« Grand Seigneur » le magazine du plaisir de la table qui paraît quand ça lui plaît, c’est-à-dire lorsque son rédachef Olivier Malnuit a fini de pondre 90% des articles – en voilà un bon petit artisan – dans son numéro 05 dit de juin-juillet-août, nous offre une première : une Ministre de la Santé qui déclare d’entrée, dès la première question du vibrion, « J’aime le Chinon. » Même sa voisine ligérienne, la pétulante Roselyne Bachelot d’Angers, qui ne crachait pas sur le nectar, n’avait pas osé afficher de façon aussi ostensible son goût du vin dans un organe de presse.
Dès sa première question, Malnuit se vautre un chouïa, lorsqu’il affirme à Marisol Touraine, élue de l’Indre-et-Loire, que c’est une région réputée pour ses vins de Gamay - oui Gamay de Touraine - alors que chacun sait que le cépage du Chinon, le favori de la Ministre, c’est majoritairement le Cabernet Franc. Va falloir que l’omniscient délègue un peu sinon il va souvent se prendre les pieds dans les ceps.
Marisol lui répond sans ambages « J’aime le chinon que j’apprécie surtout en rouge, même s’il y a des chinons blancs excellents – ndlr m’sieur Malnuit, là c’est du chenin et soyez gentil des minuscules aux appellations – Chez moi, je sers beaucoup de vins de Touraine à table, mais j’ai une affection particulière pour le chinon. Comme ça, pour boire un verre le soir. Sans prétention. Certains ont beaucoup plus de caractère qu’on ne l’imagine. Sinon, un bon bourgogne, ça ne se refuse pas » – là c’est du pinot noir ou du chardonnay camarade Malnuit.
Le plus grand plaisir de Marisol ce sont d’abord les fromages de chèvre ou de brebis comme le Sainte-Maure de Touraine ou le brebis du Lochois… Le soir à la maison, il m’arrive assez souvent de d’un morceau de fromage et d’un verre. Mais je peux aussi me régaler avec une Géline de Touraine ! » Cette dernière notre Ministre de la Santé aime la cuisiner avec « des morilles, de la crème et des petits oignons caramélisés, le déglaçage au Chinon (rires). »
Je sens que certains vont crier au brossage du poil des électeurs vignerons par Marisol mais, comme le fait finement remarquer ce madré de Malnuit, en conclusion de sa critique du livre de Jacques Dupont « Invignez-vous ! » « Heureusement qu’on peut encore boire (avec modération) un Touraine avec Marisol… Santé ! » Nous n’allons tout de même pas nous plaindre qu’une Ministre de la Santé affiche qu’elle aime le vin et, je trouve que ce serait beaucoup lui demander que ce fusse un GCC (rires).
Plus sérieusement à la question « à propos d’action, ça fait 22 ans que la pub sur le vin est interdite à la TV – ndlr depuis Michèle Barzach – Et pourtant, 10% des moins de 20 ans avouent se bourrer la gueule dix fois par an. Qu’est-ce qu’on fait avec la loi Evin ? »
« Je ne crois pas que l’absence de communication sur les vins ait un lien avec les nouveaux phénomènes d’alcoolisation massive des jeunes bien au contraire. Quand vous parlez avec ceux qui ont ces comportements pathologiques, ils vous expliquent que le vin c’est trop cher pour l’objectif qu’ils recherchent. Leur problème, ce n’est donc pas de boire un verre sympathique entre copains, mais de se saouler. Et ce n’est clairement pas avec des grands crus. »
Bien sûr notre Ministre de la Santé, qui est aussi celle de nos retraites, reste Ministre de la Santé « Aujourd’hui, toute la difficulté consiste à gérer une consommation de plaisir et les risques liés à une incitation à l’alcool sans maîtrise. Je pense qu’on doit pouvoir mener les deux de front : une politique de santé publique importante et, en même temps, accepter qu’un verre de vin fait partie de plaisir de la vie. Tout est dans la maîtrise. »
Qui vivra verra mais, rappelez-vous l’histoire du premier verre, je ne pense pas que Marisol Touraine laissera la bride sur le cou aux ayatollahs, et elle sera ouverte à certaines de nos propositions, mais c’est aussi aux gens du vin, avec Vin&Société, de travailler pour déminer un terrain où s’affrontent depuis des décennies des points de vue qui n’ont guère fait reculer le fléau de l’alcoolisme. Les évolutions sont lentes, et souvent imperceptibles, pour que les politiques publiques les prennent en compte il faut que ce que l’on nomme d’une façon large, l’opinion publique, se retourne. À nous d’y travailler en sortant de notre petit monde du vin, en cessant de nous vivre comme une forteresse assiégée, en mettant le vin à sa place, celle de la convivialité et du bien-vivre dans une société qui en a bien besoin.
Votre Taulier s’y emploiera.
PS. à l'attention de mon ami Jean Mimi, même je n'ai pas l'insigne honneur de compter parmi ses experts, puisqu'il loge du côté d'Amboise il pourrait aller rendre une petite visite à Marisol du côté de Montbazon lorsqu'elle fait son marché, pour la mettre en boîte (je précise à JM qu'ici PS signifie Post-scriptum et non PS...
et comme il s'est nourri au lait d'Alain Touraine dans sa jeunesse ça pourra le motiver) Moi j'irai du côté de Toul...