Évariste Galois, l'incarnation du génie romantique malheureux et d'une jeunesse prometteuse et mal aimée, est mort, à la suite d'un duel, à l'âge de vingt ans. Louis Gallois a dû attendre, lui, d’avoir presque 70 ans pour bénéficier du must français de voir son nom accolé à un Rapport. À mon modeste niveau j’ai bénéficié, en son temps, de la quasi-disparition de mon prénom : je n’étais plus que le Rapport Berthomeau link. Pour ne rien vous cacher ça a quelque peu changé le fil de ma vie mais là n’est pas la question. En notre doulce France, la vox populi dit, lorsque les politiques veulent enterrer un problème ils créent une Commission ou ils sortent de leur boîte à malices un gus, étiqueté compétent, pour réfléchir et pondre un Rapport. Même motif, même punition, le rapport n’aurait d’autre fonction que de finir dans le vaste cimetière des bonnes intentions jamais mises en pratique. Le Rapport est raillé. Le rapporteur est plaint, moqué parfois et très vite oublié. Rares sont les rapporteurs qui doublent la mise : ils sont interchangeables. Bref le Rapport a mauvaise presse.
La gente journalistique, dont on connaît le goût immodéré pour la ruée vers la petite phrase, le détail croustillant, l’insignifiance, les secrets d’alcôve, a ces derniers jours beaucoup ironisée sur le triste destin des rapports déposés sur l’autel de nos gouvernants par d’obscurs scribes affublés du titre infâmant de « haut-fonctionnaires ». Bien sûr, avec Louis Gallois et sa compétitivité chevillée au corps, vu son pedigree professionnel : SNCF puis EADS, nos fous du stylo et du mulot y sont allés un peu mollo. N’en reste pas moins vrai que le père Gallois est, ce que l’on nomme plus beaucoup de nos jours, un grand serviteur de l’État. Ça les emmerde un chouïa nos autoproclamés grands éditorialistes, ces frustrés de l’action, les FOG, Barbier, la piétaille du Figaro et les intellos des Echos, jamais en reste de s’ériger en conseillers de nos princes, d’avoir en face d’eux un gus qui a dû se colleter à la réalité. Du côté des ex-partisans des régimes socialistes au bilan globalement positif et de leur allié qui a grandi dans le giron de Tonton, rien de nouveau sous le soleil : c’est toujours non, c’est si commode de précipiter la charrette dans le fossé. Leur ADN est bureaucratique. Pour autant, écrire ce que j’écris ne revient pas à cautionner les dérives du système financier, la goinfrerie de ceux qui se prennent pour l’élite et à prendre la roue des grands lobbies.Simplement, et c’est ce que tentent de faire certains de ceux qui écrivent ces foutus rapports, et c’est le cas de celui de Louis Gallois, l’objectif principal est d’aider notre pays à se sortir d’un immobilisme mortifère. Créer un choc salutaire.
Louis Gallois, en vrai politique qu’il est, Chevènement un jour, patriote toujours, l’a bien compris. « Je crois qu'il est arrivé à un moment charnière et qu'il a servi de déclencheur à un vrai débat sur la compétitivité. Tout le monde savait que mon diagnostic serait sombre. Cela a conduit le gouvernement à prendre des décisions très fortes, très vite, et en ce sens, il consolide la prise de conscience. Nous ne sommes qu'au début d'un processus. La reconquête prendra du temps, ne nous faisons pas d'illusion. Sans mobilisation collective, il ne se passera rien. » Laissons de côté les débats de nos soi-disant économistes patentés, ceux qui se sont toujours plantés, revenons à des concepts simples tel l’effort partagé, le débat sur le pouvoir d’achat pris globalement n’a strictement aucun sens car il met dans le même panier ceux qui gardent encore la capacité de faire des choix et ceux qui n’ont pas cette marge de manœuvre. Nous avons tous profité, à des degrés divers, du laxisme de la gestion des comptes de l’Etat et des comptes sociaux : nos comportements individuels face à la Sécurité Sociale et les pratiques des bénéficiaires de celle-ci : grands laboratoires et certains praticiens en sont de bons exemples. Réduire la voilure du train de vie de l’État et des collectivités territoriales est une nécessité mais il faudra en assumer les conséquences dans beaucoup de territoires : les services publics ça coûte et la maternité proche aussi…
Bref nous sommes encore un grand pays riche où « l'intensité de la pauvreté est de plus en plus forte. C'est une des conclusions de l'étude annuelle du Secours catholique sur la pauvreté link , qui se penche cette année sur l'évolution de celle-ci en dix ans. Le nombre de personnes sous le seuil de pauvreté – correspondant à 60 % du niveau de vie médian, soit 964 euros – a augmenté de près de 10 % en dix ans selon l'Insee, atteignant le chiffre de 8 millions. Les personnes en situation de très grande pauvreté, soit 40 % du niveau de vie médian, étaient un peu plus de 2 millions en France en 2009. » Pour autant nous ne manquons ni d’atouts, ni d’attraits mais nous nous complaisons dans des affrontements frontaux qui, loin de faire progresser, tétanisent les gouvernants : d’où le discours récurrent « rien n’a été fait depuis 30 ans » et nous immobilisent. Sans doute suis-je un stupide optimiste mais comme Louis Gallois, je crois en un sursaut. « La France a toujours attiré les investisseurs étrangers mais le battage médiatique autour de certaines mesures fiscales symboliques n'a pas amélioré notre image. Les mesures de compétitivité sont de nature à changer la donne. La France va être perçue différemment, à condition de ne pas dévier de cette ligne. »
Notre pays est certes dans la difficulté mais je ne crois, et je n’ai jamais cru, ni ne suivrai les partisans du grand soir, du passé faisons table rase, ils nous ont toujours précipité dans une forme de barbarie. Notre monde est dur et impitoyable mais l’est bien moins que par le passé. Pour faire bouger les lignes, changer, il faut convaincre et surtout faire des choix courageux. Plus personne ou presque ne veut faire des efforts. Ce sont les autres qui doivent les faire. Tout le monde campe sur ses positions. Bien sûr beaucoup de nos concitoyens subissent plus qu’ils ne sont en position de choisir mais il n’en reste pas moins vrai que nos niveaux de vie nous permettent encore de retrouver une nouvelle vigueur. Alors Rapport Gallois or not Rapport Gallois là n’est pas la question. Ce qui compte, et ça nos politiques de tous poils, du moins ceux qui sont en capacité de gouverner, ne nous y incitent guère : c’est de nous mettre collectivement en position de remettre ce pays en ordre de marche. Ce n’est nullement hors de notre portée.
M’en fout de me faire tomber sur le râble par la cohorte des bétonneurs de position inexpugnables : ne pas bouger surtout, attendre et voir, des aquoibonistes poussifs, des opportunistes, des hypocrites, des donneurs de leçon en chambre, des défenseurs des droits acquis de toutes obédiences, qui bloquent tout, ne proposent jamais rien, les éternels râleurs, les ratiocineurs, les fonctionnaires des grandes organisations, j’en passe et de bien pire.
De ma petite expérience de petit rapporteur j’ai acquis un cuir à l’épreuve de toute forme de projectiles et surtout je dispose du recul pour mettre le nez dans leur caca à tous ceux qui continuent de plastronner alors qu’ils sont à l’origine des maux dont ils feignent aujourd’hui de regretter les conséquences néfastes. J’ai été un petit rapporteur engagé et je n’ai aucun regret. Quand je vois au boulot la tronche de cake d’un certain Hervé Lejeune, rapatrié en notre grand cagibi d’ingénieurs car plus personne ne veut de lui, qui à l’Elysée de Jacques Chirac, au nom de son copinage avec le Grand Jacques du Languedoc, avait déclaré du haut de sa stupidité « le rapport Berthomeau c’est fini… » je me dis : à qui rend-il des comptes ce type ? Bien sûr, à personne. Avec sa copine Marion Zalay, qui sévira ensuite à l’INAO, ils ont poussé Hervé Gaymard à enterrer Cap 2010 pour le plus grand bénéfice de l’immobilisme des dirigeants viticoles français qui maintenant poussent des cris d’orfraies face à la mise au rebut des droits de plantation.
Ainsi va la vie dans notre beau pays de ceux qui cherchent, sans doute à tort ou avec parfois de mauvais arguments, à faire bouger les lignes. Votre Taulier n’a aucun regret et il ne demande rien à personne : ni fleurs, ni couronnes, sauf qu’on lui fiche une paix royale pour que son devenir d’exclu du monde officiel du travail soit celui d’un Alexandre le Bienheureux. Comme le disait ma mémé Marie (au premier plan sur la photo avec sa soeur Valentine) : « à toute chose malheur est bon… » en effet, sans les mous du genou cités plus haut, jamais je n’aurais eu l’idée d’ouvrir mon espace de liberté et d’aller à votre rencontre.
Merci donc à ces cons ! Bienvenue chez moi, pas aux cons bien sûr, installez-vous, prenez vos aises nous allons entamer ou continuer notre petit bonhomme de chemin, des chemins de traverse bien sûr, loin de cette engeance de courtisans à l’échine souple et aux idées courtes. Un de mes très chers confrères blogueurs a titré à propos d’un grand pince-fesses de luxe à la Villa d’Este : un Réservoir d’Idées… Après tout c’est sans doute lui qui a raison, boire et manger avec discours incorporés constitue l’alpha et l’oméga de la réflexion sur le devenir du monde du vin. À la bonne vôtre les fabricants d’idées, moi je préfère faire la fête avec mes copines, mais je vous serais reconnaissant, au retour, d’ouvrir le robinet de votre Réservoir d’Idées car les Idées ça peut toujours servir… Pour l’instant, sans être maldisant, je n’en ai guère vu la couleur mais c’est sans doute que l’élevage en Réservoir d’Idées n’est pas encore terminé…