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8 février 2012 3 08 /02 /février /2012 00:09

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« Je m'voyais déjà en haut de l'affiche

En dix fois plus gros que n'importe qui mon nom s'étalait

Je m'voyais déjà adulé et riche… » chante Charles Aznavour

 

Aimons-nous vraiment le succès, nous, les Français ? Dans certains domaines, oui, le sport par exemple car ça flatte notre fierté nationale mais lorsqu’il s’agit d’entreprises, d’entrepreneurs, ces drôles de petites bêtes qui gagnent de  l’argent une certaine réserve s’installe quand ce n’est pas de l’hostilité. Dans le monde du vin on aime rien tant que les petits, on adore que David défie Goliath, on se méfie des mercantis. Lorsque Sophie m’a proposé d’ouvrir une nouvelle rubrique consacrée à des success stories du vin, j’ai de suite dit oui. J’aime les bâtisseurs, ceux qui relèvent des défis, petits ou grands, ceux qui vont de l’avant, font, précèdent. Avoir l’ambition de sortir des sentiers battus, de mettre en œuvre sa vision des choses, avec une équipe partageant les mêmes valeurs, me plaît. Je laisse la plume à Sophie… 16744_1248312404614_1133553836_777687_5769906_n.jpg

D’un récent séjour bien trop court en Bourgogne, je garderai une émotion lumineuse : celle d’une pureté, d’une droiture fière et d’un ciselé sans pareil. Vous me direz que c’est chose commune sur les flancs de cette côte qui se pare d’or en Automne.  Les plus grands sont là. Inaccessibles et rares. Mais, là n’est pas mon propos. Cette belle et simple émotion m’a donné l’envie d’ouvrir une nouvelle rubrique sur le blog de Jacques Berthomeau : celle d’une « wine success story ». Cela serait l’histoire de domaines qui infléchissent leur destin, trouvent de nouveaux modèles. Des histoires d’entreprises viticoles qui ne s’accommodent pas des dichotomies usuelles parfois rassurantes : le vigneron sincère et le négociant mercantile, l’artisan authentique et la cave industrielle, les vins de terroir et les vins marketing…  j’aimerais pouvoir parler à leur propos d’une ambition, d’une vision et d’une stratégie. Ne serait-ce pas tout simplement les clés du succès que j’aimerais tenter de mettre en évidence dans une aventure viticole française qui mêle tout à la fois : management, écologie, passion, communication, marketing, technique…

 

Revenons en Bourgogne sur la Côte d’Or, ou plus exactement à Corton, mais en faisant un crochet dans l’espace et le temps, à Paris dans le 8ème arrondissement des années 70. D’un lieu festif et gastronomique des plus courus de la capitale, qui porte l’étrange et légendaire nom de Rôtisserie de la Reine Pédauque, les vins de Pierre-André Corton deviennent l’étendard. Une offre simple, pertinente et inventive ciblée sur le concept d’un magnum dans chaque couleur ; une invitation à la fête et à l’abondance : autant de promesses qui répondaient parfaitement aux attentes d’un marché dont la problématique était de gérer la croissance continue, la soif de vivre intensément une époque exubérante et confiante. De cette opportunité de marché, la société Pierre-André Corton ancre son métier sur celui  de l’assemblage de vins et de l’élaboration de cuvées que nous qualifierions aujourd’hui de premium avec des prix autour de 5€. Et si la Bourgogne demeurait le cœur de l’offre, le négociant développait des gammes de Beaujolais, de Côtes du Rhône mais aussi de Champagne et d’apéritifs à base de vin qui s’exportaient en Europe dans les circuits traditionnels.

 

La prospérité de l’entreprise s’éroda progressivement : évolution des modes de consommation, demande en berne, accroissement de la concurrence. La diversification de la gamme de vins ne suffisait pas à compenser la faiblesse de certaines appellations et la maison Corton vit sa crédibilité décliner sur un critère de qualité de plus en plus exigeant. Pourtant, elle possédait un atout exceptionnel que le groupe Ballande&Meneret perçut sans mal lors de son rachat en 2002 : son ancrage géographique. Le château André-Corton, dont l’architecture flamande 19ème alliant sans ostentation charme et harmonie, veille sur la colline de Corton et recèle 4 hectares et demi de vignes en Grand cru de Corton Charlemagne et un grand cru rouge de Corton. L’écrin est là, le mythe est en sommeil. L’évidence s’impose : celle de la renaissance d’un terroir, du retour aux fondamentaux d’un lieu immuable et unique.

 

L’histoire est ironique : c’est une entreprise bordelaise qui va réveiller la belle bourguignonne mais elle y met un familier de ces coteaux à son chevet, Benoît Goujon. Celui-ci va alors entreprendre, avec constance, cohérence, et non sans panache la montée en gamme de l’entreprise sur l’élaboration de vins modernes et accessibles capables d’incarner la grandeur des terroirs bourguignons. Sur un segment de prix deux fois plus élevé, il s’agit en 10 années de conquérir une nouvelle clientèle : celle qui a remplacé le consommateur «traditionnel», celle qui attend du vin un plaisir d’esthète et une part de rêve. Le travail se fait d’abord dans les vignes et dans les chais avec deux objectifs majeurs : l’établissement d’une proximité technique permanente avec les vignerons fournisseurs, la remise en question des systématismes en vinification et en élevage. Ces deux objectifs seront bien entendu soutenus par un plan d’investissement sur les dix années écoulées notamment pour la création d’un chai moderne et rationnalisé. Une politique d'image bien pensée, du site internet au packaging, parachève le tout et rétablit la part de rêve perdu.

 

Je m'attarderai un instant sur la vinification et retiendrai la décision de considérer la fermentation malolactique non plus comme un principe établi mais comme un facteur voulu, ou au contraire évité, celle de ne pas appliquer une norme dans la durée d’élevage (certains 2011 seront mis en bouteille avant les 2010) et d’avoir une seule règle à toutes les étapes : « celle de ne pas avoir de règles ». Au-delà d’une répétition de savoir-faire acquis, cette philosophie poursuit une quête permanente de la décision technique et du geste œnologique les plus adéquats à l’expression des qualités du raisin et à la finalité exprimée par Benoît Goujon « enfermer le fruit ».

 

Et cela se déguste dans les vins : Savigny, Saint-Romain, Meursault ou Monthelie se déclinent tous sur un fond de délicate élégance et de belle tension, qui laissent pleinement s’épanouir les particularités de chaque climat. Le domaine André-Corton a retrouvé son éclat. Et depuis le monde onirique de la Reine Pédauque (la reine au pied d’oie) conté par Anatole France et qui fût le berceau des succès d’André Corton, c’est une nouvelle légende qui s’ouvre. Parions enfin que l’attention bienveillante et compétente d’une œnologue maître de chai du nom de Ludivine n’est pas totalement étrangère à l’indicible magie de ces vins. Tous les ingrédients sont réunis et le secret ne résiderait-il pas dans cet aphorisme de Le Corbusier : « Etre moderne, ce n’est pas une tendance. Ce n’est pas un état. Il faut comprendre l’histoire car celui qui comprend l’histoire sait établir une continuité entre ce qui a été, ce qui est et ce qui sera. ». 

 

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