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8 mai 2013 3 08 /05 /mai /2013 11:18

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Rien ne m’énerve plus que le spectacle 100 fois rejoué, surjoué, de la classique partie de ping-pong entre les chevaliers à la triste figure, en blouses blanches : ça pause, prohibitionnistes masqués, hygiénistes de pacotille, adeptes de la communication-provocation et les offusqués, les gens du vin d’abord, ceux qui le font qui se sentent agressés, ce que je comprends bien sûr, c’est leur vie et le double langage de la célébration économique et de la stigmatisation leur est insupportable ; mais dans ce groupe se nichent aussi les méprisants, les esthètes, les grands amateurs qui au nom du boire moins mais boire mieux tout en regrettant la baisse de la consommation, voudrait nous faire accroire que l’on boit du vin uniquement pour son goût.


Je signe des deux mains ce qu’écrit Jean-Pierre Poulain Professeur de sociologie à l’université Toulouse-II-Mirail auteur du Dictionnaire des cultures alimentaires. « J’ai proposé l’expression, « la dérive «gustronomique» pour rendre compte d’un phénomène qui a déjà eu lieu dans le vin et qui est en train de se produire dans la gastronomie. C’est un phénomène de réduction de l’expérience alimentaire à sa dimension gustative. Or, l’expérience gastronomique, c’est beaucoup plus que le goût. C’est aussi l’échange, la convivialité, le plaisir et elle se prolonge des heures durant après le repas. Vous voulez apprendre à déguster le vin ? En trois heures, je vous apprends 200 mots pour briller dans les salons. Mais, le vin, c’est bien autre chose. Il y a toute la dimension festive, et surtout le vin, c’est aussi de l’alcool. La nourriture et le vin modifient les états de conscience et changent les relations entre les individus ; c’est cela la gastronomie. On a la chance d’avoir une culture de l’ivresse. Personne ne peut croire que l’on boit le vin uniquement pour son goût. C’est la grande usurpation de la fin du XXe siècle. »link

 

Le vin ne doit donc ni être stigmatisé, ni victimisé. Il tient sa place, rien que sa place et depuis ces dernières années il a changé de place. « La bière reste la boisson la plus consommée par les jeunes hommes de 18 à 25 ans (39,3%), suivie des alcools forts (29,5%), du vin (22,4%) et des autres alcools (9%). Chez les jeunes femmes, le vin est la boisson la plus courante (14,3%) devant les alcools forts (11,1%), la bière n'arrivant qu'en troisième position. » Affronter la réalité des évolutions sociétales vaut mieux que de brasser des phantasmes ou des représentations idéales. Les batailles de chiffonniers, cette façon d’engager l’analyse sur des présupposés, des vieilles lunes ne mène qu’aux invectives, à l’immobilisme, aux batailles de chiffres, dont la plus sinistre le nombre de morts, à des conclusions qui ne permettent pas de faire régresser le fléau qu’est l’alcoolisme. Le débat, si je puis m’exprimer ainsi, vient de rebondir avec la publication mardi 7 mai par le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH). L'alcool est, selon l'étude, la « substance psychoactive la plus précocement expérimentée à l'adolescence » « Un collégien français sur six et trois lycéens sur cinq reconnaissent avoir déjà été ivres. Effectuée à partir de données fournies par deux enquêtes scolaires internationales, l'étude montre que les comportements d'alcoolisation effective, comme les ivresses, augmentent rapidement pendant les années de collège et de lycée : alors que 7% des élèves de 6e admettent avoir déjà été ivres, le taux atteint 69% en terminale. link et link

 

Se référer à l’alcool est sans contestation possible le facteur commun des boissons alcoolisées, dont le vin fait partie, et c'est scientifiquement correct mais l’étude des comportements, de leur évolution, tout particulièrement chez les jeunes, doit être menée avec beaucoup plus de finesse et d’à-propos. La manipulation, l’honnête comme la malhonnête, de statistiques globales (1) n’apporte que des indicateurs, elles mettent tout le monde dans le même panier, sans nuance, et surtout elles sont incapables de traduire la vie que l’on vit. Lire « le vin est un produit plaisir créateur de sociabilité » de Jean-Pierre Corbeau, sociologue :link Vouloir faire le bonheur des gens en leur lieu et place, la « maximisation du bonheur » chère aux philosophes utilitaristes conduit par Jeremy Bentham au XVIIIe siècle, encadrer par des règles précises ce qui relève du plaisir ou de la douleur dans notre activité humaine, étrange calcul du « bonheur et des peines », part d’un bon sentiment mais conduit tout droit à l’édiction de règles autoritaires qui détruisent le libre-arbitre, étouffent la responsabilité individuelle. Seul l’expert détermine ce qui est bon pour nous. Lire ce qu’écrit Jacques Dupont dans son dernier opus « Invignez-vous » page 52 et suivantes. Je pondrai une chronique sur ce livre d’un honnête homme au sens du XVIIe siècle…  

 

La réalité, la vie que l’on vit, n’est pas un décor de théâtre, ni un espace froid de laboratoire avec des cobayes, comme le fait justement remarquer le professeur Xavier Pommereau, pédopsychiatre au CHU de Bordeaux, qui estime que « les jeunes ne vont sans doute pas réduire leur consommation d'alcool dans cette morosité ambiante. « Il faut arrêter de délivrer aux enfants systématiquement un discours négatif, de leur dire que la planète est foutue, que la crise économique les attend, tout en leur mettant la pression à l'école », remarquait le médecin sur 20minutes.fr, en 2011. Et d'ajouter : « C'est ce qui explique qu'en fin de semaine, ils veuillent se lâcher. »


J’ai suffisamment écrit, ferraillé, à ce sujet sur mon espace de liberté pour en tenir une comptabilité : l’ANPAA, Sandrine Blanchard du MONDE et le premier verre, la stratégie du Pr Got, le combat du Dr Ameisen… mais je ne puis laisser passer ce goût jamais rassasié pour les affrontements bloc contre bloc, entre-soi, qui tournent toujours à l’avantage des hygiénistes car, que ça nous plaise ou non, la majorité de l’opinion publique leur prête une oreille attentive et apeurée. Tant que les gens du vin ne mèneront pas d’une manière décomplexée, en s’appuyant sur la bonne image qu’a reconquise le vin ces dix dernières années, sans tomber dans l’esthétisme des grands amateurs ou le mépris de la consommation populaire, la « bataille » de l’art de vivre, du mieux vivre, de la culture du lien social où le vin a sa place, dans une société française inquiète, pessimiste qui cultive le bonheur à domicile en faisant des enfants, la cuisine et les petites bouffes avec vin compris, nous nous tirerons des balles dans le pied sans pour autant faire régresser l’alcoolisme. C’est navrant. Ça me navre. Mais qui puis-je ? Écrire une énième chronique sur le sujet.

 

Hier, j'étais à Clermont-Ferrand, l'un de mes interlocuteurs connaissant mes affinités pour le vin m'a convié à déjeuner chez un caviste restaurateur. Nous avons beaucoup parlé de lait bien sûr mais à la fin du repas ce père de famille, 3 enfants, m'a fait part de son désarroi face à la fin de semaine des jeunes. C'est un vrai sujet de préoccupation, alors il nous faut nous en préoccuper comme des adultes responsables et non comme des militants d'une quelconque cause...


(1)    Jacques Dupont Le POINT Lobbies et statistique « La France serait donc un repaire d’alcooliques qui s’ignorent. Du moins si l’on en croit la dernière publication signé Catherine Hill et de quatre autres spécialistes dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) de l'Institut de veille sanitaire. On peut tout de même s’étonner du contenu, de la méthode d’analyse et des conclusions de ce rapport. Interrogée par le journal Le Monde au sujet du nombre de décès provoqués par l’alcool : 28000 lors « d’une précédente enquête » et 49000 aujourd’hui, voici ce que répond Catherine Hill : « Nous avons multiplié la consommation déclarée par 2,4 pour l'ajuster à la consommation estimée par les ventes. » A partir de quelles base scientifique ce coefficient de 2,4 et quel rapport avec le nombre de morts. Faut-il en conclure qu’en appliquant un coefficient multiplicateur à la « consommation déclarée » on a aussi bricolé le nombre de décès avec un coefficient « en rapport » avec les ventes ? Rappelons tout de même que tout ce qui est acheté en France ne l’est pas forcément par des français et encore moins consommé par eux. La France accueille chaque année 90 millions de touristes qui ne boivent pas que de la grenadine et ne viennent pas chez nous uniquement pour s’intéresser à la vitesse de la marée au Mont-Saint-Michel… Si en France, les lobbies médicaux qui voudraient nous « faire vivre dans un jardin d’enfants » comme le disait Gérard Oberlé, méprisent la gastronomie et le vin, ceux qui nous visitent le font la plupart du temps pour découvrir ce qu’on appelait autrefois « l’art de vivre » à la française. La même Catherine Hill, dénombrait en 1995 45000 morts dus à l’alcool, soit 4000 de moins qu’aujourd’hui. Cela prouve déjà la nullité des pratiques dictées par les lobbies hygiénistes et médicaux, la fameuse loi Evin, appliquées depuis 1993. Cette loi, qui comme les auteurs de ce rapport, met dans le même sac les alcools industriels, le vin qui relève d’une toute autre approche culturelle et historique et le tabac… Le professeur Robert Proctor, historien des sciences à l’Université de Stanford, auteur du best-seller « Golden Holocaust», relevait que seuls 3 % des buveurs d’alcool sont dépendants alors que 80 à 90 % des fumeurs sont addicts. Si les chiffres de madame Hill sont vrais, et que l’alcoolisme progresse, alors il convient très vite de remettre le vin à l’honneur en France. Sa consommation s’est divisée par trois depuis 50 ans sur le sol national, tandis que depuis 2007, les ventes de vodka et de bourbon ont connu une progression de 47%. Cela signifie que comme le souligne nombre d’experts étrangers, le vin de par l’éducation qui doit accompagner sa découverte, constitue un excellent rempart contre les conduites à risques. »


(2)    LA SANTÉ EN CHIFFRES ALCOOL Comité français d’éducation pour la santé link

 

CONCLUSION : « La diminution de la consommation d’alcool depuis une trentaine d’années est le signe de l’évolution des  modes de consommation des Français. Comme le soulignent différentes études, on assiste à une diminution sensible de la consommation quotidienne au profit d’une consommation au cours des week-ends. Les disparités entre sexes restent élevées : boire régulièrement ou en quantité demeure un comportement beaucoup plus fréquent chez les hommes.

En dépit de cette baisse générale de la consommation, l’alcool reste l’un des déterminants majeurs de maladies et de morts potentiellement évitables, et des inégalités sociales face à la santé. La consommation excessive d’alcool est impliquée dans la survenue de 16 000 cancers par an, de 10 000 décès par traumatismes (accidents, suicides, homicides), de 10000 maladies gastro-intestinales (y compris cirrhose), de 10 000 décès liés à des maladies mentales et cardiovasculaires. Elle est également une cause importante d’accidents, en particulier de la route, et de diverses violences.

Face à la communication puissante des alcooliers, les efforts des politiques publiques doivent être poursuivis et amplifiés :

- en renforçant l’application de la réglementation;

- en développant encore davantage l’information du public

Les programmes d’éducation pour la santé des années à venir devront aussi :

- aider ceux qui ne boivent pas ou qui boivent peu à faire respecter leur choix;

- aider la population à quantifier la modération (développer la notion de seuil de consommation à moindre risque) et accompagner cette information d’une argumentation précise fondée sur des éléments scientifiques indiscutables : seuils de toxicité, niveau de risque, etc.;

- aider les consommateurs à risque à diminuer leur consommation.

L’ensemble de ce programme passe par des actions de communication publique et d’information, mais aussi par des actions de proximité et une implication renforcée de tous les acteurs de santé : personnels éducatifs et sociaux, animateurs spécialisés, personnels des associations, professionnels de santé et structures spécialisées. La cohérence et la synergie des actions de prévention sont nécessaires.

Un travail d’amélioration des indicateurs de suivi de la consommation d’alcool par la population, de la morbidité et de la mortalité liées à l’alcool est en cours. Un travail pluri-institutionnel de tous les producteurs de données est nécessaire. »

 

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commentaires

J
<br /> bravo Jacques!<br />
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J
<br /> Les chiffres de la conso par un coef de 2,4 ? Quelle conso ? Les achats déclarés par Mme dans le panel Kantar ? Il manque la restauration et une grande part des achats de Mr, notamment ceux fait<br /> "au caveau". Les achats en GD d'IR (des Français et des Touristes étrangers) ? Il manque là encore la restauration, les caveaux, les cavistes, même si les sorties de caisses sont par<br /> définition juste. Les sorties de chais moins les exportations ? Les simplifications  de déclaration, principalement en volume, conduisent à minorer les exportations. 2,4 ? N'importe quoi !!!<br />
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