En 1978 je débarquais au 232 rue de Rivoli dans les locaux du tout nouvel Office National des Vins de Table créé, sur les vestiges de l’Institut des Vins de Consommation Courante, par le gouvernement de Jacques Chirac suite aux évènements tragiques de Montredon.
Dépoussiérer la baraque tenue par des ingénieurs passionnés de bois&plants de vigne mais peu au fait des questions économiques. Le Vin de Consommation Courante rebaptisé Vin de Table par la grâce de l’Europe déclinait, les vieux barons du Midi rouge s’accrochaient, ferraillaient, manifestaient, les CAV maniaient la mèche lente, et l’INAO vivait sa petite vie tout en haut des Champs Elysées.
Je ne vais refaire le match mais ce morceau d’histoire ne peut être ignoré si l’on veut comprendre la structuration actuelle de la production viticole et l’approche très française du marché du vin.
Le tout AOC prenait son envol, la création des vins de pays procédait de la même logique, le grand négoce embouteilleur sur les lieux de consommation se délitait. Place aux régionaux de l’étape, essentiellement bordelais et bourguignons.
Au milieu de ce grand maelstrom il y avait LISTEL appartenant à « La compagnie des Salins du Midi qui a développé un grand vignoble moderne, car c'étaient à la fois des industriels avec une claire notion de rentabilité et un repaire d'ingénieurs dotés d'une vision très planificatrice et mécanique : parcelles les plus grandes possibles, vastes chais de 13 mètres de large (longueur maximum des poutres), moyens techniques impressionnants, pompes, pressoirs. " C'était une société dominée par les polytechniciens, les centraliens... " Plus que Les Temps modernes de Chaplin où le travail à la chaîne constitue la condition du progrès, les " géniaux ingénieurs ", comme dit Boris Vian, s'en sont donné à cœur-joie pour inventer la nouvelle modernité rurale. »
Jacques Dupont a raison, lorsque je suis allé visiter à l’époque Listel avec Pierre Marcoux, chef du centre de Montpellier, c’est la réflexion que je lui ai fait « tout ça, pour ça… » J’y suis retourné à l’invitation d’un Yves Barsalou fasciné, au temps du Val d’Orbieu conquérant et triomphant. Là, je me suis dit « pourrait vraiment mieux faire… » et quelque temps plus tard, par la grâce du Crédit Agricole, le baron Vranken récupérait la marque.
Le process industriel de Listel ne pouvait qu’aller à un champenois, même de fraiche date, sauf que pour la vente le savoir-faire de Castel se révélait la meilleure arme pour placer Listel en GD.
Voilà pour mon petit couplet perso, mais l’essentiel est dans les 2 articles du sieur Dupont :
(1) Listel : sous les pieds de vigne, la plage
Domaine de Jarras, parcelle du Commandeur © DR
« Bon, si on avait écrit en titre " La fabuleuse histoire de Listel ", avouez que vous cliquiez vers la sortie. Comme nous peut-être, d'ailleurs, avant d'y aller et de rencontrer Martial Pelatan, crinière aussi blanche que celle des chevaux de Camargue qui vivent là en liberté, le boss technique et la mémoire du lieu. Il avoue presque gêné avoir " un peu " travaillé sur l'histoire des salins et, d'une voix calme au débit qui ne s'emballe jamais, raconte sa Camargue depuis Saint-Louis et même avant » la suite ICI link
(2) Listel, îlot de sable gagné sur la mer, ne devrait pas accueillir de la vigne, ennemie du sel.
Listel, roubine et paysage de vigne. © DR
« Les responsables de Listel ont deux ennemis qu'ils doivent en permanence surveiller : le sable, qui sous l'effet du vent se déplace et peut former des dunes, et l'eau salée, qui, si elle atteint les racines de la vigne, la trucide sans l'ombre d'un remords. Tout autour sont exploités en effet les marais salants, et ce n'est pas tout à fait par hasard si les anciens propriétaires de Listel s'appelaient La Compagnie des salins du Midi ! » la suite ICI link
(3) Troisième et dernière partie aujourd’hui sur Le Point.fr Jacques Dupont
Dieu que j‘adore ces chroniques écrites par un autre où je n’ai rien à faire…