Le redoux mou m’a privé de pot-au-feu et jeté au fond de mon lit. Traitement basique, à la mémé MARIE : fumigations et gouttes dans le pif bien au chaud. Pendant ce temps-là Vinisud déployait ses stands et je me félicitais de ne pas avoir cédé aux sollicitations, que serais-je allé faire dans cette galère ? La magie du web c’est que vous avez beau vous promener en chemise de nuit avec une bouillotte sur la tête, ne boire que du bouillon, tousser à vous fendre le thorax, vous pouvez faire accroire à vos lecteurs que vous tenez une forme olympique et que vous vous attablez face à une belle et saine nourriture roborative. Le Taulier se l’est donc joué ermite les deux premiers jours de la semaine passée.Lorsque je suis ainsi cloîtré, tel un trappiste, je lis bien plus qu’à l’ordinaire et bien évidemment ça alimente ma boîte à chroniques. Face à la montagne de livres qui borde mon lit je pioche un opus qui y sommeille en attendant son heure. Maxime Pietri ça sonne corse et ce chroniqueur gourmand officiant du côté du Lac Léman au journal le Temps qui « manie aussi bien le verbe que le fouet » dans un livre dénommé Chroniques Gourmandes chez Zoé éditions 18 € m’a ramené au temps des pot-au-feu. C’est son pluriel qui m’a mis la puce à l’oreille. J’adore toujours ceux qui élargissent la focale, embrassent le panorama en ouvrant le grand angle. Son texte m’a beaucoup plus même si son goût potofeuquesque n’est pas tout à fait le mien. Je le propose donc à votre lecture.
Bon appétit.
Sachez que je vis dans l’espoir d’un nouveau coup de froid qui me débarrasse de mes microbes et m’offre l’extrême plaisir d’un vrai pot-au-feu. En attendant je crois que je vais me faire une poule, au pot bien sûr !
« La Toussaint venue, rentre tes charrues. En aurions-nous, c’est dare-dare que nous les rentrerions. En revanche, nous avons un immense couscoussier. Il va descendre de l’étagère où il a paressé pendant l’été. Car le temps des pot-au-feu est revenu, et rien de tel qu’une tisane de bœuf pour combattre les morosités d’automne et le rhume de cerveau. Au fait, le pot-au-feu, ou les pot-au-feu ?
Tout pot que l’on remplit d’aliments couverts d’eau, installé sur une source de chaleur, devient un pot-au-feu, n’est-il pas ? Pour en avoir le cœur net, ouvrez Pot-au-feu, convivial, familial : histoires d’un mythe, ouvrage dirigé par Julia Csergo, une historienne de la cuisine, et paru chez Autrement en 1999.
Dans les variantes gourmandes, relevons la potée lorraine, la garbure du Sud-Ouest, la Bréjaude du Limousin, le kig ha farz breton, et la bouillabaisse que les pêcheurs marseillais ont mise à l’honneur de la cuisine provençale. Pensons aussi à la poule au pot que le roi Henri voulait voir à la table du dimanche de tous les Français. Surtout, soyons attentifs à « ces mots qui tournent autour du pot », inventoriés par Colette Guillemard : même un petit pot trouve un couvercle, fouille-au-pot, il n’y a pas de vieux chaudron qui ne trouve sa crémaillère. Quant au bouillon aveugle, c’est celui qui n’a plus une gouttelette de gras se promenant à sa surface.
Les formules de la chose sont aussi innombrables que les crèmes de beauté. Retenons les principes généraux : pas de porc, pas d’agneau, pas de chou, pas de sel (qui empêcherait le suc des viandes de venir dans le bouillon), une dizaine de minute d’ébouillantage (pour évacuer les écumes et avoir un bouillon clair), cuisson lente et longue, départ à froid, à découvert, dans une eau non minéralisée (par exemple Volvic). Clin d’œil historique, une formule parue en avril 1893 dans le Pot-au-feu, journal de cuisine pratique et d’économie domestique : 1 kg de viande, 125 d’os, 4,1l d’eau, 30-35 g de sel, 150 g de carottes, 150 de navets, 200 de poireaux, 50 d’oignon, 10 de céleri, 10 de panais, 2 clous de girofle.
Personnellement, nous aimons plats de côte et jarret de bœuf, une poule de réforme, un pied de veau, des os et des légumes. Au moins huit heures de cuisson, en changeant les légumes en cours de route. De temps en temps, nous dégraissons, à la cuiller, la surface du liquide. Au bout du voyage, faut-il faire chaabrot, c’est-à-dire ajouter du vin rouge dans l’assiette aux dernières cuillerées du bouillon ? L’omettre serait impie. »
Des variantes, toujours des variantes, que je n’approuve ni ne désapprouve puisque, comme vous le savez je suis 100% pur bœuf pour mon pot-au-feu. Cependant quelques remarques en vrac :
- La notion de changer de légumes en cours de cuisson me semble une pratique unique en son genre ;
- La poule de réforme est pour moi un plat en soi et bien sûr accompagnée d’un plat de riz cuit dans le bouillon gras de la poule. J’y reviendrai !
- Quand à dégraisser le bouillon je suis réticent pour la bonne et simple raison que je garde ce bouillon pour le laisser refroidir : une coupole de gras se forme alors à la surface et il suffit de la retirer. Je consomme ensuite le bouillon réchauffé dans le lequel j’ai jeté des cheveux d’ange. Tous les sucs de la viande y sont concentrés. Un délice !
- Je ne fais pas chabrot ! Je suis donc impie.
Je vous laisse car il va me falloir aller me payer une poule, de réforme, du côté du Marché Saint-Honoré, là-bas elles sont bien grasses, dodues, cuisses fermes, beau jabot et croupion surdimensionné. Oui, je signale aux bobos et aux bobottes que pour avoir des œufs il faut élever des poules et que pour élever des poulets il faut que les poules copulent avec des coqs pour que leurs œufs une fois couvé fassent des poussins. Ça permet aussi d’expliquer la présence des coqs dans la basse-cour, hormis qu’ils servent en fin de parcours à fabriquer du coq au vin.
À propos de vin, avec ma poule, je prendrais bien, pour honorer ce cher Henri IV, un bon Madiran…