L’agitation liée à l’apparition du nouveau label «fait maison» m’a fait découvrir un chef Jean-Luc André qui tient le Restaurant Pétrelle, 34, rue Pétrelle, Paris IXe. Dans Libé il précisait que « le « fait maison » ne coûte pas plus cher, il prend juste plus de temps.» link
Le temps, le faute de temps, le pas le temps, est sans nul doute ce qui dans l’alimentation, aussi bien à domicile, qu’hors-domicile, est le déterminant le plus lourd qui a pesé sur l’évolution de la production, de la transformation et des modes d’achat de nos aliments.
Tout doit être produit vite, forcé, intensifié, pour être ensuite, sous forme de « minerai » transformé, assemblé, dans des usines de l’agro-alimentaire et distribué dans les rayons de la Grand Distribution.
Nul besoin de faire un dessin, le fait main à la maison comme dans la restauration est devenu une pratique minoritaire.
La pratique, le faire de la main du métier de cuisinier ou de la geste de la cuisine familiale, où plus on exerce, plus on acquiert un esprit pratique, plus particulièrement en ce qui concerne l’acte d’achat des produits.
Jean-Luc André qui se rend, une fois par semaine, au marché de Rungis le dit très bien «J’entends beaucoup de restaurateurs demander où sont passées les carottes les moins chères. Moi, je prends d’abord mes légumes, et ensuite, je m’intéresse au prix.»
Qui sait encore acheter des produits frais de saison, faire des plats peu coûteux avec des produits simples, les bas-morceaux, accommoder les restes, faire des laitages, de la compote, des tartes ?
Plus grand monde, pas le temps, emballé, congelé, surgelé, c’est cher payé en dépit des publicités des grands prédateurs de la distribution. Le gaspillage alimentaire lié à des achats en lots est l’une des dérives du système. En dépit de la multiplication des shows télévisés avec grand renfort de chefs, la profusion des magazines ou de blogs de cuisine, l’art de la cuisine à la maison s’est éloigné du populaire pour se réfugier dans certaines couches aisées.
Guillaume Fouace (1827-1895)
« Les américains des années 50 essuyèrent la première offensive de l’alimentation industrielle ; les magasins préféraient généralement les fruits et légumes bien emballés et expédiés plutôt que les produits goûteux ; le traitement des volailles et de la viande se standardisa ; tous les produits frais devaient être recouverts de cellophane.
Naturellement, certaines formes de cuisine américaine étaient d’une grande finesse, en particulier la cuisine de l’Old South, mais les chefs des beaux quartiers, dans ces années de stérilisation, avaient plus de chances de chercher leur inspiration à l’étranger, Julia Child leur fit découvrir la France.
Pour élargir l’horizon de ses lecteurs, Julia Child coucha par écrit des procédés qu’elle avait appris professionnellement, à Paris dans sa jeunesse. »
Richard Sennett Ce que sait la main chez Albin Michel
Il en fut ainsi de « La poularde à la d’Albufera »
Qu’est-ce donc que « La poularde à la d’Albufera » ?
« Au cours des guerres napoléoniennes, le général Suchet remporta une victoire importante sur les Anglais près du lac d’Albufera, à Valence en Espagne. Un Napoléon reconnaissant fit de lui le duc d’Albufera, tandis que le chef éminent, Carême, inventa toute une série de plats en son honneur, notamment le « poulet à la d’Albufera ». Ce poulet désossé, farci de riz, de truffe er de foie gras, puis enduit d’une sauce à base de poivre doux, de bouillon de veau et de crème, est une des gloires de la haute cuisine du XIXe siècle – et sans nul doute une source inépuisable de crises cardiaques à cette époque. »
« Le cuisinier provençal-américain Richard Olney explique précisément comme s’y prendre (pour désosser le poulet), avec un couteau fin de 18 cm plutôt que d’un fendoir de chef chinois : « Trancher l’attaque de chaque omoplate à l’articulation de l’aile et, en la tenant solidement entre le pouce et l’index de la main gauche, détachez-là de la chair avec l’autre main. Détacher la chair du bréchet en travaillant le long de la crête avec la pointe du couteau et en forçant sur les côtés avec le bout des doigts. Toujours avec les doigts, procéder de même tout autour du bréchet et, pour finir, au point le plus haut du bréchet, trancher le cartilage rattachant la peau en prenant grand soin de ne pas percer celle-ci » the French Menu Cookbook 1985
Nous sommes bien sûr très loin d’une telle technicité dans les cuisines modernes et c’est à dessein que je me suis amusé à extirpé de la poussière cette recette d’un autre âge pour pouvoir mettre en exergue l’extrême simplicité de la fabrication maison d’une purée à la fourchette ou d’une compote de pommes…
Du temps, vous avez du temps, si peu… et chez soi le temps à cuisiner c’est de l’argent de gagné…
Bon appétit !
Cuisine et Vins de France pose la question « QUEL VIN SERVIR AVEC LA POULARDE SAUCE ALBUFERA ? »
La réponse est ICI link