Qu’importe la boisson pourvu qu’on ait le flacon ! En retournant le célèbre « qu’importe le flacon pourvu qu’on est l’ivresse » d’Alfred de Musset je veux faire un peu de provocation : en effet le Coca sert de substrat aux mélanges qui portent beaucoup de jeunes, n’ont pas à l’ivresse, mais au nez dans le caniveau. Le Coca est une première marche en direction du binge drinking. J’exagère à dessein mais les bonnes âmes hygiénistes adeptes des messages de santé publique sur les flacons devraient y réfléchir sérieusement au lieu de nous bassiner avec des slogans publicitaires qui ont fait la preuve de leur inanité. Que le Dr Claude Got et ses frères sachent que l’abus des peurs est mauvais pour la santé. Merci d’en appeler à la responsabilité de tous et de ne pas oublier du monde en route.
J’en reviens à Coca : prenant la suite du lourd sonnant et trébuchant Karl Lagerfeld Jean-Paul Gaultier, léger et bondissant, tel un peintre reconnu en mal d’inspiration met sa célèbre marinière, son corset noir et toute l’iconographie qui gravite autour de sa griffe au service de Coca light. Processus normal en notre monde du paraître où il faut livrer en permanence à la jeunesse en mal d’identité des images pour faire vendre des produits vides de sens. La publicité doit faire rêver me rétorquera-t-on ! A quoi donc rêvent alors les jeunes filles en buvant du Coca Light ? Je ne sais mais, de leur petit porte-monnaie, en forme de cœur, elles tireront des petits sous qui arrondiront le matelas de la firme d’Atlanta et accessoirement contribueront à faire les fins de mois de Jean-Paul Gaultier.
Boire de la pub, acheter une boisson pour sa bouteille, constitue la quintessence de la stupidité sachant que « cette œuvre d’art », la bouteille customisée, est crachée à la chaîne dans des usines automatisés. Quant au liquide, comme chacun le sait, c’est de l’eau carbonatée auquel on a ajouté une « formule » qui a fait le succès de Coca. Ça donne soif et ça arrondi le tour de taille : tout le monde y trouve son compte les actionnaires et les docteurs. Comme l’ambition des jeunes consommateurs, de Coca, de baskets Nike, de fringues griffées, est de se hisser à la hauteur des images qu’elles véhiculent, nous pouvons mesurer là le gouffre dans lequel nous sommes en train de nous noyer. La marque, vue sous cet angle, ne porte que des valeurs creuses, et n’est plus qu’une machine à cash, permettant via des budgets de pub pharaoniques de gaver des peuplades d’imbéciles d’images et de clichés. Et pendant ce temps-là, les petites fourmis chinoises cousent et piquent dans l’usine du monde des trucs à 2 balles vendus au prix du caviar. Des génies non, que ces autoproclamés créateurs d’images juteuses ?
Bien sûr le Coca que vous buvez, vu son prix de revient, n’est pas fabriqué en Chine mais la marque fonctionne en utilisant les mêmes méthodes : l’attrape-couillon ! Moi ça ne me dérange pas. Ce qui me met par contre en joie c’est lorsque je vois les petits génies de la marque s’échiner à vouloir redonner des couleurs à Fanta en plein déclin. Ils se vautrent, tournent en rond, recyclent des vieilles recettes, engloutissent des fortunes pour le seul profit des publicitaires. Mais, pour en revenir au Coca, il serait injuste de ne taxer que les petits loups et les petites louves de stupidité, même si les publicités en cause sont mises en œuvre pour eux afin de renouveler le stock de consommateurs de la marque, beaucoup de leurs aînés en sirotent. Grand bien leur fasse mais, hormis l’effet carbonique et le côté caramel, je n’ai jamais bien compris ce que cette boisson apportait comme plaisir. Qu’au tout début, l’image américaine, comme pour la Marlboro, ait joué un rôle important dans le succès de Coca, j’en conviens mais depuis, hormis le matraquage publicitaire, la demande des enfants, que cherchent-ils ? Leur adolescence… leur jeunesse engloutie… le goût de rien…
Alors je comprends mieux que les blogueurs et gueuses de mode ou sponsorisés par la marque déversent leurs superlatifs se pâment : « Les tant attendues bouteilles Coca-Cola créées par Jean-Paul Gaultier plairont à toutes les fashionistas tant elles sont originales et réussies. C’est un nouveau coup de maître pour ce créateur de génie qui transforme un objet de consommation courante en une œuvre d’art ! » Rien que ça pour les silhouettes fétiches : « corset noir (night), marinière (day) ou tatouages rebelles (tattoo). Et les petits chroniqueurs, à la solde de la marque, de roucouler en déroulant le tapis rouge à Jean-Paul Gaultier. « Il apparaît aussi dans une campagne publicitaire fantasque et dans la série de courts-métrages humoristiques - The Serial Designer Series - où il relooke trois marionnettes en mal d’inspiration mode. Tour à tour malicieux journaliste à la chevelure extravagante, énigmatique psychologue en sous-pull rayé ou créateur un peu vicieux, le couturier nous livre avec humour ses multiples facettes et fait parler sa fantaisie. »
Que les jeunes cons ne viennent pas me traiter de vieux con parce que j’égratigne Jean-Paul Gaultier. Avec cette campagne nous sommes dans l’univers si juteux des produits dérivés alors il faut en accepter le coût : celui d’un certain discrédit. C’est la vie. Je ne le juge pas mais me contente de le mettre à sa juste place : vendeur de Coca light. J’aime la mode. J’aime la création. J’aime Jean-Paul Gaultier couturier même si la marinière que je porte sur la photo n’est pas la sienne mais celle officielle de la Marine Nationale (pas la fille de son père bien sûr).