Dans l’ancien temps, au café du village, en tapant le carton et en descendant une fillette de Gros Plant, les deux sujets les plus chauds : la politique et le sport donnaient lieu à de belles joutes, des morceaux de bravoure, où se mêlaient d’énormes lieux communs, des avis péremptoires fondés sur une forme de culture historique indéniable.
Sempé, qui sait mieux que quiconque capter l’air du temps, le traduit bien dans son dessin. Les mots valises de ce temps-là : l’union en politique avec l’UNR qui devient l’UDR, l’UDF, l’Union de la Gauche, la sempiternelle référence à 36 ; du côté cuir : l’évocation de la Coupe du Monde de 1958, les 13 pions de Just Fontaine, Kopa le Zidane de l’époque…
Bref, le bistrot d’avant la télévision cultivait les « vertus françaises » de la conversation. Maintenant on va au bistrot pour regarder en meute les matches de la Coupe du Monde sur grand écran, même les filles ! Y’a plus beaucoup de place pour la conversation mais pour ne pas me faire taxer de VC je vous propose un zoom arrière qui montre que le lien entre le foot et la politique dans le grand pays qu’est le Brésil hôte de cette Coupe du Monde fut une réalité.
À la fin des années 60, le Brésil vivait sous la botte d’une dictature militaire et « avait remporté sa première Coupe du monde en 1958 et conservé sa couronne en 1962, deux ans avant le coup d'Etat militaire. Pour Afonso Celso Garcia Reis, connu sous le nom d'Afonsinho, ancien milieu vedette du club carioca de Botafogo, le foot et la politique étaient difficiles à concilier pour un joueur comme lui aux idées gauchistes. Ses longs cheveux et sa longue barbe, déjà, le désignaient comme un dangereux anticonformiste aux yeux du régime militaire. S'il a remporté des titres nationaux, il n'a jamais été convoqué en sélection, en raison du lien entre la Confédération (CBF) et les autorités, selon lui. « J'avais des principes et j'en ai payé le prix. Ils m'ont étiqueté comme le meneur potentiel d'un mouvement subversif », raconte à l'AFP l'ancien joueur de 66 ans aux cheveux blancs.
Au plus fort de ces années de plomb, Afonsinho est entré dans la culture populaire en étant le sujet d'une ballade du célèbre chanteur Gilberto Gil, "Meio do campo" (milieu de terrain), et d'un documentaire d'Oswaldo Caldeira, « Passe Livre » (1974). Le documentaire montre comment, des décennies avant l'arrêt Bosman révolutionnant le marché européen des transferts, il est devenu le premier joueur sous le régime militaire à négocier lui-même son transfert avant la fin de son contrat, en 1971. En raison de ses opinions, Botafogo l'avait placardisé et il avait gagné en justice le droit de changer de club. Ce film sur « l'exploitation capitaliste du football, qui est si précieux pour notre population », dresse le portrait d'un joueur « qui ne se battait pas que dans son propre intérêt, mais qui voulait aussi changer la société et combattre l'injustice », explique à l'AFP Oswaldo Caldeira. « Le football était très important pour moi, souligne Afonsinho. Mais j'étais socialement engagé pendant toute cette période. Heureusement, j'avais une autre carrière dans laquelle me reconvertir », ajoute ce docteur en psychiatrie. Resté simple joueur de club, il n'a jamais atteint le statut d'un autre footballeur-médecin anticonformiste, le mythique Socrates, vedette de la Seleçao du Mondial-1982. »
Chris WRIGHT Rio de Janeiro, 8 mai 2014 (AFP)
Gilberto Gil fut entre 2003 et 2008 le Ministre de la Culture du gouvernement Lula.
« Impertinence, engagement, bohème, les traits de caractère communs au chanteur tropicaliste et au prolétaire du ballon rond ne manquent pas. Rien de surprenant, donc, si une des chansons de Gilberto, « Meio-de-Campo », rend hommage à celui qui a été le premier à prendre des positions politiques contre le régime autoritaire des militaires. »
In Petit Manuel Musical du Football page 99 Pierre-Etienne Minonzio.
Prezado amigo Afonsinho
Eu continuo aqui mesmo
Aperfeiçoando o imperfeito
Dando um tempo, dando um jeito
Desprezando a perfeição
Que a perfeição é uma meta
Defendida pelo goleiro
Que joga na seleção
E eu não sou Pelé nem nada
Se muito for, eu sou um Tostão
* « Meio-de-Campo » milieu de terrain
patrick axelroud 20/06/2014 07:31