En 2002, Lionel Poilâne avait créé l'association « De la question gourmande ». Avec ses amis, il avait pris la décision de s'adresser au pape afin de lui demander de requalifier le péché de gourmandise (en péché de gloutonnerie ou d'intempérance). Selon lui, pécher ne consiste pas à aimer la bonne chère, mais bien à trop manger. La gourmandise n’était donc pas un péché mais plutôt une vertu car l'aliment réjouit le corps et l'esprit. Le 31 octobre 2002, Lionel Poilâne mourrait dans un accident d'hélicoptère sans avoir pu remettre sa supplique au pape. En janvier 2003, sa fille Apollonia, accompagnée de sa sœur et du président de l'association, rencontrait le pape. Vous pouvez acquérir en librairie la Supplique au pape pour enlever la gourmandise de la liste des péchés capitaux chez Anne Carrière.
L’argument majeur de la supplique était linguistique : le septième péché capital ne recouvrait pas la même signification en français que dans d'autres langues : en anglais, la gourmandise s'exprime par gluttony, c'est-à-dire « gloutonnerie », en italien, la gola suggère la « gorge de l'avaleur », en espagnol, la gula traduit un terme proche de la « gloutonnerie », en allemand, le mot fressucht décrit l'action de «manger comme un animal, avec une avidité débridée». Encore une exception française : le Pape se devait donc de réparer cette injustice faites à notre culture datant du Moyen Âge chrétien.
En fait, ils reprenaient ce qu’écrivait Brillat-Savarin dans sa Physiologie du goût (1826) Méditation XI, De la gourmandise « J’ai parcouru les dictionnaires au mot Gourmandise, et je n’ai point été satisfait de ce que j’y ai trouvé. Ce n’est qu’une confusion perpétuelle de la gourmandise proprement dite avec la gloutonnerie et la voracité : d’où j’ai conclu que les lexicographes, quoique très estimables d’ailleurs, ne sont pas des savants aimables qui embouchent avec grâce une aile de perdrix au suprême pour l’arroser, le petit doigt en l’air, d’un verre de Lafitte ou du Clos-Vougeot. »
Vous allez me dire que je suis bien loin de mon titre que j’ai emprunté à la conclusion de l’excellent livre de Florent Quellier Gourmandise histoire d’un péché capital Armand Colin 23,80€. Détrompez-vous et lisez attentivement ce qui suit pour alimenter vos réflexions personnelles sur la consommation de vin. Juste avant je vous propose un petit jeu (faites-le sans tricher car les réponses sont au bas de ma chronique)
1- Citez-moi les 7 péchés capitaux
2- Citez-moi les 7 vertus cardinales
« Le retour en force d’un joug médical pesant et d’un discours diététique moralisateur a réactualisé le péché de Gula dans des sociétés pourtant marquées par un recul historique des Églises chrétiennes. La première décennie du XXIe siècle confirme amplement l’évolution constatée par le sociologue Claude Fischler en 19990 : « Le péché gourmandise, en cette fin de siècle, a plus aisément été sécularisé et médicalisé que le péché de chair. » Fortement culpabilisantes, les prescriptions nutritionnelles entretiennent la notion d’un péché contre son corps mais aussi contre la société. Dès lors, la gourmandise est perçue comme une faiblesse sociale, morale et psychique, le gourmand comme un potentiel délinquant nutritionnel. Les expressions « craquer », « faire un écart », « faire une entorse » disent le manque de volonté face à la tentation, révèlent la notion de faute mais aussi la transgression d’un idéal alimentaire devenu une norme : le régime minceur.
Qui plus est, la communication nutritionniste se fait infantilisante : nous qui avons le savoir, allons vous apprendre à vous nourrir correctement, vous et vos enfants. Ce discours marque de son empreinte jusqu’au récent Dictionnaire culturel de la langue française (2005). »Bourrer ses enfants de gourmandises », l’exemple choisi pour illustrer l’acceptation de gourmandises au pluriel, par l’usage du verbe « bourrer » et par la référence à l’enfance, pointe un bouc émissaire classique : la défaillance éducative des adultes. Sont également stigmatisés la junk food, les snaks et les sodas, les distributeurs de nourriture et de boisson, les fast-foods et la télévision.
L’individu trop gros est supposé dévorer, engloutir, et, entre les repas, grignoter, autrement dit ne pas respecter les bienséances sociales occidentales. En revanche, parla nouvelle cuisine dogmatisée dans les années 1970, la haute cuisine, a su adapter les plaisirs de la bonne chère à ces nouvelles préoccupations diététiques et esthétiques, à l’image de La Grande Cuisine minceur (1976)du chef étoilé Michel Guérard. Le nouveau gourmand fin gourmet échappe à l’apoplexie, à la face rougeaude et au corps adipeux, aux sauces trop riches et trop lourdes. Ce sont les milieux sociaux les plus défavorisés, les plus pauvres et les moins diplômés, qui connaissent les plus forts taux d’obésité dans les sociétés occidentales contemporaines ; le phénomène est particulièrement net chez les femmes. Ce faisant, le clivage socio-culturel gourmet-goinfre de l’Ancien Régime perdure. La gourmandise demeure un péché de classe, mais inversé par rapport à la période médiévale, l’obésité étant largement perçue comme une pathologie liée à la précarité économique et à l’absence d’éducation. Non seulement une forte corpulence n’est plus signe de réussite, mais en plus l’adiposité crée un phénomène de rejet social et de discrimination professionnelle ».
Sept péchés capitaux : La Paresse, l’Orgueil, la Gourmandise, la Luxure, l’Avarice, la Colère et l’Envie.
Sept vertus cardinales : la Chasteté, la Tempérance, la Prodigalité, la Charité, la Modestie, le Courage et l'Humilité.