Retour en France et retour en arrière : en mars 2010 je lisais « Dix ans. Le Beaujolais vit sa dixième année de crise d’affilée. Durant cette décennie 1500 viticulteurs ont mis la clé sous la porte » écrit le magazine Lyon Capitale dans son numéro de février sous le titre choc « Un vin à l’agonie » avant d’ajouter « sans doute pas en danger de mort, mais plus probablement en voie de paupérisation. Clochardisation, diront certaines langues vipérines ».
Et pourtant !
« Les vignerons décidés à faire du primeur, ou ceux qui n’avaient pas de meilleure alternative – je pense surtout aux miens, ceux du Sud – se sont appliqués. Ils ont démontrés, nonobstant les tentatives ultérieurs d’autres vignobles attirés par la poule aux œufs d’or, que l’association terroir beaujolais/gamay noir à jus blanc, donnait par vocation et quand on le voulait bien, le meilleur primeur rouge du monde, souvent imité, rarement égalé, jamais dépassé et croyez-moi, c’est pas de la réclame mensongère...
On fit tant et si bien que le primeur est, en quelque sorte, devenu une appellation officieuse dans l’appellation beaujolaise. Conséquence plaisante, Chiroubles, Brouilly, tous les crus ont pu dans l’esprit du consommateur, se démarquer du simple label beaujolais puisqu’ils ne font pas le vin en primeur, prendre leur essor, s’imposer comme beaujolais haut de gamme porte-drapeaux de l’appellation. Conséquence plus préoccupante pour les beaujolais et beaujolais-villages classiques, coincés entre la notoriété universelle des primeurs et des crus. Sans image de marque précise, pour eux la partie se compliquait, elle l’est toujours hélas, et de plus en plus au fur et à mesure que le primeur gagne des parts de marché. » [...]
Papa Bréchard, l’homme de la conquête, l’artisan le plus populaire du Beaujolais primeur dresse un tableau impressionnant : « En 1960, nous faisions 40 000hl de primeur, à peine 10% de la récolte (…) En 1968, année de grands lancements, si vous vous souvenez. Du côté négoce, Duboeuf et quelques autres ont aussi foncé. A partir de 1968, le primeur a commencé de submerger le monde.
100 700 hl soit 17% des 607 000hl de la récolte 1970.
Combien d’hecto de Bojolo Nouveau en 1986 selon papa Bréchard ?