Ce titre est un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, nul, j’en conviens, mais je plaide non-coupable car, même s’il se situe nettement au-dessous du niveau de la mer, c’aurait pu être pire puisque vous avez échappé ce matin à je bois donc j’essuie… les verres au fond du café.
Que m’arrive-t-il ?
Aurais-je trop bu de vin nu ?
Me serais-je shooté à la mèche de soufre ?
Serais-je pris de vertige face au grand retour de David Bowie, 66 ans depuis le 8 janvier, avec son album The Next Day ?
The Stars (Are Out Tonight)
Un peu de tout ça sans être tout à fait ça, en fait rien de très spécial sauf que je ne sais jamais quoi répondre à la question qui m’est souvent posée « mais pourquoi t’écris sur le vin ? » Même si ça vous étonne, je ne sais pas vraiment pourquoi je ponds des chroniques sur le vin à raison de deux par jour que Dieu fait (athée, j’adore cette expression).
Tout d’abord sachez que je n’écris pas pour boire, ni ne bois pour écrire, mais j’écris tout de même. À bien y réfléchir ce qui chez moi uni le boire et l’écrire c’est que j’aime être assis. Poser mon cul ou mes deux fesses où que ce soit, sur quoi que ce soit : une chaise de cuisine, un banc public, un fauteuil profond, un canapé de salon, une banquette de café, un tabouret de bar, un pouf de lupanar, un transat sur un entrepont, la margelle d’un pont, un tronc d’arbre abattu, sur l’herbe, sur le sable… me va car, comme je n’écris pas debout, dès que je suis assis soit j’écris, ou je lis, même je préfère lire au lit, soit je bois car je suis un invétéré buveur assis.
Ceci écrit, même si ça va vous paraître paradoxal, chaque jour je n’écris pas sur le vin mais j’écris tout court, tout simplement, de la même manière que mon pépé Louis labourait ses champs avec sa charrue Brabant. Quand j’arrive au bout d’une chronique, dans la chaintre de ma page blanche, je fais virer ma paire de bœufs blancs tachés de roux et je plante le soc pour continuer mon labour. Je vais au pas des pas de mes bœufs, sans hâte, j’écris. Mon ouvrage est ce qu’il est et je n’ai nullement la prétention d’œuvrer. Non je besogne en essayant que mon sillon reste bien droit comme le voulait mon pépé Louis. Ne prenez pas ce que j’écris pour de la fausse modestie car je suis tout sauf modeste. Comme mon aïeul je suis fier.
Le vin n’est donc pour moi qu’un prétexte, certes un beau et un excellent prétexte mais si, chaque jour, j’écris, et je n’écris pas chaque jour mais par séquence, lorsque j’ai le temps et l’envie, c’est parce que je ressens le besoin de vous écrire. Vous écrire c’est aller à votre rencontre, une rencontre sur mes lignes. J’ai chemin faisant appris à m’adresser à vous, à sortir de mon petit jardin d’intérieur, de mes à priori, de mes lubies. Grâce à vous j’ai vraiment ouvert en grand mes portes et fenêtres. Vous m’avez libéré de ma distance, de ma gangue, de ma carapace d’homme de pouvoir. Grâce à vous je me livre avec liberté et je l’espère le plus possible de légèreté. Grâce à vous j’ai gagné en patience, je ne suis plus un homme pressé. Même que je ne monte pratiquement plus sur mes grands chevaux.
Écrire, vous écrire, n’est pour moi ni un travail, ni un dérivatif, c’est faire un bout de chemin avec vous, pour converser, échanger, créer des liens. Reste que ce pan de mon activité ne m’occupe pas tout au long de la sainte journée : écrire deux chroniques par jour ne s’apparente pas aux travaux d’Hercule. Et c’est là où je voulais en venir, en ayant abusé comme toujours de votre patience, un jour je m’arrêterai de chroniquer. Je m’arrêterai comme ça, sans préavis, à mon corps défendant peut-être, on ne sait ni le jour ni l'heure, ou tout simplement par que j’aurai terminé le labour de mon champs. Alors, si Dieu me prête vie (pas mal pour un athée) j’irai en labourer un autre.
Lequel ?
Je ne puis vous le dire, plus exactement il me semble prématuré de vous le confier