Dans ma Vendée crottée, au temps de mes culottes courtes où je gardais les vaches du pépé Louis dans les pâtis qui bordaient le chemin de la Garandelière, de paisibles normandes aux yeux tendres, je me souviens que certaines filles du bourg, des pimbêches, traitaient les gars des fermes de bouseux. Mon activité purement bucolique ne m’incluait pas à leurs yeux dans cette appellation qu’elles voulaient méprisante car j’étais un gars du bourg mais, si ça avait été le cas, ça ne m’aurait pas vexé vu que ça venait de la bouche de filles que je n’aurais jamais invité à danser (je n’allais pas encore au bal vu mon jeune âge mais il m’arrivait de m’y glisser pour voir les grands frotter).
Comme j’ai l’esprit de l’escalier alors que je rentrais hier d’une dégustation au Paul Bert, organisée par l’une des égéries des vins nus, dit natures, Solenne Jouan, et qu’en ce moment au musée de la Poste il y a une exposition, du 27 mai au 28 septembre 2013, de Chaissac - Dubuffet, entre plume et pinceau link je me suis souvenu que, dans mon petit jardin d’intérieur, l’Hippobosque du bocage, dans sa cabane aux épluchures, avait remisé un texte qui irait aux petits oignons aux vins nus. Me restait plus, en dépit du désordre qui règne toujours dans ce type de lieu, qu’à le retrouver. Pas simple mais rien ne peut arrêter votre Taulier lorsqu’il s’est foutu quelque chose en tête. Et, bien sûr, j’ai retrouvé, il s’agit d’une lettre à l’abbé Pierre Renou daté du 3 octobre 1962.
Lisez-là attentivement, prenez le temps et, pour faire plaisir à Luc Charlier, commentez !
« Mon mode d’expression en peinture, qui n’a rien à voir avec quelque chose d’épuré, de correct, est assez comparable à un dialecte et même au patois avec lequel on peut s’exprimer et qui peut même être particulièrement savoureux. Parmi ceux qui le goûtent il y a certes des bouseux sensibles à mon art et des gens d’un savoir infiniment plus étendu à qui il reste fermé. Moi-même je me suis assez analysé pour savoir que je ne suis pas autre chose qu’un bouseux. Il m’arrive même de dire très sincèrement à des campagnards : « De nous deux c’est moi le bouseux. » Il y a d’ailleurs dans mes dessins du temps où j’en savais encore moins qu’aujourd’hui des choses parfaitement valables. Certains ont même dit avec conviction que l’ignorance ne s’apprend pas. […]
P ;-S. – Mais vous ne conduirez pas les gens à goûter ma peinture sans éducation artistique. Et vous ne ferez pas leur éducation artistique en leur présentant ma peinture d’abord. Pour me faire des partisans je ne peux pas me passer de Saint-Sulpice. »