La maison tenant toujours ses promesses, il sera très fortement question de vin dans cette chronique pour vous permettre de faire une belle soupe de fraises au vin lorsque viendra la saison des fraises.
Qui sait encore quand commence chez nous la saison des fraises ? (Réponse ici via le site du sieur Hulot link) À Paris, comme partout d’ailleurs, elles déboulent sur les étals dès avril, grosses, moches, grenues, rouge brique, empilées, entassées, venues par camions entiers de la province de Huelva en Espagne. « L’Espagne exporte chaque année vers l’Hexagone, selon les douanes, 68000 tonnes de fraises (60% des importations françaises), soit un ballet de quelque 22000 camions par an, sur 2500 km. Un bilan carbone désastreux, selon le site Effets de terre www.effetsdeterre.frdu journaliste Denis Delbecq : l’émission d’une barquette de 500g vendue en Allemagne correspondrait à 442 grammes-équivalent-CO2, soit autant qu’une petite voiture roulant 3,5 km. Un goût amer ? » (Les Inrocks, oui Egmont je le lis !)
Marcelo dl Pozo/Reuters
Si un jour vous vous aventurez, comme moi, en Andalousie dans la province de Huelva vous découvrirez l’horreur de 6000 ha de films plastiques jetés sur des terres arrachées à la forêt du parc naturel de la Doňana sous lesquels pousse « l’or rouge » à 2,45€ la barquette de 500g chez les bienfaiteurs du pouvoir d’achat. Ponction d’eau monstrueuse, rejet de pesticides dans la nappe phréatique, main-d’œuvre de précaires, sans papiers Roms ou Marocains payée 5à6€ la journée. Tout ça pour des fraises sans goût qui vont se taper des milliers de kilomètres pour satisfaire quel besoin au juste ? Je n’ai pas de réponse à cette question mais je crois que le problème c’est que ceux qui les achètent ne se posent pas de question. Quand à ceux qui les proposent ils vous répondront qu’ils ne font que suivre la demande.
Attention, ici, je ne mets en avant que l’aspect empreinte carbone, la culture hors-sol existe aussi dans notre beau pays et la gariguette de Plougastel pourrait voir le jour partout ailleurs car elle pousse, elle aussi, sous tunnel plastique avec les mêmes perfusions. Le savoir-faire technique et commercial de Saveol fait que cette fraise a au moins du goût et qu’elle est cultivée dans des conditions sociales normales. Libre à chacun ensuite de faire le choix de consommer ou non. Pour la transparence commerciale, hormis le label AB, il serait bon que soit systématiquement porté à la connaissance des consommateurs la mention de plein champ pour les fraises qui poussent à l’air libre. Tout le monde ne peut pas fréquenter le marché paysan de Velleron près de l’Isle sur Sorgue. Voilà pour ma contribution au sauvetage de la planète et il ne me reste plus qu’à vous livrer ma recette de fraises au vin. Je l’ai commise il y a quelques années et je l’avais baptisée : Soupe de fraises des Bois. Je vous la livre en vous demandant de vous livrer aussi au jeu de remplacer les points de suspension par le nom du flacon. Merci par avance.
« Avec le plus beau de ses sourires il demandait à son ex-dulcinée un grand saladier et un tablier. Ce qui fut fait d’un petit air pincé. La nuée des nanas faisait cercle. L’avantage des fraises des bois c’est qu’elles sont équeutées alors il n’eut qu’à les déverser au fond du saladier.
Ensuite en un geste ample, au pif, il les saupoudrait de sucre de canne roux non raffiné. Pour les novices, notez : 150 grammes de sucre pour 750 grammes de fraises. Puis, avec des mines de chanoine il pressait un citron vert, râpait un bâton de cannelle et parsemait le tout de clous de girofle.
Enfin, instant suprême, après avoir débouché un flacon de ..., il le versait avec doigté sur les fraises des bois émerveillées.
Avec une grande cuillère en bois d’olivier il touillait.
Les filles s’extasiaient.
Mais, il y avait un mais. Il réclamait à la chouette Ginette une passoire pour réserver les fruits puis il versait le vin aromatisé dans une belle casserole de cuivre. Portait le liquide à ébullition puis, à feu doux, pendant 10 mn, le laissait chanter. Toujours avec des gestes de maestro il plongeait le cul de la casserole dans un bac de glace pilée. Attendait.
Décidait qu’il fallait maintenant passer aux choses sérieuses : goûter le flacon de... »
Pour terminer sur une note so british, puisée dans le panier de JP Géné Mes chemins de table chez hoëbeke voici la Strawberry and cream une tradition qui a court à Wimbledon, pas sur les cours bien sûr, mais là où les élégantes donnent du plaisir aux yeux.
« Il* connaît moins une autre tradition étroitement associée à cet évènement sportif : strawberry and cream, la consommation de fraises à la crème dans les gradins et alentour. Selon la légende, ce serait le roi George V(1865-1936) qui aurait introduit cette pratique pour distraire les spectateurs, mais Audrey Sell, bibliothécaire au Wimbledon Lawn Tennis Museum, assure que les fraises sont apparues dès le premier tournoi (1877) qui correspondait à leur pleine saison, fin juin. Cultivées principalement dans le Kent, elles sont cueillies la veille et réceptionnées à Wimbledon dès 5h30 pour être inspectées et réparties en barquettes de 10 unités vendues la saison 2008, 2,25 livres (2,60€). L’elsanta est la fraise officielle de Wimbledon, une variété abondante en Europe, à chair ferme, au goût sucré légèrement acide et d’un rouge brique à maturité. Elle doit être accompagnée de crème double d’un minimum de 48% de matière grasse selon le règlement. En 2008, il s’en est consommé 7000 litres pour 28 tonnes de fraises avalées en quinze jours. Les fermiers du Kent sont ravis. » (13 Juin 2009)
* Il = le télespectateur.