaire accueillante et chaleureuse ça nous rassura. Bien avant cet épisode, en dehors de mes connaissances d’Histoire et de Géographie sur l’Alsace – des matières dont je raffolais – mes images de cette province frontalière écartelée se résumaient dans deux de ses symboles, qu’un char de notre quartier, lors de la fête des fleurs, avait reconstitués : la cigogne et la grande coiffe alsacienne avec ses deux ailes de papillon noir (le tout fait avec des fleurs de papier crépon). Du côté des vins, hormis des noms de cépages dont certains se révélaient pour nous imprononçables, en ce temps-là je les rangeais dans une étrange trilogie : les Monbazillac, les Layon, et bien sûr les Alsace. Les puristes vont me fusiller mais que voulez-vous l’ignare, que j’étais et que je reste, ne retenait que la sucrosité. Ma relation au sucre est depuis toujours proche de l’ascétisme, de la dose infinitésimale, je n’aime guère les bonbons, les desserts sucrés et je bois mon café nature. Le sucre masque, alourdit, empâte. Donc, hormis le nez des Alsace qui me plaisait je préférais tremper mes lèvres et égailler mes papilles dans d’autres nectars.

 

alsaciennestrasbourg.jpg

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Ensuite je suis monté à Paris et là, surprise, les vins d’Alsace n’étaient guère présents sur les cartes des restaurants. Je passe sur les détails de ma vie mais je dois confesser que si sur cet espace de liberté je n’ai jamais chroniqué sur les vins d’Alsace c’est sans doute de ma part une forme de retenue, de pudeur car j’ai du mal à pénétrer dans l’univers des vignerons alsaciens. En effet, dans mon parcours je n’ai jamais arpenté le terroir alsacien – tant mieux pour lui d’ailleurs car mes chefs m’envoyaient plutôt en terre de mission – et si j’ai tout au long de ma vie personnelle pu apprécier des Grands Vins d’Alsace mon côté semelles de crêpe dans les chais et les vignes, mon goût pour le contact des hommes, n’ont jamais été assouvi. Bien sûr il ne tient qu’à moi d’aller m’immerger un de ces quatre du côté de Ribeauvillé chez Etienne Sipp ou de Bergheim chez Jean-Michel Deiss ou chez quiconque voudra bien me recevoir. Les longs nez et les gorges profondes doivent en lisant ces lignes faire déjà des gorges chaudes « au lieu de nous enfariner de tes angoisses t’as qu’à déguster mon petit c’est le B.A.BA des écrivains du vin... » Ben non, chers éminents collègues, je ne suis qu’un chroniqueur pas un dégustateur, moi j’ai besoin de sentir, de ressentir avant de m’aventurer sur un terrain qui n’est pas le mien.

 

Le titre de ma chronique semble indiquer que je me suis lancé dans le grand bain. Yès et, qui plus est, dans un salon majestueux du Grand Hôtel ce lundi passé. Faisait frisquet sur mon vélo j’avais la goutte au nez. J’y suis arrivé via l’Assemblée Nationale à l’heure du déjeuner et j’ai ainsi pu admirer la population des pique-assiettes à l’œuvre autour des buffets. Des morts de faim ! Faut dire que le troisième âge était fort bien représenté. Autour du foie gras ça se bousculait. Je ne vais pas vous refaire mon petit couplet sur la population de ce genre d’évènements mais permettez-moi de douter de la pertinence de la catégorie étiqueté « professionnels » comme disait le père Joseph S « combien de divisions ? ». Bref, auréolé de mon statut journalistique pendu à mon cou j’ai choisi de me soumettre à une vraie dégustation chez Louis Sipp www.sipp.com de Ribeauvillé sous la houlette d’Etienne Sipp dont j’avais déjà apprécié les vins lors du Grand Tasting de B&D sans pour autant me lancer.

 

De retour at home une première angoisse me saisit : dois-je mentionner dans mon titre le cépage en vis-à-vis du Grand Cru ? Si oui, l’ami Jean-Michel Deiss va me faire les gros yeux (et il aura raison car je pense qu’il pointe la bonne direction pour les Grands Crus d’Alsace) : sur les 27 exposants il est le seul à n’afficher que ses dénominations de Grand Cru Schoenenbourg, Mambourg, Altenberg de Bergheim millésimés 2006. Si c’est non je ne fais pas mon boulot d’info alors je me cale sur le catalogue. Nous rediscuterons de tout ça lors de ma grande plongée dans les terroirs alsaciens. J’ai donc goûté 6 Riesling : 2 Grand cru Osterberg millésimés 2008 et 2007 et 4 Grand Cru Kirchberg de Ribeauvillé millésimés 2008, 2006, 2004, 1999.

 

Tout d’abord les présentations : les vignobles Louis Sipp c’est 40 ha situés uniquement sur les coteaux historiques de Ribeauvillé, à densité élevée, maintien des vieilles parcelles, choix de porte-greffes peu vigoureux, cultivés avec attention et précision, avec je dirais respect des gestes fondamentaux. En 2008 sera le premir millésime certifié Bio. Dans la petite musique de notre conversation avec Etienne Sipp ce qui me frappe c’est cette approche paisible, réfléchie, sans emphase qui traduit une manière de concevoir et d’être qui sait faire partager ce faire de chaque jour patient, soucieux, méticuleux. Le langage est alors un trait union indispensable non pour enjoliver, enserrer le vin dans des enluminures, mais pour traduire son parcours jusqu’au verre pour le boire ensemble. Donc maîtrise, respect des spécificités et des individualités, patience et longueur de temps, douceur, soin. Rien de très révolutionnaire mais une suite de gestes, d’actions pour rechercher à exprimer au mieux l’originalité de ces grands terroirs.


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Osterberg : soleil à l’Est (Ost), pentes douces et terroir marneux

Kirchberg de Ribeauvillé : sud sud/ouest, pentes plus raides, marno-calcaro-gréseux.

 

Une petite brochure très bien faite : Terroirs des Vins d’Alsace et géologie distribué par le CIVA donne une bonne vision de la diversité.

 

J’ai beaucoup aimé les 2 Osterberg pour leur droiture sans raideur, ce sont des vins de grande tenue, rigoureux sans être austère car leur plénitude en bouche est telle qu’ils savent sourire et faire sourire. Pour moi ils illustrent bien la tension chère à mon ami Jacques Dupont Merveilleux du vignoble au sens où dans leur netteté ils vibrent, s’élèvent. Dieu que je suis à 100 lieues de mes souvenirs de jeunesse ! (bravo pour l'échelle de sucrosité sur l'étiquette ça c'est une info consommateur). Le 2007 est un grand séducteur qui ne s’affiche pas mais sait bien mieux que les beaux parleurs faire valoir ses charmes secrets.

 

Pour les 4 Kirchberg de Ribeauvillé nous sommes sur un autre registre, plus d’amplitude, de complexité aromatique, tout en gardant une forme d’élégance faite de fraîcheur mais aussi de rondeur souple. C’est du soyeux sans le côté crissant, lisse, de la soie. Le 2004 est un grand beau jeune homme à l’élégance raffinée, il ne se la pète pas tant il est sûr de son charme. Mais ce qui me frappe le plus c’est que le 1999 est toujours en superforme, il n’a pas pris une ride. Vous ne pouvez pas savoir comme à mon âge j’apprécie cette belle jeunesse du cœur nichée dans un Grand Cru sur qui le temps ne semble pas avoir de prise. C’est tout le contraire du jeunisme triomphant, la mâturité sereine, le potentiel de garde des vins Louis Sipp sont bien les meilleur marqueurs de leur authenticité. Là on ne triche pas !

 

Voilà, c’est fait et même si ça doit faire sourire les dégustateurs patentés écrire ainsi sur le vin est une « douleur ». Je dois forcer ma nature de taiseux. Moi qui aime tant jouer avec les mots, convaincre, ferrailler, je me retrouve dans une position proche du moine cloîtré soumis au grand silence. J’aime le grand silence. Comme je l’ai déjà écrit je déteste m’épancher sur mes émotions esthétiques de quelque nature quelles soient. Je préfère faire ça dans mon petit intérieur. Pour autant j’aime partager le plaisir d’une émotion intense et pour ça je reste persuadé que les mots ne sont guère utiles. Je remercie donc Etienne Sipp de m’avoir permis de m’aventurer sur un terrain difficile mais ses Grands Vins et son affabilité m’ont grandement facilité la tâche.

ri_kir_04_gde_bte2.jpgri_ost_07.jpg

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commentaires

M
Les vins natures sont délicieux au chai ou sur le stand. Le problème c'est une fois chez toi.
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J
Je ne vais ni au chai ni sur un stand je les bois chez moi... c'est toujours la même chanson... lassant...
L
<br /> <br /> a. Bien aimé : Osterberg<br /> Domaine Louis Sipp 2005Pris pour un Gewurztraminer Zinnkoepflé d'Agathe Bursin, option tendre et fruitée.<br /> <br /> b. Un beau Domaine<br /> Louis Sipp : Riesling - GC Kirchberg de Ribauvillé "Cuvée particulière de nos vignobles" 2002<br /> dans une série de Rieslings GC 2002 (il y rivalisait avec les meilleurs producteurs alsaciens)<br /> http://www.invinoveritastoulouse.fr/index.php/Thematique-Millesime/20060323-horizontale-riesling-en-alsace-2002.html<br /> <br /> <br /> Bien<br /> meilleur le soir (voir la note faible de l'am pour Dider Sanchez et Bertrand le Guern, que je salue s'il nous lit).<br /> <br /> <br /> <br />
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