Ma pieuse mère rêvait que j’entre au séminaire. Dans la Vendée profonde le goupillon brillait de ses derniers feux, le pays était constellé de séminaires et le célèbre Mgr Cazaux, grand défenseur de l’enseignement libre, dépêchait dans les dites écoles un envoyé spécial, que les paysans avaient baptisés « le grand inséminateur », pour susciter des vocations. Il venait une fois par an en classe pour nous questionner hypocritement sur notre devenir professionnel. Sur de petit papier nous devions répondre à sa question. Les plus hardis, anonymement répondaient : vidangeur, les autres transcrivaient leur futur métier. Aucun de mes camarades de classe n’est entré au séminaire.
Un jour, pour voir comme au poker j’ai écrit : prêtre. Enfer et damnation, tel un vautour se jetant sur sa proie le dragueur de vocations me bombarda de sollicitations écrites. Je fis droit à l’une d’elle, toujours pour voir. C’était une retraite de 3 jours au Grand Séminaire de Luçon. J’avais 7 ou 8 ans et j’étais plutôt mignon avec mes cheveux bouclés et mon minois d’angelot. Je n’étais jamais sorti des jupes des femmes de la maison qui me bichonnaient comme un prince. Ce fut l’horreur absolue. Tout d’abord l’odeur du lieu, un étrange mélange de renfermé et de fade ; ensuite le réfectoire et son manger infâme ; enfin, la chambre individuelle haute de plafond, ce lit en fer, ses draps rêches, et cette veilleuse violette… je me sentais comme pris dans un piège sans espoir de m’échapper et je me mis à sangloter. Un jeune prêtre vint me consoler. Lui sentait l’eau de Cologne.
De retour à la maison je fis un feu de joie de la propagande au fond du jardin. Mon père passant par-là me demanda pourquoi ? Ma réponse : « j’ai envie d’aimer les filles » lui plut et il intima au clan des femmes l’ordre de me ficher la paix. Ainsi se termina en queue de poisson ma saga ecclésiastique.
Mais, tout mécréant que je sois, le travail des nonnes et des moines m’a toujours intéressé et je suis client de certains de leurs produits, fromages et confitures surtout car du côté du vin les vins d’abbayes ne sont pas, à défaut d’être surnaturels, très naturels.
ORA et LABORA
Si, pendant vos vacances vous ne souhaitez bronzer et manger idiot je vous conseille l’acquisition du « guide gourmand des Abbayes » aux éditions du Chêne de Nicole Masson, c’est une bible et vous pourrez ainsi être gourmand sans risquer de pêcher…
Lire ma chronique « Le vin des sœurs du Monastère orthodoxe de Solan en cohérence avec sa terre... comme en Bourgogne » link
Je reviendrai, à propos des fromages d’abbayes sur cet ouvrage…