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10 décembre 2009 4 10 /12 /décembre /2009 00:00

 

Pour ma génération de soixante-huitards non révisés, en nos jeunes années échevelées Londres et l’Angleterre plus généralement, en matière de musique, d’art et de mode, c’était l’excentricité, l’inventivité, le pôle des extrêmes, un geyser bouillonnant, les Stones et les Beatles, le Paris de St Germain des Prés prenaient des rides, la tendance traversait le Channel et nous découvrions avec horreur qu’il allait falloir tout sacrifier à cette foutue langue anglaise pour être dans le vent...


Et pendant ce temps-là un garçon né à Oxford, passe par Eton Collège puis à l’University of Sussex pour faire plaisir à ses parents et à ses professeurs tout en se rêvant « artiste ». Bien sûr 4 trimestres plus tard il plaque tout, des petits jobs pour survivre et il peut enfin entrer aux Beaux-arts. Il y étudie pendant 3 ans, une année de fondation puis 2 de peinture. Avant même la 4ième année notre homme présente à son expo de peinture un seul objet : une moto qu’il avait restaurée et peinte. Imaginez la tête de ses professeurs face à l’œuvre ; des professeurs, bien évidemment pourvus d’un solide humour britannique, qui lui demandent si elle fonctionne. La réponse positive de l’artiste « rebelle » lui vaut de la part de l’un d’entre eux une sentence sans appel « je pense que nous sommes bien d’accord, votre carrière chez nous est terminée ». Digne sous l’outrage notre artiste fauché en plein envol, ouvre la porte, démarre la vieille Harley WLA 45 fonctionnant au kick, avec changement de vitesse à main sur le réservoir et le voilà filant vers un autre destin. Nous sommes en 68 mais, si cette scène se déroulait de nos jours, je suis persuadé que David Cobbold exposerait son « œuvre » face à Buckingham Palace ou dans le potager du Roi au château de Versailles à la demande de Jean-Jacques Aillagon.


La « femme assise » placée en frontispice de cette chronique est de lui. Je l’ai découvert à la suite d’un déjeuner avec David Cobbold au Juveniles un bistrot à vins – cave - « Alternative Wine Merchant » situé au 47, rue de Richelieu dans le 1ier arrondissement www.juvenileswinebar.com tenu par le jovial Tim Johnston, un écossais comme je les adore (je ferai une petite chronique et sur le bar et sur Tim un de ces 4). Ce jour-là, suite à mon épisode très chaud du Grand Q Glacé cher à Cyril Alonso, j’y ai bu mon premier Bojolo Nuovo 2009, un Chermette cuvée Vieilles Vignes très affriolant, le genre rock and roll tout à fait en phase avec mon état neuronal assez speedé en ce moment. Il pleuvait ce jour-là. Nous avons, avec David, partagé le pain et une nourriture fort roborative tout en conversant de tout et de rien. Pour moi c’est toujours un plaisir d’échanger avec David, j’apprécie sa rectitude morale, son parler sans détour, son courage intellectuel et sa culture du vin qu’il n’étale pas comme certains de ses confrères. Bref David est parti avant moi et j’ai alors pris le temps de contempler ses tableaux exposés sur l’un des murs du Juveniles. Elle m’a plu de suite cette grande bringue aux pieds nus plongée dans la lecture, une Marianne Faithfull brune.


 

 

Retour sur image, la fin des années 60, Mike Jeagger et Marianne Faithfull... et pendant ce temps-là notre David Cobbold pour survivre se fait photographe et en 72/73 il débarque en France. La France des terroirs, c’est le temps du « retour à la terre » : la Haute-Savoie puis le Lot et Garonne où il retape de ses mains de vieux bâtiments. Enfin Paris où notre homme va se former et se frotter aux métiers du vin mais aujourd’hui ce n’est le David Cobbold homme du vin reconnu dont je voulais vous parler, même pas de son double, mais plutôt de celui qui enfourchait sa vieille Harley et qui peut-être faisait la « bêtise » de sa vie. Une vocation ne se remise jamais vraiment, elle affleure : David recommence à dessiner en 1978 ; elle reprend le dessus : David reprend des cours et fait deux petites expos en 1980 et 82 ; et puis elle se réinstalle en 2003. Depuis David Cobbold peint. Ce n’est pas « un peintre du dimanche » il lui faut être en situation alors il peint donc chaque été.


Mes relations avec la peinture touchent d’assez près celles que j’entretiens avec le vin : elles sont, dans leur expression écrite ou orale, quasi-mutiques car les mots, les miens tout au moins, sont dans l’incapacité de transmettre mes émotions esthétiques, de traduire avec la bonne intensité ce je ressens tout au fond car c’est de l’ordre de la sensualité pure. Je jouis. J’entre dans le tableau, il m’envahit, me submerge, m’amène sur des rives inconnues. Les mots briseraient la magie. Faire des phrases alors que l’on sent monter en soi la volupté équivaut pour moi à faire l’amour avec une armure de chevalier du Moyen-âge. Donc n’attendez pas de moi une fiche technique sur la « femme assise » de David Cobbold j’en suis bien incapable. Elle est entrée sans autre forme de procès dans la galerie de mes femmes assises, du moins en pensée, car je n’ai plus de place sur les murs de mon appartement pour qu’elle les y rejoigne. 


 

 

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commentaires

M
<br /> Certes, mais un bistrot comme "Juve" il n'y en a qu'un dans le monde et il est à Paris  et c'est tant<br /> mieux. Il est indémodable puisqu'il ne suit pas la mode. Et quand on aime, on ne compte pas...<br />
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P
<br /> Le Juveniles, je le connais depuis ses débuts : bof ! Cherchez bien, à Paris, vous devriez trouver plus authentique et moins cher.<br />
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M
<br /> Merci de nous rappeler la face cachée de l'homme du vin. Et si vous allez au Juvenile's, offre-vous une dégustation de finos de Jerez, "muy frio" SVP. Quant aux VV des Chermette, il me tarde de<br /> vider un flacon ou deux avec des amis...<br /> <br /> <br />
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