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7 août 2012 2 07 /08 /août /2012 00:09

Nulle provocation dans ce titre un simple constat qui ne jette en rien le discrédit sur les vignerons qui ont choisi, depuis fort longtemps pour certains, contre vents et marées pour beaucoup, cette voie. Bien au contraire, mon ironie vise essentiellement ceux qui, dans notre Union Européenne, n’ont de cesse de définir, de normer, de mettre dans ces cases carrées ou rectangulaires des processus, des pratiques, qui n’ont eu nul besoin d’eux pour s’épanouir, exister. C’est leur pain quotidien aux fonctionnaires européens, ils n’existent que par cette prolifération règlementaire.

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Le seul problème pour eux c’est que leur petite prose résulte toujours d’un compromis politique lié à un tour de table qui rassemble 27 pays et où il faut assembler des majorités pour transcrire en Règlement les projets des Directions au service de la Commission. Je passe sans insister lourdement sur le poids des lobbies sur tout ce petite monde assemblé en une nouvelle Tour de Babel pour mieux souligner le caractère boiteux, inachevé de définitions, qui se voudraient universelles mais qui ne sont que trop souvent des PPCM, plus petit dénominateur commun. Pour autant je n’ai rien contre la démarche, bien au contraire, mais je la resitue à son juste niveau celui d’un label européen qui se veut concurrent des « organic » du Nouveau Monde ou d’ailleurs. Franchement ça n’a rien d’une Révolution ça ressemble plus à un accouchement dans la douleur d’un bébé pas très bien formé.


L’entrée en vigueur d’un Règlement définissant le « Vin biologique » lui donne une existence officielle : la mention «Vin biologique», assortie du logo européen vert sur fond blanc, supplante celle indiquant «Vin issu de raisins de l’agriculture biologique». Pour le consommateur ce n’est pas un changement sémantique puisque la grande majorité d’entre eux ignoraient la nuance. « Désormais, pour obtenir le label bio, un vigneron devra non seulement utiliser du raisin bio, mais aussi - et là réside le principal bouleversement - des techniques de vinification certifiées bio. Si le producteur ne les respecte pas, il devra retirer l’actuelle mention «AB» (agriculture biologique) de ses bouteilles, et ne pourra afficher le label «Vin biologique» sur les futures cuvées. »


Au risque de cultiver le paradoxe je trouve que les gros sabots européens vont permettre de cliver plus encore le marché de cette catégorie de vins. En clair, puisque les gros faiseurs vont s’engouffrer dans la brèche, ça va faire progresser le vin bio par rapport au vin dit conventionnel et lui faire occuper plus de place en GD. En revanche, les vignerons bios des origines, attachés à des pratiques, dans la vigne comme au chai, bien moins interventionnistes et exogènes, et qui vendent dans des circuits courts ou traditionnels bénéficieront à terme de ce repyramidage. Ceci, à une seule condition, qu’ils puissent mettre en avant leur spécificité, leur différence, par une approche commune expurgée des éternelles batailles de chapelles.


Pour moi, contrairement à ce que pensent les rédacteurs de la revue « le Rouge et le Blanc » ce règlement va servir de révélateur, obliger les soi-disant maîtres du jeu de l’INAO à sortir de leur petite bistrouille de défenseurs des droits acquis. Que le bio soit un nouveau créneau du marché ça n’est pas le fait du nouveau règlement mais un fait de société. Que les consommateurs de vin ne soient pas tous au niveau de connaissance de nos amis du Rouge et le Blanc est un constat que nul ne peut nier. Que ce « bio de masse » qui est, selon eux peu respectueux du caractère « vivant du vin », n’aura que peu d’effet sur les amateurs de vins de haute expression, de terroir, vivants, « naturels »… car par construction ils ne sont pas sensibles aux sirènes et aux prix de la grosse cavalerie fusse-t-elle bio. 


Dans cette affaire les débats franco-français entre les différentes chapelles de vignerons, à propos du soufre tout particulièrement, est pour moi sans grand fondement. Dans le mesure où le consommateur est clairement informé, et il l’est dans le cas des sans soufre qui font de cette absence le point de passage obligé des vins dit naturels, je ne vois pas où est le problème.  Pour moi, comme je l’ai écrit dans une récente chronique « nous sommes très au-delà d’une banale opposition de goût qui se résumerait par tous les goûts sont dans la nature donc laissons à chacun son échelle de sensations. Pour moi c’est un schisme qui menace les fondements de la conception traditionnelle du vin, un mouvement qui s’apparente à la Réforme, à une forme de rejet radical sur la base du refus de dérives, de facilités de la période passée, d’une recherche de pureté originelle, de retour à la simplicité des pères fondateurs. »


En clair, les puristes bios rejettent dans les ténèbres extérieures, comme ils le faisaient pour ceux pratiquant une viticulture dite raisonnée, ces « nouveaux bios » qui n’appliqueront pas dans toute leur rigueur, leur rectitude morale, les règles du « vrai bio ». À quoi bon suis-je tenté de dire ? Les excommunications ne font que figer les radicalités et ne font pas progresser leur cause. Même que, si par un coup de baguette magique, leurs vœux les plus chers étaient exhaussés, le marché serait inondé d’un produit qui ne trouverait pas suffisamment de consommateurs solvables pour l’acheter et, comme au bon vieux temps du Vin de table, il faudrait le détruire, le distiller. Je plaisante à peine, mais ceux qui raillent les créneaux de marché se mettent dans la position très inconfortable de nier la réalité.


Le vin, même paré de tous les attributs jugés obligatoires par certains, est une marchandise proposée, au travers divers circuits, à des acheteurs en capacité de l’acheter. Alors, je ne vois pas en quoi la substitution du nouveau label vin bio avec logo européen va changer radicalement la donne par rapport au vieux logo AB qui certifiait le caractère biologique de la culture du raisin. Sauf à prendre le consommateur ancien ou néo de ce type de vins pour un crétin congénital, ce qu’il n’est pas car sa démarche prouve le contraire, ses critères de choix vont bien au-delà de la simple référence à un logo. Ceux-ci, une fois la volonté de se tourner vers des vins bios, seront les mêmes que ceux des autres consommateurs et ils dépendront largement de facteurs sociologiques et économiques que certains grands prêtres font semblant d’ignorer. Bref, le vigneron, son vin, son prix, resteront les déterminants de l’acte d’achat des amoureux des vins dit vivants.


Le « vin biologique » made in UE existe, ça vaut, comme je l’ai déjà souligné, ce que valent les réglementations européennes, rien de plus, rien de moins. Ça n’est en rien une régression, à peine un progrès, sauf au plan commercial pour l’exportation de ce type de vin sur les marchés exports comme le Canada ou l’Europe du Nord, alors je ne vois pas l’intérêt de dépenser une grande énergie à se battre contre ce bio dit de masse. C’est un combat d’arrière-garde qui ne vaut guère mieux que celui des gens d’en face qui ont moqué la démarche bio. Pour ma part, et j’attends que l’on me démontre le contraire, tout marché est pyramidal, celui des vins bios l’est aussi, et s’appuyer sur une base saine clairement identifiée au plan réglementaire est le gage du développement des strates supérieures. Les tenants du bio des origines ont tout à gagner à terme de cet afflux de nouveaux consommateurs passant par la case « bio de masse ». Générer des nouveaux consommateurs est le b.a.-ba de l’extension des amateurs de vin, de bons vins, à chaque consommateur de se faire sa culture encore faudrait-il que nous lui soyons accessibles et intelligibles. Tel n’est pas le cas en ce moment, nos débats de cornes-culs n’intéressent que nous, et encore…

Vignes : le bio joli nouveau est arrivé Libération  3 août 2012    link

Le nouveau réglement link

 

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Nouveau label européen de vin bio : "le consommateur est le grand perdant" Michel Issaly dans la RVF link
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