« Homme de l’art » dans son acception ancienne selon le Robert l’art est défini comme « un ensemble de moyens, de procédés conscients qui tendent à une fin » et de citer Paul Valéry, Avant-propos de l’Encyclopédie française « On dit de la Médecine qu’elle est un Art ; on le dit aussi bien de la Vénerie, de l’Équitation, de la conduite de la vie ou d’un raisonnement. Il y a un art de respirer ; il y a même un art de se taire. »
Vu comme cela sans contestation possible l’œnologie est un art car c’est une activité supposant des connaissances et des pratiques spécifiques qui réclament un apprentissage. Donc tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes lorsque le « magasin culte » de la Rive Gauche, le temple de la consommation chic, la Grande Épicerie du Bon Marché, dans le cadre de ses Privilèges D’Initiés pour Février fait l’Éloge de la Culture. Le glissement sémantique est d’importance car l’évènement se rattache à la nouvelle marotte du temps : le tourisme culturel.
Aujourd’hui tout est culturel pour reprendre l’expression fétiche des soixante-huitards où tout était politique. Alors pourquoi les épiciers, si ça fait vendre, ne s’y colleraient pas eux-aussi me direz-vous ? Amener des gens à se cultiver est toujours une bonne chose et dans cette veine permettre à des consommateurs d’acquérir les rudiments de la culture du vin – pas celle des ceps bien sûr – participe à une forme d’élévation du niveau des connaissances. Donc je ne puis que donner un satisfecit aux communicants du BM d’organiser une visite guidée au château de Malmaison de l’exposition consacrée aux coulisses de la cave de l’Impératrice Joséphine. Le Vin et l’Histoire forment un couple parfait. Bravo donc de sortir les amateurs de leur 7ième arrondissement pour seulement 10 euros.
Là où l’opération prend l’allure d’un mélange des genres étrange c’est lorsqu’elle propose, peut-être influencée par son voisin « Le vin en tête » (chronique : Faut-il être maintenant être œnologue pour apprécier le vin ? ICI-> ) : une « Initiation à l’œnologie » Je ne vais pas reprendre mon argumentaire développé dans la chronique citée mais vous proposer la lecture de la présentation de cette initiation. Ça vaut son pesant de Culture, avec un grand C comme connerie en barre... « La Grande Épicerie de Paris et son Chef de Cave, Hugues Forget, vous convient à une initiation à la dégustation à l’aveugle. La cave de la Grande Épicerie s’offre à vos palets (sic) pour une découverte œnologique unique. Dans le cadre feutré d’un salon privé du Bon Marché Rive Gauche, Hugues Forget aura le plaisir de vous présenter une sélection originale et surprenante afin de vous familiariser à l’art œnologique. »
J’ai respecté la charte graphique et l’orthographe mais je me dois d’ajouter un extrait du second paragraphe qui est lui aussi fort plaisant « Tarif : 30 euros par personne (valeur effective 60 euros) ... Le Bon Marché Rive Gauche se réserve le droit d’annuler l’évènement en cas de participation insuffisante. » En clair : la Grande Épicerie organise des dégustations à l’aveugle payantes, en soulignant finement que c’est ½ tarif, en se réservant le droit de vous renvoyer chez vous sans avoir pu bénéficier de ses prestations si elle n’amortit pas son opération. « Vérigoud ! » Dieu que c’est prétentieux ! Bravo les artistes c’est de l’art pour l’art ( l'art c'est aussi celui de se taire comme l'écrivait Valéry) mais que voulez-vous moi je ne suis qu’une tête de lard qui ramène toujours sa fraise, de veau bien sûr.
Bonjour chez vous !
Un vieil encarté du Bon Marché : Jacques Berthomeau carte N° 100 28120 1349 8807
PS. Jouer aux palets était un des loisirs dominical des hommes dans ma Vendée profonde. Les joueurs alternant séjour à la cave et jeu. Vive la culture paysanne et les révolutions de palais !