« Combien faut-il de personnes pour faire boire une bouteille de vin danois ? Quatre. Réponse : la victime, deux personnes pour la maintenir et une pour lui verser le vin dans la gorge » Cette plaisanterie qui ouvre l’article de Lars Dahlager, « Tout – ou presque – est dans le cépage » - dans le journal Politiken de Copenhague cité dans le Courrier International. Dans l’imaginaire national le Danemark se résume souvent du côté masculin aux danoises blondes glaciaires et à l’équipe nationale de football. Et pourtant, le royaume du Danemark, qui semble être la houppe de Tintin sur la tête de l’Union Européenne, est géographiquement paradoxal puisqu’il est la fois le plus petit pays Scandinave et le plus grand de l’Union Européenne, et le 13ième au niveau mondial, si on inclut à sa superficie ses 2 régions autonomes : le Groenland et les Iles Féroé.
Danemark pays viticole ? « L’aventure vinicole du Danemark a commencé en 2000, lorsque l’UE a autorisé le pays à cultiver 99 ha de pieds de vigne. Ce feu vert a déclenché une petite révolution, puisqu’on recense aujourd’hui pas moins de 1 389 viticulteurs déclarés et une cinquantaine d’exploitations viticoles, qui produisent ensemble quelque 250 000 bouteilles. Et ce n’est pas fini : dix nouveaux vignobles commerciaux viendraient chaque année s’ajouter à la liste. » Pas de quoi ébranler les vieux pays du Vieux Monde du vin mais une question : buvable or not buvable ? Un début de réponse dans le palmarès de l’International Wine Challenge « On y voit, en page 57, à la rubrique Danemark, que 2 de ses vins ont été récompensés : un vin blanc, le madeleine-angevine 2008 (médaille de bronze) et un mousseux, le dons-orion 2007 de Skaesøgaard (médaille d’argent). » Selon Lars Dahlager « l’amélioration de la qualité au cours des dernières années tient essentiellement au recours de nouveaux cépages qui ont pour nom rondo, regent, orion et madeleine-angevine. Ces variétés sont en effet bien adaptées à des climats frais et des saisons courtes. Le léon-millot, aux grains noirs et bien ronds, est également très apprécié. Il est apparu dans les années 1950 en Alsace, où il est toujours cultivé. D’après Sven Moesgaard – un vigneron danois – il se plaît encore plus au Danemark. Le léon-millot donne une robe puissante et des tonalités un peu sauvages et violentes au vin rouge de Skaesøgaard, qui contient du regent et du rondo.
Le Léon-Millot est une obtention, vers 1911, d’Eugène Kuhlmann qui croisa (Vitis riparia x Vitis rupestris) x Goldriesling à l’Institut Viticole Oberlin de Colmar. Il fut commercialisé à partir de 1921. C’est hybride avec des plantations constatées en Vendée, en Suisse, au Canada et aux USA. Du même croisement sont issu les cépages : Maréchal Foch, Maréchal Joffre, Lucie Kuhlmann, Etoile I et II et le Triomphe d’Alsace. Ça pourrait donner dans les temps changeant que nous vivons des vins de cépages rétro et cocorico. Mais mon amour pour le Léon Millot date, vous vous en doutez, de mes années vendéennes : le frère Bécot fut un grand vulgarisateur du Léon-Millot qui doit son nom à Léon Millot président de la Société Vosgienne de Viticulture. Du côté de chez Dieu, Henri Bécot, doit trouver que ce retour en force au Royaume du Danemark – mon cher frère Bécot était un royaliste ardent – est magnifique pied-de-nez à ses détracteurs.
En guise de conclusion : une réflexion de Sven Moesgaard qui projetait de s’établir en France avant de s’installer au Danemark, à propos de ses assemblages « c’est le moment le plus délicat. La difficulté, dans un pays viticole jeune, est de ne pas avoir de grand-père ou d’oncle à qui l’on puisse demander conseil » Allez, Stéphane Derenoncourt un petit geste pour Sven Moesgaard et son assemblage de rondo, regent et de léon-millot ! et une expérimentation « Sven Moesgaard a planté du riesling, du cabernet-sauvignon et du pinot noir dans une petite vigne expérimentale, où il va étudier pendant quelques années s’il est possible de faire du vin avec des ces cépages classiques. » Affaire à suivre...