Parodiant André Frossard qui dans son livre « Dieu existe, je l’ai rencontré » écrit « En entrant à 5h10 dans une chapelle du Quartier Latin de Paris pour rencontrer un ami, j’en suis sorti cinq minutes plus tard en compagnie d’une amitié qui n’était pas de ce monde. En entrant j’étais sceptique et athée, mais plus encore indifférent et préoccupé par bien d’autres choses que par un Dieu que je ne cherchais même plus à nier... »
Je suis athée mais je n’ai aucune réticence à affirmer « Le Terroir existe, je l’ai rencontré… ». Bien sûr, je ne saurais vous le décrire, vous le définir, l’identifier. Il est et ça suffit à mon bonheur. Nul besoin pour ce faire de dire d’experts, de jugements même de Paris, le terroir est dans mon verre insensible à ceux, en manque de notoriété, obscurs parmi les obscurs d’une obscure officine de commerce, qui voudraient lui faire la peau en lui assignant la place d’un tas de cailloux situé quelque part ou nulle part. Lire la Tribune BEM KEDGE : la dégustation des vins : terroir sans importance et/ou experts incompétents ? de Gergaud et Ginsburgh ICI link
Vain, vanité, dénué d’intérêt, si les écoles de commerce hébergeaient la fleur des économistes ça se saurait. Comme l’aurait dit ma mémé Marie « c’est la poêle qui se moque du chaudron » lorsqu’ils taxent les experts d’incompétents. Tout ça n’est que du vent. Si le terroir n’existait pas il faudrait l’inventer et c’est bien cela qui fait, excusez la vulgarité, chier cette petite engeance qui voudrait nous faire accroire qu’il n’y a point de terroir.
Moi je me marre que deux petits pékins sortis de rien, professant l’art de vendre, soient incapables de conceptualiser la notoriété. Bien sûr, je pourrais en profiter pour ironiser que Bordeaux est l’exception qui confirme la règle en constatant que le terroir y est aux abonnés absents, et que dans quelque temps on pourra planter du cabernet-franc sur un substrat sous serre et demander ensuite à Pierre Lurton de prendre les choses en main. N’a-t-il point déclaré que « seuls la maîtrise de chaque geste et le souci du détail permettent de conserver l’intégrité du terroir. » Le mot terroir n’est ici que pour faire joli, comme le bifidus sur les pots de yaourts de Danone. Bien sûr, le terroir ça n’existe pas et c’est heureux pour le commerce et les commerçants. Sauf à ce qu’on ne me dise pas tout, vous êtes, je crois, un peu enseignant en ces domaines.
Je n’ironiserais pas non plus ni sur la minceur de vos références qui étayent la démonstration, ni sur la haute pertinence de vos citations (Vauban à beaucoup écrit sur tout, même sur le cochon), car je reste encore doté du minimum syndical de charité chrétienne. J’ai lu dans les Echos que vos écoles « revendiquaient volontiers le fait d’être « gérées comme des entreprise ». Mais les cordonniers sont parfois les plus mal chaussés. Toutes ne sont pas en capacité de s’appliquer à elles-mêmes les principes de bonne gestion enseignés en leur sein. La question de la gouvernance en fournit une bonne illustration. »link. Franchement vous feriez mieux de vous occuper de vos affaires plutôt que de venir nous soûler avec votre tribune dans Vitisphère.
Dans le commerce l’important c’est le client et celui-ci, hormis une poignée de gus qui ne pensent qu’à ça, qui se lèvent la nuit pour surveiller leurs beaux flacons, le jugement de Paris de 1976 ou le second jugement lors de la 6ème conférence internationale de l'American Association of Wine Economists début juin 2012, ils s’en tamponnent absolument le coquillard. Le client il aime, il adore, le TERROIR. Ça le mène à l’extase. Ça lui permet de briller en société, de se payer des Masters Class au prix du caviar, d’exister. De grâce ne nous parlez pas de QUALITÉ car, en ce domaine, pour sûr, vous allez nous démontrer qu’il vaut mieux se taper un bon camembert pasteurisé plutôt qu’un vil fromage qui pue au lait cru. Les vaches sont toujours des vaches et le lait c’est toujours du lait, pas vrai les poteaux.
Moi ça ne me dérange pas que sous le terroir se cache un peu beaucoup, passionnément, du discours, des mots, une Histoire, des histoires, un ensemble pas toujours très rationnel car, entre nous soit dit, si ça nous aide à vivre, à aimer, à nous différencier, à être des gens civilisés, c’est déjà beaucoup mieux que la soupe si peu digeste de vos produits marquetés. Qui plus est, le terroir c’est universel car c’est le fait de la main de l’Homme, de son intelligence. Alors de grâce lâchez-nous la grappe avec vos concours de sous-préfectures et vos tribunes pour le Chasseur Français.
Merci tout de même, chers professeurs, de m’avoir donné en ce début d’année une bonne occasion de me détendre. J’apprécie beaucoup le comique de répétition : merci de me rejouer la pièce dans quelques temps, par exemple en organisant dans le cadre de Vinexpo une nouvelle version d’un jugement qui serait immortalisé sous le nom de Bordeaux. Ambiance assurée, la place de Bordeaux conserve encore ce qu’il faut de flegme britannique pour apprécier qu’on puisse mélanger les torchons et les serviettes. Ça mettrait un peu de piment à la Fête de la Fleur et ça dériderait le Maire, tous deux en ont bien besoin