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23 juin 2023 5 23 /06 /juin /2023 12:41

Dans un article du quotidien algérien El Watan de mai 2009, Mohamed Naïli, constate un brin nostalgique « La production nationale ne figure même pas sur le classement mondial effectué annuellement par l’OIV (Office International de la vigne et du vin), dont le seuil minimum de production requis est de 100 000hl. La production de l’Algérie n’atteint pas ce niveau et reste très loin derrière des pays comme la France, l’Italie ou l’Espagne qui, jadis, représentaient les principaux clients du marché algérien du vin. »

 

En 1935, le vignoble couvrait 396 000 ha (plus qu’en Espagne) et produisaient 18 millions d’hl dont 98% étaient vendus en métropole. Ce vignoble qui ne couvrait en 1861 que 6500 ha est l’enfant des « déportés du phylloxéra » majoritairement des viticulteurs de l’Hérault, du Gard et de l’Aude qui vont affluer à partir de 1880. Très vite les grandes propriétés vont absorber les exploitations des petits colons et le vin va devenir le premier revenu de l’Algérie. En 1903 à Bercy « les cours des vins algériens dépassent pour la première fois ceux du Midi. » Cet expansionnisme n’aurait pas eu de limite si la CGVM ne s’y était opposé en faisant voter une loi interdisant toutes nouvelles plantations. « Un million et demi de foyers d’agriculteurs français se sacrifient aux nouveaux seigneurs de la vigne algérienne » dénonçait-elle. En 1945 des primes encourageront l’arrachage mais comme l’écrit un expert « les cépages rigoureusement sélectionnés, les progrès de la vinification en pays chaud, les traitements anticryptogamiques associés à une main d’œuvre nombreuse et peu chère, tous ces paramètres font que l’Algérie prend une avance d’un quart de siècle sur le Languedoc. Au Concours Général agricole de 1930 les dégustateurs « ne purent faire la différence entre certains crus algériens et d’authentiques Bordeaux. » et « Des grandes dynasties agricoles prennent des allures de négociants bordelais. » Alger, Oran prennent des allures de comptoirs de vin ; la Mitidja semble n’être qu’un seul vignoble ; la cave coopérative de Boufarik loge 60 000 hl et ne compte pas en rester là. L’Algérie est alors le 4e producteur mondial et la vente de ses vins représente 45 % de la valeur de ses exportations.

 

Si vous souhaitez pousser plus avant ce rappel de la situation du vignoble algérien avant l’indépendance je vous invite à lire un document «  Les Vins Algériens » édité par le Gouvernement Général en 1953-55 et qui décrit très bien l’encépagement, les différents types de vins produits sur la base d’une classification : vins de plaine, vins de coteaux et vins de montagne (ces derniers étaient depuis 1945 classés VDQS). S’y ajoute un tableau synoptique par grande zone de production avec : appellation, aire de production cépages autorisés, degré minimum, caractère et production moyenne en hl.

 

Très instructif, jetez-y un œil... link

 

Dernier détail, lorsque je suis arrivé à l’Office des Vins de Table en 1978 j’ai découvert dans des rayonnages le cadastre viticole algérien qui faisait la fierté de Monsieur Blanchet l’infatigable rédacteur du Code du Vin (abrogé en 2003)

 

En 2009, selon les statistiques du Ministère de l’Agriculture et du Développement le vignoble occupe 22200 ha, 90% du potentiel national est situé dans les wilayas de l’Ouest du pays comme Tlemcem, Mascara, Aïn Timouchent et Sidi bel Abbas, les 10% restant sont localisés au centre du pays : Médéa, Bouira et Aïn Delfa. Les viticulteurs sont regroupés en caves coopératives mais comme l’écrit Mohamed Naïli « sur l’échiquier de la filière vitivinicole ONCV (Office National de commercialisation de produits vitivinicoles) occupe une place prépondérante en intervenant en simultanée au niveau de la production du raisins, de la mise en bouteille et de la commercialisation du vin, tant sur le marché national qu’à l’exportation » Le problème c’est que dans cet article l’auteur écrit aussi un peu plus loin que la mise en œuvre du Plan (PNDA) a permis la progression du vignoble de cuve de 60 000 à 82000ha ce qui n’est pas très raccord avec les chiffres cités précédemment (la confusion vient de la double fin : raisin de table/raisin de cuve). Le pauvre est excusable car ayant sollicité l’ONCV il note « que le directeur-général de l’ONCV ne semble pas être à son bureau depuis trois semaines pour répondre aux questions qui lui ont été posées  et que le responsable du service technique de l’Institut, refuse de donner suite à la même demande malgré son engagement verbal au téléphone. Cette attitude cache, en tout cas, la volonté des responsables en question à ne pas dévoiler les tares d’une filière en mal de perspectives. »

 

Délices de la bureaucratie qui n’aime rien tant que les missions à l’étranger et l’accueil d’experts d’organisations internationales venant porter la bonne parole et élaborer des projets ou de bureaux d’études vendant clé en mains des équipements nazes. Bienheureux les développeurs, les spécialistes et les chargés de mission qui font trois petits tours et puis s’en vont. Pendant mon séjour dans la willaya de Constantine j’ai pu les croiser, les plus géniaux furent ceux qui voulaient implanter une étable de 300 vaches laitières avec tout le toutim pour les traire alors que le « domaine autogéré d’anciens moudjahidines » n’avait pas l’électricité et pas grand-chose pour les nourrir. Bref, ayant lu quelques articles d’El Watan seul journal indépendant de ce pays, j’ai comme le sentiment que l’ordre des choses n’a guère changé puisque l’Algérie en 2008 ce journal écrivait « Notre pays est toujours dangereusement dépendant des marchés internationaux. L’Algérie se classe parmi les dix premiers pays les plus grands importateurs de céréales. Il en est de même pour d’autres produits agricoles tels que le lait en poudre, les huiles, le sucre et le café. Cette situation aurait été moins intenable si l’Algérie arrivait à exporter ce que ses terres produiraient afin d’équilibrer sa balance commerciale agricole. Mais seulement une quantité marginale de dattes, de vin et de quelques produits maraîchers a pu se frayer une petite place dans les marchés étrangers ».

 

Pour la viticulture, l’encépagement est à côté de la plaque « par exemple à Témouchent, premier centre viticole avec 50% de la production nationale, sur les 9100 ha en production 85% sont occupés par le Cinsault et le Merseguerra et 15% pour les cépages nobles. » ; les outils de transformation sont vétustes et « appartiennent en théorie aux viticulteurs mais sont en réalité détenus par une minorité » ; pour la vendange la venue du Ministre de l’Agriculture lui permettra selon l’auteur de « s’apercevoir que celle-ci s’effectue selon un processus qui défie les normes en vigueur dans les pays viticoles » Je vous épargne l’horreur de la description car les beaux esprits vont me taxer de néo-colonialisme . Dans l’article l’auteur appelle de ses vœux l’éclosion d’une génération de vignerons et note que l’année 2004 a vu naître le premier vigneron algérien à El Amria. Et si nos grands journalistes du vin allaient faire un petit reportage pour dénicher ce pionnier et voir s’il a essaimé ce serait du vrai journalisme ça et non la nième récusée d’un papier sur je ne sais quel GCC. Bref, et si demain une Algérie libérée pacifiée sortait de sa phase décollectivisation un nouvel acteur du vin pourrait s’inviter à la table des Vins du Nouveau Monde... Je sais ce n’est pas pour demain matin mais avec la vigne voir loin ne nuit jamais...

  

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