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« Un mot venu d’Allemagne, qui eut plus de vitalité, fut trinquer de trinken, boire, qui signifiai boire à la santé en choquant les verres. Etait-ce pour chasser le diable qui risquait de s’y trouver ? » nous explique Renée Elkaïm-Bollinger dans son article « Toasts, santés et grand boire boire » paru dans les Cahiers de la Gastronomie ».
De la philotésie des Grecs, la cérémonie du boire à la santé des uns des autres, à la trinquerie de Rabelais jusqu’à nos jours, la gestuelle et les paroles qui vont avec sont devenues un rite, surtout du peuple. « Le dictionnaire Larousse du XIXe siècle, avance que le mot et la chose n’ont pas été adopté par les hautes classes : pourtant il semble que madame de Sévigné y ait fait allusion, et plus tard Marivaux, dans le Jeu de l’Amour et du Hasard : « Je n’ai jamais refusé de trinquer avec personne » note Renée Elkaïm-Bollinger.
Petit florilège littéraire :
En examinant plus attentivement la séduisante virago, il me sembla vaguement que je la reconnaissais pour l'avoir vue trinquant avec quelques drôles de ma connaissance (Baudelaire, Poèmes prose, 1867, p. 104)
J'ai été fâché de ne pas trinquer ensemble avant mon départ, d'autant plus que je t'avais donné la veille une assez pitoyable idée de moi, en ne buvant pas et en ne mangeant pas (Flaubert, Correspondance., 1841, p. 86).
Il aurait pas fallu qu'il en parle de politique, surtout quand il avait bu un peu, et ça lui arrivait. Il était même noté pour trinquer, c'était son faible (Céline, Voyage au bout de la Nuit, 1932, p. 574).
Nous levons donc toujours nos verres, nous les choquons, avec celui ou celle ou ceux avec lesquels nous nous apprêtons à boire en formulant un vœu, un souhait, un engagement : la santé, l’amour, la réussite d’une entreprise, à un problème résolu… que sais-je la liste n’est pas limitative.
Existe-t-il une plus belle preuve de la sociabilité du vin ?
Certains esprits chagrins vont me rétorquer que les verres n’en sont pas forcément emplis, que d’autres breuvages spiritueux ou fermentés y prennent place. Que la trinquerie est aussi une affaire de poivrots choquant les chopes ou leurs apéros au bord des bars. J’en conviens et je suis même prêt à faire mien le vieil adage « Lorsque les parents boivent les enfants trinquent » mais n’est-ce pas le propre de l’homme que se laisser emporter parfois par ses excès. Pour autant, la convivialité est de notre côté et que les méfaits de l’abstinence ne sont pas comptabilisés par nos statisticiens. Sauf que notre boulimie médicamenteuse est sans aucun doute le symptôme de dérèglements profonds de notre vivre ensemble.
Nos amis les Anglais qui ne font jamais rien comme le commun se sont « piqués, écrit Voltaire, en 1770, de renouveler plusieurs coutumes de l’Antiquité, boivent à l’honneur des dames : c’est ce qu’ils appellent toaster, et c’est parmi eux un grand sujet de dispute si une femme est toastable ou non, si elle est digne ou non qu’on la toste. »
Renée Elkaïm-Bollinger s’interroge sur « quels sont les critères de cette tostabilité féminine » ? et « quelles étaient les proportions de femmes tostables dans un dîner » ?
Toaster les douelles d’une barrique tous les grands amateurs savent ce que c’est, du moins je l’espère pour eux car ça se retrouve dans leurs verres. Bien évidemment dans les assemblées de mâles, qui sont plutôt la règle dans le monde du vin, porter des toasts fait partie intégrante du cérémonial.
Rappelons-nous le fameux « A nos femmes, à nos chevaux et à ceux qui les montent. Par Saint Georges, Vive la cavalerie !
Toast de la cavalerie, cité par J. Chirac, sorti de Saumur.
Renée Elkaïm-Bollinger nous éclaire « Le mot toster, griller, rôtir, vient de France et désignera en Angleterre une rôtie, puis reviendra en Europe, indispensable aux banquets politiques. Le maître de maison, à la fin du repas, mettait une croute de pain rôtie, au fond de la coupe, versait la boisson par-dessus, et faisait circuler la coupe, jusqu’à ce que le dernier buveur, savoure son croûton imbibé d’alcool. »
Lire les 2 chroniques ci-dessous qui montrent l’importance du toast dans les relations humaines :
« Kempei ! » cul sec de petits verres de shiao shin JP Raffarin éméché chantait avec ses petits camarades l’Internationale dans un mini-bus le ramenant à Tatsin en Chine »link
« Les 53°du Moutai au service de la diplomatie chinoise de Mao… à nos jours »link
Renée Elkaïm-Bollinger conclut son article en soulignant que « les pratiques actuelles des apéritifs ne datent que de deux siècles à peine »
Elle cite l’étude sociologique : nouveau regard sur les Français et l’apéritif conduite par Jean-Pierre Poulain link et note que sont « apparues de nouvelles formes de convivialité, dans lesquelles l’aliment tint une place significative. Les femmes préparent et mettent en scène ce moment par le biais de la nourriture et des accessoires la contenant. Amuse-gueules, tapas, mezzés, kémias, tout est sur la table, à l’avance. Plus de va-et-vient cuisine/salon pour découper et surveiller les cuissons. Tout le monde peut parler et trinquer. »