Mon collègue et ami des 5 du Vin, Michel Smith, se désole ce matin dans sa chronique Le vin n’est qu’un perpétuel grand marronnier : « Si, si, je vous le jure ! En trente ans, qu’est-ce qui a vraiment changé dans le discours sur le vin ? C’est bien simple, pas grand-chose et je me le disais l’autre jour en lisant l’article d’un confrère, je ne sais plus lequel et de toute façon cela n’a que peu d’importance, qui se lamentait sur l’excès de bois que la dégustation d’un Bordeaux, je crois, faisait ressortir. Et c’est alors qu’après une de ces siestes au cours desquelles il m’arrive de réfléchir, je me suis dit que mille milliards de mille sabords, mais je tenais peu ou prou les mêmes propos il y a 30 ans sur tous ces «super pinards» boisés que l’on voyait fleurir et qu’on nous infligeait sous le nez. Conséquence : hormis la croisade des vins « nature », les discours n’ont guère évolués et les sujets non plus, soit-dit en passant. Il n’y a qu’à lire les blogs du vin pour s’en rendre compte… » link
Qu’est-ce donc que ce marronnier qui n’est pas de l’Altenburg – minute culturelle faisant référence à un opus méconnu d’André Malraux Les noyers de l’Altenburg – ?
Un expert répond : « À l’origine, le marronnier, expression du jargon journalistique fait référence à un marronnier qui fleurissait chaque année sur la tombe des Gardes-Suisses morts à Paris en 1792.
Vraisemblablement, c’est au premier jour de printemps qu’un article paraissait dans la presse pour commémorer cet évènement. Depuis lors, cette pratique est devenue un véritable outil au service de l’organisation éditoriale »
Il ne faut être sorti de Polytechnique pour constater que les marronniers journalistiques poussent aujourd'hui en massif quasiment forestier « Recopier la liste des 160 derniers titres de couvertures de L'Express, Le Nouvel Observateur, et Le Point -- soit 480 manchettes --, a confirmé la perception qu'on en avait a priori: le vocabulaire, la structure des phrases et des questions sont toujours les mêmes. Tout est «caché», tout est «livre noir», tout est «secret». Il y a toujours «Ceux qui», au choix, «ruinent la France», «profitent», «fraudent» ou «massacrent l'école». Les newsmags, dans leurs manchettes, nous promettent toujours de révéler «la vérité», ou de nous montrer «les coulisses».
Le même traitement existe pour la presse quotidienne, la radio et la télé : tout le monde aborde les mêmes sujets en même temps, avec un ordre des facteurs différents en fonction de la ligne éditoriale, c’est panurgisme à tous les étages.
Et sur la Toile alors, ses blogs, ses réseaux sociaux de Face de Bouc à Twitter, qu’en est-il ?
Comme pour les radios dites libre, nées en 1981 par l’ouverture de la bande FM, au foisonnement, au débridé, au n’importe quoi, à la spontanéité, succède une mise aux normes. Les illusions des origines s’envolent, telles des feuilles mortes de l’automne, pour laisser la place à des réalités plus triviales : écrire c’est bien mais encore faut-il être lu alors chacun s’en remet aux bonnes vieilles recettes des anciens : flatter son lectorat, le brosser dans le sens du poil, étriller ceux qu’il ne peut pas piffer, lui écrire ce qu’il a envie de lire. On n’attrape pas les mouches avec du vinaigre mais plutôt avec du miel.
Bien évidemment le monde des médias du vin, déjà fort étroit et très nombriliste, n’échappe pas à cette dérive, il tourne en rond avec une suffisance et une constance remarquables. Les blogs qui se voulaient une bouffée d’oxygène eux aussi font, pour la plupart, lorsqu’ils ont survécus à la crise de l’adolescence, laborieusement dans le marronnier.
Contrairement à ce que conclut Michel, ce n’est ni le vin, ni ceux qui le font, qui sont en cause – même si les vignerons de tout acabit, les négociants, les coopés, ne brillent pas forcément dans leur approche de la communication et de l’information – mais la capacité des écrivains du vin d’ouvrir leur focale, de s’adresser à des lecteurs qui ne sont pas que du monde du vin, de les intéresser, de les hameçonner, de traduire en des histoires, des reportages, des rencontres le bien-vivre des gens du vin, la convivialité, le partage. Se mettre dans leur peau, cesser d’imaginer qu’ils sont tous fous de vin, qu’en dehors du vin il n’y a rien.
Depuis l’origine de ce blog je psalmodie la même antienne : ouvrez vos portes et vos fenêtres, osez, tentez, renouvelez vos manières d’aborder vos sujets, déconnez, soyez léger ou sérieux ou les deux à la fois, pour cela travaillez, soyez attentifs à l’air du temps, prenez des risques en abordant les sujets qui fâchent, persévérez au lieu de papillonner ou de butiner chez le voisin. Tout est possible sur l’espace de liberté qu’est le Net alors ne vous restreignez pas, ôtez vos barrières intérieures. Que risquez-vous ? Rien ! En effet, pour la plupart d’entre vous ce n’est pas votre gagne-pain.
Moi, qui suis en fin de cycle, ma seule ambition est de monter sur mon nouveau Tandem et d’avancer, en pédalant de concert, sur des terres nouvelles en prenant en priorité les chemins de traverse, les voies vicinales ou les routes départementales car sur les autoroutes les vélos n’ont pas droit de cité.
Si nous passons près de chez vous faites-nous signe nous partagerons avec vous le pain et le sel, boirons de bons coups et plus si affinités…
À bientôt sur mes lignes et sur les vôtres j’espère…
Jean-Marie Faivre 25/04/2014 17:43
patrick axelroud 25/04/2014 12:28
poulailler song 24/04/2014 15:23