Alors que nous entrons dans la dernière ligne droite de ce qu’il est convenu d’appeler les fêtes de fin d’année, les réveillons de Noël et du Nouvel An, avec leurs cortèges de foie gras, caviar, huîtres, langoustes, volailles grasses, fromages qui puent, bûches pleines de crème… accompagnés de champagne, vins tranquilles et de spiritueux… que les magazines regorgent de recettes opulentes… les adeptes de régimes alimentaires ou de diètes particulières occupent de plus en plus la Une des médias.
Les « sans » gluten, no lactose, les vegan, les crudivores (raw food), les adeptes de l’alcaline eating (manger des aliments selon leur PH), les partisans de la diète paléolithique (retour à l’alimentation d’il y a 4000 ans même si les historiens ignorent ce que mangeaient les hommes à cette époque), les tenants du régime macrobiotique qui s’appuie sur l’équilibre ying ou yang des aliments, les zélotes du régime consistant à choisir ses aliments en fonction de son régime sanguin et, bien sûr, cerise sur le gâteau sans gluten : les partisans du jeûne.
Fantaisies de trop bien nourris me direz-vous !
Pas que cela, les intolérances alimentaires existent et sont des maladies.
Reste les autres, les adeptes, qui sont une minorité agissante et très présente dans les sphères médiatiques où la mode du Coming Out alimentaire est très tendance : Novak Djokovic vient de le faire dans son livre Serve to win suivi immédiatement par Jo-Wilfrid Tsonga. « Trouver la bonne alimentation pour mon corps m’a permis d’être plus léger, en meilleur santé » a précisé le Serbe avant d’ajouter « ça a tout changé dans ma vie et dans ma carrière. »
Grand bien leur fasse, ça ne me dérange pas sauf à développer une militance agressive, mais le vrai bémol à ces pratiques non fondées sur de réelles intolérances alimentaires provient de ceux pour qui c’est une vraie maladie : pour le gluten la maladie cœliaque. Cette maladie ne se soigne pas, alors pour aller mieux il faut arrêter de consommer du gluten. Et c’est dur à vivre que de se priver de pain, de pâtes, de biscuits… Les vrais intolérants ne peuvent souffrir « aucune approximation : une trace de ce mélange de protéines suffit, en effet, à gêner l’absorption des nutriments, en particulier du fer, du calcium et de l’acide folique, et à provoquer des complications. A terme, cela peut conduire à des carences, des diabètes, des pertes de fertilité et des cancers. » www.sortirsangluten.org
Moins de 1% de la population, soit 500 000 personnes environ sont touchées en France selon l’Association française des intolérants au gluten. Chiffre stable depuis des années. « malgré cette réalité le marché du « sans gluten » ne s’est jamais aussi bien porté. S’il n’atteint pas encore 2,91 millions d’€ comme aux USA, il progresse en France de 30%par an. A ce rythme, il pourrait dépasser les 40 millions d’€ en 2015. »
Pour l’intolérance au lactose, 10% des Français s’en réclament (très souvent à tort selon les médecins).
Reste les régimes et les diètes qui fleurissent sur le Net.
« Plus le régime est farfelu, plus il semble séduire. Rien de tout cela n’est fondé scientifiquement, évidemment. Il peut y avoir un effet placebo qui fait que les gens vont mieux parce qu’ils sont persuadés d’aller mieux. Mais cela s’arrête là. L’être humain est omnivore, il est fait pour manger de tout. Se priver de certains aliments n’a pas de sens. C’est se compliquer la vie pour rien. » JM Lecerf nutritionniste à l’Institut Pasteur de Lille « A chacun son vrai poids » chez Odile Jacob
Ces diètes ne sont pas anodines. Outre les carences elles peuvent entraîner des problèmes psychiques. Selon Gérard Apfeldorfer ces pratiques sont à rapprocher de l’orthorexie, l’obsession du manger sain. « Certains individus finissent par réfléchir à ce qu’ils vont manger plus de trois heures à l’avance. Ils diabolisent quelques aliments au point de les rendre responsables de tous leurs problèmes. Cela peut devenir un handicap social lourd, surtout que beaucoup cumulent les régimes en excluant les matières animales, les produits laitiers et le gluten. Ce qui ne laisse plus grand-chose à manger. »
Reprendre le contrôle de sa nourriture, après les errements de l’Industrie Agro-alimentaire et d’une forme d’agriculture et d’élevage peu soucieuse des consommateurs est une bonne chose. Cependant, la méfiance érigée en une série d’exclusions est très caractéristique d’une génération très « moi, moi, moi, qui cherche à tout prix à exister » comme le souligne Gérard Apfeldorfer. Dans un monde globalisé « manger autrement est une manière de s’affirmer en tant qu’individu, de dire : je suis différent et je m’assume… »
Que devient la convivialité des repas à la Française dans tout ça ?
Mangera-t-on encore ensemble, ou finira-t-on par annoncer ses dietary requirements (régimes alimentaires) à ses hôtes lorsqu’on est invité ?
La réponse dans une chronique de votre Taulier ICI link
Cette chronique est née dans le TGV d’un article de Claire Lefevre « Drôles d’assiette ! » in TGV Magazine