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29 décembre 2009 2 29 /12 /décembre /2009 00:00

Hier j’évoquais, à propos de la taille de la vigne, l’emploi viticole, les travailleurs de la vigne et tout naturellement, pour nos chères têtes blondes ou brunes ou rousses, ou tous ceux d’entre nous qui véhiculent une vision idyllique du travail à l’ancienne, je fais ce matin un grand zoom arrière grâce à une lecture récente d’un ouvrage « Foires et marchés d’Occitanie de l’antiquité à l’an 2000 » de Pierre-Albert Clément » Les Presses du Languedoc.

«Les loues, logues ou loyes en occitan, ont longtemps représenté le maillon essentiel du processus d’engagement des ouvriers. En des siècles où l’on ne connaissait ni les annonces classées, ni l’ANPE, ni Manpower, les possibilités de rencontre entre l’offre et la demande de main-d’œuvre se limitaient à un contact physique. Hommes et femmes à la recherche d’un travail s’alignaient, à des dates bien précises et à un endroit bien précis, pour recevoir les propositions des donneurs d’emploi. Ce système de recrutement d’apparentait aux marchés aux esclaves de l’Antiquité, à la différence que les esclaves n’intervenaient pas dans la transaction.

Les loues pouvaient se dérouler soit à l’occasion d’un marché, soit à l’occasion d’une foire, mais le plus souvent elles possédaient leur propre autonomie. Le dimanche paraît avoir été la journée la plus propice, car les saisonniers pouvaient plus facilement être présents [...]

À Limoux, une loue se tenait sur la place du marché, tous les dimanches d’août au matin ; elle paraît liée à l’embauche de vendangeurs ou de vendangeuses. »

« Les us et pratiques des loues des Aires-en-Cévennes au milieu du XVIIIe siècle nous sont révélés dans le détail par le livre de raison de Joseph Espagnac. Ce riche exploitant vivait à l’Elzière dans la paroisse de Saint-Hilaire-de-Lavit. Son mas était situé à 1500 mètres à vol d’oiseau du lieu où se tenait l’embauche. Le hameau des Aires a toujours été connu comme une des étapes majeures de la grande draille de Jalcreste que suivaient les troupeaux du littoral languedocien estivant en Margeride. Ce chemin millénaire canalisait également les migrations de travailleurs saisonniers et il est possible que les premières loues soient nées spontanément à l’occasion du flux de retour, à l’époque où les gens de la montagne revenaient des vendanges au bas pays [...]

« En extrapolant les informations relevées dans le livre de raison, on peut déduire que le choix des ouvriers ou des ouvrières s’effectuait sur des critères subjectifs, comme la bonne mine ou l’allure robuste de l’individu. Il était hors de question de vérifier les maigres renseignements qu’il communiquait sur sa personne et de s’enquérir sur ses aptitudes chez ses précédents employeurs. De toute façon, si l’on se trompait à l’embauche, le cas était vite réglé. Ainsi, Pierre Chabrol, de Rampon, pris comme berger le 13 octobre 1765, s’en va le mois suivant « n’ayant pas su garder ». [...] Pour donner un ordre d’idée sur les salaires, signalons que Joseph Espagnac paye un faucheur 12 sols par jour (6 euros) et le ramassage des châtaignes 4 sols par jour (2 euros). À titre de comparaison, il débourse 8 sols par tête (4 euros) quand il invite un ami à dîner aux Aires, à la fameuse auberge Deleuze qui est restée ouverte jusqu’en 1950. »

La loue des Aires du 4ième dimanche d’octobre était surnommée « la loue des ivrognes » car on y rencontrait davantage de fêtards que de demandeurs d’emplois.

La 5ième loue dominicale, la « loue des femmes grosses », non qu’elle fut réservée aux servantes en voie de famille, mais parce que, étant donné la faible affluence, les Cévenoles enceintes pouvaient aller et venir sans risquer d’être bousculées dans la cohue. » (Au dire de Denise Bruguière, une centenaire rencontrée au début des années 80 par Patrick Cabanel.)

Certains vont me reprocher d’évoquer des temps lointains et enfouis, il n’empêche que dans mes souvenirs de petit vendéen du bocage se gager à la Saint-Michel (29 septembre) ne relevait pas d’une pratique disparue mais d’une réalité bien concrète qui se traduisait par la disparition de quelques camarades des bancs de l’école «Il sera bien plus utile à la ferme» disait le père, ou «une bouche de moins à nourrir ». J'en ai connu qui couchait dans un réduit attenant à la grange. Idem pour certaines filles qui se gageaient pour devenir bonnes ou domestiques chez les bourgeois ou les commerçants du bourg ou des villes.Peu montaient àParis. Sur un sujet proche, mais dans un temps un peu plus lointain, si ça vous intéresse vous pouvez lire une chronique publiée en mai 2008 : « le travail des enfants » http://www.berthomeau.com/article-19268935.html

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